EPISODE 13 : Où Gudule atteint son maximum d'inefficacité et où le dialogue devient complètement insane parce que l'auteur avait bu avant de le rédiger les personnages font absolument n'importe quoi et qu'on n'a plus de prise sur ces sales bêtes.
« C'est toi, nom de Dieu ! » s'écria le Masque de fer à la vue de l'horrible sorcière. Il était certes un peu ivre mais pas au point de ne pas reconnaître l'inoubliable face de Gudule. « On m'avait dit que tu étais revenue, et c'est vrai ! Qui t'a déstatufiée ? Que veux-tu ? » Gudule minauda ou du moins essaya. « Dieu a eu pitié de moi, répliqua-t-elle, répétant fidèlement ce qu'elle entendait. Mon esprit égaré a retrouvé le droit chemin. J'ai abandonné la sorcellerie, j'ai retourné ma veste et je suis venue t'avertir d'un très grand danger qui te menace. Il faut partir avec moi, le caribou fou est lui aussi revenu. » « Qui c'est, celui-là ? » interrogea le Masque de fer, ahuri. « C'était mon génial maître à sorceller. Il veut se venger de toi, d'eux, de lui, de tous. » Et comme on la regardait, les sourcils froncés, l'air sévère et pas du tout convaincu par ce qu'elle disait, elle tira de sa poche un innommable paquet. « Regarde, pour te prouver ma bonne foi, j'ai pensé à t'amener une langue de bœuf », dit-elle. « Et que veux-tu que j'en fasse ? » répliqua le Masque de fer, toujours courroucé et pas du tout disposé à la laisser entrer. Gudule attendit qu'on voulût bien lui souffler la réponse à cette question, mais rien ne vint. La connexion avec le caribou fou était interrompue. « Et bien, murmura-t-elle, prise au dépourvu, je peux toujours te la faire cuire... » Et elle réalisa au même moment l'énormité de sa gaffe. « Oh là là, pensa-t-elle, pourvu qu'il ne dise pas oui !... » Mais le Masque de fer avait autre chose à penser. « Entre, mets-là dans le congélateur et ne m'enquiquine pas avec ça ! Qu'est-ce que tu veux, bordel ? » « Je te l'ai dit, répéta Gudule. Faire la paix avec toi et t'emmener loin d'ici pour te mettre à l'abri de mes exactions... heu, de celles de mon maître... » Le Masque de fer se gratta la tête. « J'ai une confiance en toi très limitée, dit-il. Entre dans la cuisine mais pas plus loin ! » Gudule attendait désespérément les ordres, en vain. Plus rien ne résonnait dans son non cerveau. Estimant que rester sur le seuil risquait de mettre la puce à l'oreille de son ex futur fiancé, elle pénétra dans la grotte dont le masque de fer ferma, hélas pour elle, la porte.
« Alors, tu accouches, oui ? » tempêta le Penseur Masqué. Et soudain, la communication s'établit de nouveau. « Voilà. Tu te souviens de ceux qui t'ont aidé à m'enfermer... heu, à me statufier ? » Le masque de fer réfléchit un instant puis fit « oui » de la tête. « Et bien, c'est affreux, j'ai reçu d'eux de très mauvaises rondelles. » On haussa les sourcils d'étonnement. « Des mauvaises rondelles ? » répéta-t-il. « Non, je veux dire nouvelles. Voilà. Leur chef, Madonna, est très malade. » « Depuis quand Madonna est chef de bande ? » demanda le Masque de fer qui connaissait les idoles modernes et les nouveaux saints du calendrier. « Heu... Je veux dire Marsupilania, gémit Gudule. Elle... Elle vomit des vers de terre... non, des glaires, pardon. Elle est couchée sur sa litière... non, sur son... quoi ?... heu, lit en fer. » La communication était atroce, elle comprenait un mot sur deux. « C'est pace que ce gros con a fermé la porte, pensa-t-elle. Si seulement je pouvais lui demander de la rouvrir, mais il trouverait ça pas normal ! » « Ton discours me paraît bien incohérent, dit le Masque de fer, soupçonneux. Ainsi, la grande Marsupilania, la Vaillante des Vaillantes, est malade ? » « Très, assura Gudule. Elle risque de courir. » « De courir où ? » s'enquit le Masque, de plus en plus soupçonneux. « De mourir, veux-je dire, rectifia Gudule en hâte. Il ne lui reste plus que du beurre pour vivre. » « QUOI ??? » hurla le Penseur Masqué, dépassé. Gudule se trémoussa, ruisselante de sueur. « Il ne lui reste plus qu'une heure à vivre », redit-elle plus clairement. « Ah bon ! Vrai ? » rugit à nouveau le Masque de fer. « Oui », confirma Gudule avec un soulagement indicible. D'abord, ce mot-là, elle était capable de le penser toute seule et puis il y avait enfin eu une pause dans la traduction simultanée. Un nouveau flot de mots l'envahit. « Il faut que tu fasses tout de suite un streep-tease, reprit-elle. Heu, je veux dire ta valise. Sinon, tu ne reverras plus Maradona. Elle va pourrir, parce qu'elle a clopé la... la trique vierge. C'est pour ça qu'elle grève. Si tu veux lui pourvoir une dernière croix... heu... si tu veux la voir une dernière fois, il faut que... que... que tu te la lèches... non, que tu te dépêches. » La voix dans son non cerveau se tut tout à coup. « Tu as compris ? » demanda-t-elle au Masque de fer qui la regardait fixement, l'air très inquiet.
