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Hadopi & règlement de l’Assemblée : déclaration de guerre et état de siège(s)… ça va saigner !

Publié le 10 mai 2009 par Kamizole

frederic-lefevbre-pourfendeur-dinternet.1241534898.jpgA en croire l’article de Patrick Roger paru dans le Monde du 4 mai 2009 Loi Internet, règlement de l’Assemblée : l’offensive à double détente de l’UMP «rien ne va plus» à l’Assemblée… Les jeux sont faits ! Les députés de l’UMP sont priés de voter comme un seul homme et sans états d’âmes, braves petits «godillots» de Nicolas Sarkozy eût-on dit du temps de «Mongénéral», dixit le Canard Enchaîné.

La plupart obtempéreront, serrant suffisamment les fesses dans la crainte de n’être point adoubés par l’autocrate – qui s’occupe du moindre bouton de guêtre - lors des prochaines élections.

Mais c’est bien entendu à l’évidence l’opposition qui est en ligne de mire du sarkollimateur depuis son coup d’éclat le 9 avril 2009 : le rejet de la loi Hadopi par l’Assemblée nationale, en dernière lecture après le compromis de la Commission mixte paritaire.

«Plus jamais ça» semblent dire les pontes de l’UMP. Et de trouver les parades institutionnelles – qualifiées de «représailles» ! c’est dire l’ambiance de guerre de tranchées qui règne à l’Assemblée - adéquates pour museler davantage l’opposition… On appellera cela la démocratie bien comprise !

C’est encore mon très cher ami Kissycolle – alias Lefebvre-In/Utile – qui fait le plus fort en matière de méchanceté stupide. Je ne pouvais pas rater cette dernière «sortie» : “On va leur faire subir tout ce qu’ils nous font endurer depuis deux ans.” (…) “On va leur faire la totale. Ils ne vont pas être déçus du voyage”… Qu’elle me mette en colère relève une fois de plus du pur euphémisme.

A-t-il seulement conscience de l’image désastreuse de la politique qu’il expose ainsi ? Je ne le crois pas assez intelligent pour s’en apercevoir. C’est une politique de «coups» - forcément bas – à l’instar de son petit maître. Si l’opposition n’a plus le droit de s’opposer et d’utiliser toutes les armes institutionnelles et constitutionnelles, autant ne plus faire d’élections !

Je ne suis pas née de la dernière pluie et je m’intéresse depuis trop longtemps à la politique ainsi qu’à l’histoire, y compris celle des institutions ainsi qu’au droit constitutionnel pour ne pas relever que lorsque la droite était dans l’opposition – de 1981 à 1986 tout autant qu’entre 1988 et 1993 et ensuite entre 1997 et 2002 – elle a usé de toutes les armes du règlement de l’Assemblée et de la Constitution pour s’opposer aux lois qu’elle n’agréait pas. Je trouve que c’est de bonne guerre : c’est le rôle de l’opposition.

De même que je trouve tout à fait souhaitable que les parlementaires puissent voter «en leur âme et conscience» y compris contre des textes de loi émanant de leur parti.

Je rappellerais par ailleurs qu’en France le «mandat impératif» est interdit. Qu’il s’agisse d’une loi voulue par une corporation – celle des «majors» de l’audio-visuel dans le cas d’Hadopi – ou des directives d’un parti politique, tout comme les intérêts d’une région ou d’un groupe d’habitants, etc… Une fois qu’ils siègent dans une assemblée parlementaire, députés et sénateurs sont censés légiférer au nom de l’intérêt général de la France et non d’intérêts particuliers.

Comment l’opposition – qu’elle fût de droite ou de gauche - aurait-elle la moindre chance de revenir au pouvoir si elle ne s’opposait pas au pouvoir en place dans les travées de l’Assemblée nationale et du Sénat ? Laisser l’opposition s’y exprimer et parfois remporter quelque succès fait partie du jeu démocratique et c’est sans nul doute une des voies de l’alternance.

Précisément, l’UMP, Sarko et sa clique veulent museler l’opposition pour rendre toute alternance impossible. Accrochés au pouvoir comme bernique à son rocher.

La «Constitution Sarko» promettait un véritable «statut de l’opposition» avec un renforcement de ses droits… A l’évidence, encore une promesse du petit menteur d’habitude qui non seulement ne sera pas tenue mais plus encore totalement bafouée.

Quelques exemples de la «totale» promise par Frédéric Lefebvre

Tout d’abord sur le vote du projet de loi Hadopi, à titre d’exemple de cette «guerre des travées».

«L’UMP est déterminée à faire une démonstration de force sur le texte défendu par Christine Albanel afin de faire oublier le faux pas du 9 avril : présence massive des députés de la majorité exigée en séance, M. Copé en chef d’orchestre de la riposte “coup pour coup”, les hésitants et les sceptiques étant priés de “se tenir à carreau”»

Les menaces ! Jean-François Copé a certainement dû prendre des cours accélérés auprès d’anciens pontes du Congrès des Soviets. Couper toutes les têtes qui dépassent ! A défaut d’envoyer «les hésitants et les sceptiques» au Goulag dans une trop lointaine Sibérie, il se contera sans doute de faire échec à une future réélection : pas d’investiture de l’UMP.

