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Denis Tillinac et la beauté des Vietnamiennes à bicyclette

Publié le 08 mai 2009 par Frontere

Denis Tillinac et la beauté des Vietnamiennes à bicycletteJe le revois fin février deux mil quatre à Carré d’Art, à Nîmes, avec la mine renfrognée du type revenu de tout, lui le catholique pratiquant peu enclin pourtant, de ce chef, à céder aux affres de l’acédie. 

Miston de l’école de Brive, auteur de plus d’une trentaine de livres, qui l’eût cru? , plutôt ami du genre féminin que du genre humain, il vient de publier : « Rue Corneille », l’adresse même des éditions de La Table Ronde aux destinées desquelles il a présidées entre 1990 et 1996 avant, écrit-il, de “tromper la littérature avec la diplomatie” via une mission sur la francophonie que lui confia Jacques Chirac, et qui lui permettra d’admirer à Hanoï … la beauté des Vietnamiennes à bicyclette.

Denis Tillinac, il a son parterre de fidèles - j’en fais partie - qui le suit chemin faisant sur les sentiers d’une littérature qui se veut plus rustique que raffinée (par équivalence, dans la gent animale, vous penserez à une vache Aubrac plutôt qu’au caniche nain de Madame) même si Chateaubriand en est l’un des phares en tout cas, au moins, ici : « Rue Corneille ».

Pourtant, et contrairement à l’auteur des fameuses « Mémoires d’Outre-tombe », notre ami reste inconsolé de ne pas avoir embrassé l’Histoire, même s’il l’a tutoyée ce qui nous vaut des évocations de l’Afrique ou plutôt, devrais-je dire, de la Francafrique et de ses réseaux où circulent les valises que l’on baptisa diplomatiques dès lors qu’elles transportaient plus de monnaie fiduciaire que d’effets personnels.  

Ce n’est pas le plus intéressant du livre que cette litanie de noms de chefs d’États africains qui ont pillé leurs pays sans que les gens du quai d’Orsay ne paraissent s’en émouvoir outre mesure. Sans doute faut-il y voir de la résignation …

Je lui préfère l’évocation de cette France qualifiée avec condescendance par certains de profonde et où : « Il y a toujours au bout d’une départementale un clocher roman que je ne connais pas, une Bovary locale qui daigne s’intéresser à ma prose ». 

Cela vient à point nommé nous rappeler que Tillinac a débuté comme correspondant local de La Dépêche du Midi du clan Baylet. Il y a connu Jacques Chirac à ses débuts, il se sont liés d’amitié, même si Tillinac prend maintenant de la distance, alors que pour asseoir à droite le leadership du maire de Paris il pourfendait naguère dans « Le Monde » Édouard Balladur (1). C’est peu dire qu’il a détesté les années 2004-2007 quand la repentance servait à lier les plats du service politique des journaux et des cabinets. On la célébrait il est vrai à toutes les sauces : collaboration, colonisation, conspiration ; la France était sommée de s’excuser de tout. Apparemment Madame Royal reste dans cette séquence …

Mais remettons Denis Tillinac sur le métier, celui d’éditeur. Revenons à ce qu’il nomme “mes années Table Ronde”. Il y aura publié de la poésie, genre réputé très difficile à vendre, notamment Bernard Delvaille, là pour le coup c’est en intégralité! chapeau bas Monsieur, ou encore Maurizio Serra « Les frères séparés », son dernier - et excellent - choix d’éditeur. 

Cependant, c’est assez rare pour être souligné, ne croyez pas qu’il tire la couverture à lui, bien au contraire, il rend par exemple un très bel hommage à Marie-Thérèse Caloni, la cheville ouvrière de la maison, elle décèdera l’été deux mil six d’un cancer et Alice Déon prendra la relève. Mais, comme le chantait Brassens (2) : « Le cœur, hélas, n’était pas dans le coup », car, sans doute : « vient un âge de la vie où plutôt que de débusquer le talent d’un tendron en littérature, on préfère relire les classiques ».

Si Baudelaire et Balzac ont vécu rue Corneille, Tillinac aussi, mais le bail est échu.

Sans cela nous n’aurions pas eu cette “chronique d’une dépossession”, chant du cygne d’un homme dans les veines de qui ne cesse de circuler le venin de la mélancolie (3) ; bref un lointain parent de René.

(Denis Tillinac, « Rue Corneille », éditions de La Table Ronde, Paris, 2009, 18 €)

Notes

(1)  « François Mauriac disait de Laniel : ” Cet homme sent le lingot. ” Sans imputer mécaniquement la formule à Balladur, on notera que ses apôtres les plus empressés sont basés dans la banlieue ouest où le mètre carré n’est pas donné. Disons que le balladurisme sent un peu le lingot. Ou le magot. » Denis Tillinac, Débats Droite. Beaucoup de bruit pour rien « Le Monde » édition du 7 octobre 1994

(2) in « Cupidon s’en fout »

(3) « Le venin de la mélancolie », éditions de La Table Ronde, 2004


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