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Rationalités comparées des contenus mathématiques

Par Olivier Leguay

La philosophie dans le champ de la l'histoire des sciences par Michel Paty. Sur les travaux de Roshi Rashed.
L'intégralité  du texte en PDF : ICI

Dans le document précédent, Michel Paty s'appui sur les travaux de Roshi Rashed sur l'histoire des mathématiques arabes pour  se pencher sur la question des changements et des innovations, sur leur rapport aux conceptions et traditions antérieures, en vue d'apporter des éléments à ce que pourrait être, pour ce domaine, une philosophie de la découverte au sens propre.
J'ai choisi, plutôt que de paraphraser le texte, d'extraires quelques morceaux choisis et d'y inclure quelques liens, dont la seule lecture ne pourra remplacer celle de l'intégralité du texte.

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Le problème des découvertes

La notion de découverte et de nouveauté dans les connaissances est évidemment d'une importance première en histoire des sciences et, à cet égard, l'histoire des sciences arabes ne fait pas exception. Il est clairement établi désormais, notamment par l'œuvre de R. Rashed ) pour l'histoire des mathématiques, que le champ des mathématiques arabes est fait de découvertes, et non seulement de traductions et de transmissions. Or il est désormais démontré que la science et notamment les mathématiques, bouge beaucoup entre le IXème et le XIIème siècle, au sud de la Méditérannée, sans qu'on puisse parler de révolution pour autant, sauf peut-être, on le verra, pour l'optique d'Ibn al-Haytham, encore qu'elle ait été masquée par la persistance d'une manière traditionnelle de présentation. Il faudrait peut-être d'ailleurs examiner sous cet angle d'autres innovations relatives à l'algèbre, à la géométrie algébrique : s'agit-il de révolutions au sein de la tradition ? Mais, de fait, la catégorie de « science normale » se révèle, ici comme en bien d'autres situations, inutilisable.

Par ailleurs, la question de la découverte est fort peu prise en compte en philosophie, pour des raisons diverses, mais dont une raison est la difficulté inhérente à la problématique de la « nouveauté » même, dont le concept semble se détruire de lui-même, assimilé dans la pratique et la reformulation dès sa première apparition. Il est fréquent que les savants qui innovent n'aient pas eux-mêmes conscience de la nature de leur innovation. L'importance d'un élément réellement nouveau apparaît surtout au niveau structurel d'un ensemble de modifications, comme on le verra sur le sujet qui nous retient aujourd'hui.

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On peut évoquer, parmi de multiples cas, celui de l'apparition de l'analyse locale et de la dérivée dans l'oeuvre d'al-Tusi, qui représente un important chaînon dans le développement de la géométrie algébrique après al-Khayyam, entre Appollonius et Descartes. Al Tusi instaure l'analyse locale et analytique des courbes, introduit l'utilisation des transformations affines, étudie les maxima d'une fonction au voisinage d'un point, et donne pour la première fois la forme de ce que l'on appellera plus tard la dérivée, en l'utilisant de façon systématique (c'est une dérivée muette, présente dans les faits, mais sans les dénominations, sans le concept). Un élément de nouveauté se trouve effectivement présent, mais comment le caractériser sans anachronisme ? Son importance passa (probablement) inaperçue sur le moment, bien qu'il ne s'agisse de rien de moins que de l'invention d'un nouvel objet mathématique. Elle est également inaperçue d'une approche historique a-posteriori qui prend son information et ses critères d'une tradition établie différemment.

La question de la rationalité

" La raison se construit dans les pratiques en lesquelles elle se reconnaît et elle se découvre elle-même en se construisant" Jean Ladrière
Nous ne savons pas caractériser la raison d'une manière totalement analytique, bien que nous sachions comment elle fonctionne, à l'usage.

Les philosophes actuels, s'ils constatent les changements dans les connaissances, ne les rapportent que très rarement à des modifications dans la structure de la raison elle-même, qu'ils auraient plutôt tendance à considérer comme immuable. Pendant des décennies l'on parlait, pour la dénier de "logique de la découverte".

La raison reste encore elle-même difficile à penser en tant que structure mentale fonctionnelle et sujette à des modifications.

La rationalité ne concerne pas seulement la rigueur ( qui se tient du côté de la logique ), mais aussi de l'intuition, par laquelle Poincaré considérait que le monde a à voir avec le réel, et qui est impliquée dans l'invention sans laquelle il n'y aurait pas de mathématiques.
Ibn al Haytham et al-Tusi

Ibn al Haytham dégageait ainsi le problème de la propagation de la lumière de celui de la vision, en séparant les conditions respectives de l'une et de l'autre.
R. Rashed indique que dans cette nouvelle conception, "le rapport entre géométrie et optique est un isomorphisme de structure, et nullemnt une synthèse" comme on le concevait avant ce savant.
Ibn al Haytham définit la droit comme "la ligne telle que si l'on fixe deux quelconques de ses points et si on la fait tourner, sa position ne change pas".
La notion de convexité tient un rôle fondamental aussi bien chez Ibn al Haytham que chez al-Tusi, guidant ce dernier vers l'étude des maxima et minima des courbes: en introduisant des fonctions affines, il se trouva en mesure d'écrire pour la première fois la forme de ce qui devait être plus tard conceptualisé comme la dérivée.
Dans la conclusion

Le rationnel n'est pas univoque et déborde largement le logique; il peut prendre, dans les modalités de compréhension, appui sur l'intuition intellectuelle, qui n'est pas formulable en termes explicites et qui porte sur des "conditions initiales" intellectuelles qui sont très différentes selon chacun.


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