Cette société nous pose des questions, nous empêche de vivre. Parfois elle nous fait vomir, toujours elle nous révolte. Capitalisme, patriarcat, rapports de domination, désastres écologiques, forces étatiques, de quoi faire frémir toute notre bile. Parfois nous voudrions cultiver cette bile, comment dire, l’approfondir, la relever, la garnir de données, d’arguments, d’idées, d’action. Mieux connaître ce que nous critiquons pour mieux savoir ce que nous vomissons et comment nous le vomissons.
Alors nous nous auto-organisons et nous montons un infokiosque, une sorte de librairie alternative, indépendante. Nous discutons des publications, brochures, zines et autres textes épars qui nous semblent intéressants ou carrément nécessaires de diffuser autour de nous. Nous les rassemblons dans cet infokiosque, constituons ainsi nos ressources d’informations, et les ouvrons au maximum de gens. Nous ne sommes pas les troupes d’un parti politique, ni les citoyens réformateurs de nos pseudo-démocraties, nous sommes des individus solidaires, qui construisons des réseaux autonomes, qui mettons nos forces et nos finesses en commun pour changer la vie et le monde.
Les textes subversifs sont nombreux et c’est partout hors des circuits spectaculaires-marchands (et même au sein de ces circuits, des fois) qu’il est possible d’en trouver. En mettant de côté une puis deux puis trois brochures, jusqu’à en avoir une ou deux ou trois dizaines, il ne reste plus qu’à photocopier tout ça en plusieurs exemplaires et trouver un lieu où les poser pour que chacun-e puisse venir les feuilleter et les emporter. Alors nous bichonnons les photocopieuses, nous récupérons du papier à foison, nous faisons jouer les réseaux de connaissances, le bouche à oreille. "Tiens, la semaine dernière on parlait des catastrophes écologiques en Amérique trans-caucasienne. Ben figure-toi que je suis tombé sur une brochure qui en parle : je te la photocopie et je te la passe". Nous aimons ces moyens de communication directe, nous aimons le do it yourself, l’auto-production, la débrouille, nous aimons ces modes de diffusion autonomes.
Dans le monde merveilleux des infokiosques, l’information n’est pas soumise aux logiques commerciales, publicitaires, spectaculaires, financières qui ligotent les médias classiques et puissants. Elle n’est pas centralisée, standardisée, reproduite à l’identique en quantités industrielles et officielles. L’information est réappropriée par des individus, des collectifs, rediffusée au gré des envies et des luttes sociales. On n’en revient pas pour autant à la rumeur, vu que les données transmises sont en principe vérifiables, en tout cas écrites, et donc déformables uniquement de manière consciente. Et l’information ne reste pas non plus forcément dans le cercle du voisinage : si l’échelle de diffusion des infokiosques n’est pas monstrueuse, elle n’est pas pour autant insignifiante. Elle mobilise d’autres moyens, elle mobilise les circuits invisibles des relations humaines, et peut se répandre bien plus qu’on ne se l’imagine.
Il y a des infokiosques dans plusieurs villes de plusieurs pays, dans des lieux autogérés, des squats ou des lieux associatifs… S’y trouvent plein de lectures à emporter, généralement à prix libre ou "pas cher", car le but ici n’est pas de gagner de l’argent mais de diffuser des idées, des théories, des pratiques mises sur papier. En plus de ne pas faire d’argent, les infokiosques n’ont généralement pas d’existence légale. Ce sont des collectifs anonymes et des "zones d’autonomie temporaire" (plus ou moins temporaire, selon les lieux dans lesquels ils se trouvent). Il existe aussi des infokiosques virtuels, comme infokiosques.net...
Source:
http://infokiosques.net/article.php3?id_article=6