Dans son recoin sombre, le caribou magique étouffait comme il le pouvait dans ses pattes ses hurlements de rire et se disait qu'il avait trop mal au ventre, il allait crever. « Quelle andouille, cette sorcière ! Sourde comme un pot, en plus ! C'est bien de mon frère d'être allé chercher la plus grande connasse de la terre comme exécuteur des basses œuvres ! »
« Il n'y a pas que Marsupilania qui est malade, dit le Masque de fer, affolé. Tu racontes n'importe quoi ! » « C'est pas nouveau », s'entendit répondre Gudule. « Oui, mais avant, c'était des contre sens, pas des non sens, précisa son interlocuteur. Et quel rapport avec ce que tu me disais auparavant, là, l'histoire de ton maître à sorceller ? Non, laisse tomber, de toutes façons, tu n'arriveras pas à être cohérente. Donc, Marsupilania me réclame ? » « Oui, dit Gudule. Elle le creuse. » « Mais elle creuse quoi, bordel ???? » éclata le Penseur masqué, persuadé que sa visiteuse se moquait de lui. « Elle le veut, corrigea Gudule. Oh, et puis crotte, à la fin ! Elle va crever, la vieille, elle veut te voir avant alors amène-toi qu'on quitte cette île pourrie ! » « Et bien voilà ! Tu ne pouvais pas le dire plus tôt ? Mais c'est bizarre, quand même. Je connais à peine Marsupilania et elle tient à me voir en personne ? » « Tu lui as tapé dans l'œil, assura Gudule. Vite, un bateau va quitter l'île Sainte Marguerite dans une demi-heure. Si tu ne traînasses pas, on peut l'avoir. » « Sers-moi une bière, je fais ma valise », répliqua le Masque de fer, que sa galanterie innée n'avait point abandonné, malgré un long séjour dans une époque qui n'en connaissait plus l'existence. Puisqu'une gente dame désirait voir son masque avant de clamser, la courtoisie exigeait que ses dernières volontés passent avant l'Oeuvre de sa vie.
Le Penseur Masqué sortit en courant de la cuisine, frôla le caribou magique sans prendre garde à lui parce qu'il avait oublié sa présence. Ce dernier tendit le cou pour espionner ce qui se passait dans la cuisine. Il vit distinctement Gudule verser de la bière dans un verre, sortir une fiole de sa poche et en vider le contenu dans le breuvage. « Bon sang, elle va l'empoisonner, la gadoue ! se dit le caribou magique. Il faut l'en empêcher. Holà, mes pouvoirs ! » Hélas, il avait oublié qu'il s'était déconnecté du central magique et le temps qu'il obtienne une ligne, le Masque de fer, revenu dans la cuisine, avait bu sa bière et s'était écroulé, inerte, aux pieds de Gudule. « Il est trop tard pour lui, se dit le caribou magique. Tant pis, il faut protéger les autres. Vite, que je me retrouve chez Marsupilania ! » Et il disparut.
Bien lui en prit car le caribou fou s'annonça en fracassant la porte d'un coup de patte. La première chose qu'il fit en pénétrant dans la cuisine fut de flanquer une tarte à Gudule afin de lui apprendre à répéter correctement ce qu'il lui disait. « Prends-le par les pieds, ordonna-t-il à la sorcière, ravie de cette preuve d'amitié qu'il venait de lui administrer. Je le chope par les épaules. Allez, ouste, incantatise, et au château d'Onyx Noir ! »
(Pauvre masque de fer ! Il n'a pas su déceler la vérité derrière les élucubrations de la sorcière ! Que va-t-il lui arriver ? Et le caribou magique parviendra-t-il sans encombre chez Marsupilania ? Le piège immonde du caribou fou va-t-il réellement fonctionner ? Comment vont réagir nos amis en apprenant l'enlèvement du Masque de fer ? Se précipiteront-ils, comme l'espère le caribou fou, à sa recherche ? L'auteur, exténué, demande grâce.)