Magazine Internet

Place de la Toile : ça commence mal

Publié le 15 septembre 2007 par Pierre Mounier

Je me permets de plagier le titre d'un récent billet paru sur Arhv, pour évoquer le glissement progressif vers le fiasco de la toute nouvelle émission de France Culture consacrée à Internet.

Lorsque les deux animateurs - Caroline Broué et Thomas Baumgartner, ont commencé la première de leurs émissions par une revue de presse construite pour l'essentiel sur la lecture de titres généralistes comme Le Monde et Télérama, on pouvait se douter que quelque chose allait très vite clocher. En réalité, la qualité de leurs invités : Joël de Rosnay et Véronique Kleck a pu faire illusion un moment. Nettement moins maîtrisé la semaine suivante (sur la question du gratuit avec Olivier Bomsel), le débat vient aujourd'hui de s'effondrer en nous faisant subir une heure de propagande « décomplexée » comme on dit maintenant, en faveur de Nicolas Sarkozy, de son génie, de son courage et de ses idées neuves sur Internet.

Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement par l'intermédiaire du thème du débat : « En quoi internet peut-il changer notre rapport au politique ? » et de son unique invité : Thierry Solère, maire-adjoint de Boulogne-Billancourt et secrétaire national de l'UMP...

Thierry Solère est un des artisans de la campagne de Nicolas Sarkozy sur Internet. Le moins que l'on puisse dire est que son approche des relations entre politique et Internet est assez particulière. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'UMP n'est pas tombé de la dernière pluie en matière de communication sur les réseaux. Cela fait très longtemps que des campagnes ciblées ont été menées par une célèbre agence spécialisée, le fameux « Enchanteur des nouveaux médias », Arnaud Dassier, pour le compte du parti conservateur. Et la marque de fabrique de l'« Enchanteur », c'est, contrairement à ce que son titre ronflant suggère, l'agressivité du marketing politique. Certains se souviendront des fameux adwords achetés par l'UMP pour conduire vers son site à partir de recherches sur des mots comme « banlieue », « racaille » ou « voitures brûlées ». D'autre se souviendront du Sarkospam, message publicitaire non sollicité envoyé à des dizaines de milliers d'adresses mails, sans qu'aucune poursuite n'ai jamais été rendue possible.

Pendant près d'une heure, on a donc eu droit à une apologie sans contradiction de cette communication politique tout en finesse, recouvert par un discours bateau sur les vertus participatives du Web 2.0, la révolution du journalisme citoyen et les cyber-mamy capables de recevoir les photos de leurs petits-enfants et d'adhérer à l'UMP en un clic. Il faut reconnaître aux deux animateurs de l'émission, qu'un autre invité était prévu. Benoît Thieulin, responsable de la net-campagne de Ségolène Royal devait apporter la contradiction, j'imagine. Retenu par un retard ferroviaire, il n'a pas pu participer au débat, ce qui est fort dommage. Il aurait pu démentir Thierry Solère qui, n'ayant pas compris que la campagne présidentielle était terminée, s'évertuait à taper sur la candidate socialiste et son dispositif participatif Désirs d'avenir. Le pitch de son argumentaire était simple : Désirs d'avenir montre que Ségolène Royal n'a pas d'idées ; et d'ailleurs sa proposition participative est un écran de fumée car les contributions des internautes n'ont pas été repris dans le discours de Villepinte. Le syllogisme qui relie les deux propositions a manifestement échappé aux journalistes qui se sont contentés d'un silence ignorant. S'ils avaient préparé un peu mieux leur émission, ils auraient peut-être lu l'article paru sur ce sujet exactement dans le dernier numéro de la revue Hermès, qui montre que les choses ne sont pas aussi simples.

C'est peut-être quelques auteurs de ce numéro d'ailleurs qu'il aurait fallu inviter, en face d'acteurs impliqués comme Solère et Thieulin. Ils auraient permis de confronter un discours de pure propagande avec des recherches nombreuses sur le sujet qui apportent des réponses à la question posée par le titre de l'émission, un peu plus fines que ce qu'on a entendu. Bref, ils auraient fait une émission France Culture et non Europe 1.

Pour finir, il y eut un moment savoureux, lorsque Thomas Baumgartner, dans un sursaut de dignité, demanda à son invité si les achats de mots clés du type "voiture brûlée" n'étaient pas à son avis contraires à l'éthique. La réponse de thierry Solère fut extrêmement claire : c'est ce que tout le monde fait, et ce n'est pas interdit par la loi. Dans ces conditions, il ne voyait pas ce qui était contraire à l'éthique.

C'est bien ce qu'il me semblait.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Pierre Mounier 31 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine