Léon vit en France depuis plusieurs années, comme beaucoup de ses congénères africains, il est resté longtemps en clandestinité avant d'être régularisé. Il a pourtant vécu son irrégularité à une époque moins difficile qu'aujourd'hui, les traversées de Paris à pied pour éviter le métro, la peur au ventre...
Lors du décès de son père, il n'a pas pu retourner en Côte d'Ivoire. Il n'avait pas de papiers. Il n'aurait pas pu revenir pour retrouver son fils et sa femme, il aurait perdu son travail.
A son arrivée en France, il a été surpris, les rares fois où il prenait le métro, il s'asseyait et généralement les passagers se levaient de leur siège, préférant la station debout que d'être assis à côté de lui ou il restait seul, les banquettes vides autour de lui.
Ses amis ivoiriens l'ont aidé à son arrivée, il se régalait tous les jours du poulet qui était un plat festif chez lui. Il était gêné que ses amis mettent les petits plats dans les grands et leur a donc demandé de faire moins de frais. Il a appris sous leurs regards amusés qu'en France le poulet était la viande du pauvre.
Enfin, il a bénéficié du précieux sésame pour sortir de la clandestinité. Il a donc pu aller en Côte d'Ivoire pour visiter les siens. Il se rend, en premier lieu à sa banque à Abidjan.
A l'intérieur de l'agence bancaire, plusieurs files, un homme blanc entre avec un attaché case, il va directement au guichet. L'employé le salue et s'active immédiatement …Léon pique une crise.
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Vous êtes ici comme chez vous, plus que chez vous …
Vous n'êtes pas contrôlés ici, vous ne subissez pas les humiliations que vous nous faites subir, hein ?
Vous avez la priorité sur les noirs, vous circulez librement...
Vous êtes riches ici, vous avez tous les droits...
Puis, il prend à parti le guichetier en le tançant pour son allégeance ...
Il fait un tel scandale que l'homme blanc se place dans la file.
Ce retour aux sources lui laisse un goût amer, malgré cela, il imagine à voix haute, en riant, la même difficulté pour les blancs que celles faites aux étrangers en France, les insultes, les fouilles, les arrestations, ...Les charters bondés de petits blancs attachés.
Et je ris avec Léon, il a bien raison Léon.
Agathe
* Première illustration empruntée sans l'aimable autorisation de Frope