Ce en quoi il pourrait toutefois se ficher digitum in oculo pour certains parlementaires bien implantés. Qu’il médite l’exemple cruel de l’élection municipale à Neuilly-sur-Seine où les deux candidats «officiels» successifs ont dû être évacués sur un brancard…

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les électeurs – de droite comme de gauche – n’apprécient guère qu’on leur imposât un candidat contre leur gré, qu’il soit «parachuté» ou choisi contre un élu sortant qu’ils appréciaient. Les «représailles» de ce type ou toute autre investiture télécommandée se retournent relativement souvent contre leurs auteurs.

Hadopi n’est qu’un simple prétexte, comme en témoigne la teneur du courrier adressé par Jean-François Copé aux députés de l’UMP : “Désormais, ce n’est plus la teneur du texte qui est en cause mais le problème politique créé par son rejet.”

Je constate cependant avec plaisir que nous vivons – encore – dans une démocratie même si je pense celle-ci de plus en plus menacée par un arsenal de dispositions existantes ou en préparation voire des pratiques non écrites.

Sinon, cette lettre serait couverte pour le moins du «secret défense» et le journaliste n’aurait pas le droit d’en faire état quand bien même en aurait-il eu connaissance «par la bande» non plus que je ne pourrais la commenter et diffuser cette information.

Or donc, les députés, priés de «se tenir à carreau» voteront le texte «porté par Sarko» au bout de ses petits bras. Fort bien. L’UMP, Sarko et sa clique pourront savourer leur victoire.

Je crois toutefois qu’elle sera de courte durée si la criti-quable «riposte graduée» - qui ne l’est guère ! - et les sanctions qui l’accompagnent – prononcées par une instance administrative sans réelles possibilités de se défendre – du projet de loi HADOPI sont en contradiction avec «l’amendement 138» tout dernièrement adopté par le Parlement européen et relatif au texte de la future directive dite du «Paquet télécom» - laquelle a des enjeux économiques qui vont bien au-delà de la seule sanction du piratage.

Reste à ce qu’elle soit adoptée définitivement par le Conseil des ministres européens… Si tel est le cas, le stupide député UMP Franck Gilard qui n’hésitait pas dernièrement à proclamer à l’Assemblée nationale «On s’en fout du Parlement européen» devra manger son chapeau… Depuis le fameux «arrêt Nicolo» de 1989 – Conseil d’Etat - les directives européennes s’imposent dans le droit interne et supplantent n’importe quelle loi ou texte réglementaire qui leur serait contraire…

S’agissant de la question encore plus épineuse du règlement de l’Assemblée où l’UMP semble vouloir régler définitivement son compte à l’opposition et à cet égard, la petite et de courte durée victoire du rejet de la loi Hadopi le 7 avril 2009 : “Les socialistes se sont offert un moment de plaisir pour pas cher” - dixit Jean-François Copé - constitue le prétexte idéal à une mise au pas qui était déjà prévue dans ses grandes lignes depuis plusieurs mois… Museler l’opposition.

Même l’opposition interne à l’UMP : s’agissant du vote du projet de loi Hadopi, le président du groupe UMP n’a accordé aucun temps de parole aux opposants au texte du gouvernement dans la discussion générale.

Quant à la réforme du règlement de l’Assemblée nationale, l’UMP n’est pas plus décidée à “faire de cadeaux”. Tant pis pour Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale qui s’efforçait – au nom d’un «pacte parlementaire» - de trouver un consensus ! Il pouvait bien appeler ses collègues à “la plus extrême prudence” afin de préserver des équilibres qui “respectent les droits des uns et des autres”. Les «chiens de garde» de l’UMP n’ont plus aucune retenue : c’est la guerre à outrance !

La preuve en est : Jean-François Copé et Jean-Luc Warsmann - président de la commission des lois – en ont donné, selon l’article de Patrick Roger dans Le Monde, «un avant-goût lors de l’examen en commission» (…) «A leur initiative, plusieurs amendements ont été adoptés qui réduisent sensiblement les droits de l’opposition» :

réduction de trois à deux du nombre de motions de procédure qu’elle peut opposer à l’examen d’un texte ;

durcissement des conditions de vérification du quorum à l’occasion d’un vote ;

intégration du temps de parole des présidents de groupe dans le “temps global” attribué à chaque groupe lors de la discussion d’un texte en séance…

Nicolas Sarkozy, Frédéric Lefebvre, Jean-François Copé s’imaginent très certainement accrochés au pouvoir encore plusieurs décennies. J’espère que les électeurs les détromperont bien avant !

«Rira bien qui rira le dernier»… dit la sagesse populaire depuis au moins le XVIIe siècle.

Comme le soulignait à bon droit Jean-Jacques Urvoas, porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale : “Nous élaborons, ne l’oublions pas, un règlement destiné à perdurer, indépendamment des circonstances politiques”

Comme mémé Kamizole est toujours aussi méchante, elle imagine fort Frédéric Lefebvre - à condition qu’il soit élu ! – subissant, les dents serrées sur sa colère remâchée, les petits plaisirs concoctés par ses soins et ceux de ses amis…

Quand la gauche revenue au pouvoir leur infligerait les mêmes punitions !

Cela relève du vœu pieux, non pas que la gauche doive perdre tout espoir de gagner ! nous devons nous y employer… mais parce que je pense sincèrement que les députés de gauche seront toujours assez intelligents pour restaurer de vrais droits de l’opposition.

Dommage : j’imaginais avec délices Frédéric Lefebvre n’être pas «déçu du voyage» !


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