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Social marketing : l’évolution des médias sociaux et leur impact sur les consommateurs, par Fred Cavazza

Publié le 11 mai 2009 par Jérémy Dumont

Le cabinet Forrester Research a récemment publié une étude qui a fait sensation : The Future of the Social Web. Rédigée par Jeremiah Owyang, un gourou du social marketing, cette étude fournit une catégorisation très intéressante des différents stades de maturation des médias sociaux :

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Cinq ères y sont ainsi décrites :

  1. L’ère des relations sociales qui décrit les réseaux sociaux d’ancienne génération (avec profils et listes d’amis) ;
  2. L’ère des fonctionnalités sociales avec l’émergence des plateformes sociales comme Facebook où il est possible de greffer des applications ;
  3. L’ère de la colonisation sociale où les utilisateurs vont pouvoir exporter leur graph social à l’aide de technologies d’authentification comme Facebook Connect ou Google Profile ;
  4. L’ère du contexte social où les sites seront personnalisés en fonction du profil du visiteur ;
  5. L’ère du commerce social où les communauté d’acheteurs influeront directement sur la conception des produits / services.

Une vision très optimiste du futur puisqu’elle sonne la fin des formulaires d’inscription ! Je vous propose maintenant de rentrer dans le détail de ces “prédictions”.

Tous les acheteurs ne sont pas encore hermétiques à la publicité

Il y a tout d’abord un excès d’optimisme en ce qui concerne l’importance que vont avoir les communautés d’acheteurs. L’auteur prévoit que d’ici deux ans les groupes vont ainsi supplanter les marques. Je veux bien être d’accord sur le fait que l’impact des publicité traditionnelles sera de plus en plus faible, mais cela ne concerne qu’une seule tranche de la population (la plus connectée), le reste sera toujours fortement sensible à une belle pub (comme par exemple la dernière de Chanel avec Audrey Tautou) ou au contraire complètement hermétique pour des raisons économiques (les plus pauvres se rabattent sur les marques de distributeurs et hard discounters car ils n’ont pas le choix).

Je veux également bien admettre que les internautes ont maintenant à leur disposition un certain nombre d’outils (blogs, forums…) pour donner leur avis et faire du lobbying auprès des fabricants / fournisseurs de services, mais cela ne concerne que les marques les plus faibles. Des marques fortes comme Apple ou Google imposent leurs produits / services sans solliciter la communauté, et cela ne risque pas de changer en deux ans.

L’influence des “amis” en question

De même, l’auteur parle de “peer-to-peer trust” et de l’influence suprême des amis et relations dans l’acte d’achat, mais l’on en revient toujours à la question de “qu’est-ce qu’un ami“. Je veux bien croire que l’on peut faire entièrement confiance à un ami d’enfance, mais qu’en est-il d’une simple relation dans votre (longue) liste d’amis sur Facebook ? Et que dire aussi des stratégies d’influence mises en place par les marques pour essayer de toucher leurs cibles au travers des “amis et relations”. Est-ce que cette notion d’influence des “amis” n’est pas biaisée ? Faut-il ne plus considérer comme des amis ceux qui relayent les campagnes d’influence de marques ?

De mon expérience personnelle, je peux vous assurer que les “blogueurs influents” et autres “leaders d’opinion” (cible privilégiée des campagnes d’influence) subissent une forme de suspicion permanente quand à l’indépendance de leurs propos dès que cela touche à une marque ou que cela ressemble à un conseil d’achat. Bref, la légende du “peer-to-peer trust” à du plomb dans l’aile et mériterait un peu plus de précision.

L’utopie de la personnalisation 1to1 à la sauce sociale

Pour finir, et c’est le point le plus important, je suis plus que sceptique quand à cette notion de social context et de personnalisation du contenu en fonction du profil des internautes. Les vieux de la vieille se souviendront sans doute que ce débat n’est pas jeune et que le coup de la personnalisation 1to1 remonte aux années 2000. Pour raccourcir une longue histoire, disons que c’est une utopie principale portée par des vendeurs de solutions informatiques, une mécanique de personnalisation performante est bien trop coûteuse à mettre en oeuvre et n’a jamais réellement prouvé son efficacité (lire à ce sujet un billet qui date de 2003 : A bas la personnalisation, vive la simplicité d’usage !).

Soyons sérieux : qui peut réellement comprendre mes besoins / contraintes / motivations / freins à partir de mon profil Facebook ou de ma playlist Deezer ? Aussi étendu que soit mon social graph, je doute fortement qu’il soit raisonnable de penser que mes connaissances ou mon comportement sur une plateforme sociale vont pouvoir aider les marques à modéliser mon profil d’acheteur. Éventuellement si je vais visiter le site de Renault, que j’accepte de m’y authentifier avec mon compte Facebook (sur lequel il est préciser que je suis marié et père de 2 enfants), est-il juste de penser qu’il ne faut m’afficher que les informations relatives aux modèles monospace ? Et si j’ai envie de m’acheter une seconde voiture ? Et si je me renseigne pour un autre membre de ma famille ? Bref, l’idée est bonne mais sa mise en application pose beaucoup trop de problèmes sans pour autant répondre à un besoin clairement exprimé.

Et pourtant, plus rien ne sera comme avant

Malgré ces points sur lesquels je suis sceptique, il n’en reste que les marques vont devoir s’attendre à une véritable révolution dans les prochaines années : la clairvoyance des consommateurs. Après ½ siècle de domination des formats publicitaires broadcast (émetteur > cibles), les consommateurs ont appris à se méfier des stratégies publicitaires des marques et à détecter une fausse promesse (”ma lessive lave plus blanc“, “avec ma mousse à raser vous aurez plus de succès auprès des femmes“…).

Les marques seront à l’avenir jugées sur la qualité de leurs produits / services plutôt que sur l’image que la campagne de pub veut faire rentrer dans vote cerveau. Il ne sera plus possible de compenser : si un produit n’est pas bon, ça se saura immanquablement (idem pour les produits “moyens” qui ne parviendront pas à sortir du lot).

La bonne nouvelle dans cette histoire c’est que les médias sociaux sont là à la fois pour sanctionner un mauvais produit mais également pour nourrir la marque de feedbacks directs de la communauté pour améliorer / repositionner son offre. Ce sera donc un grand rééquilibrage des budgets pub / marketing qui ont trop longtemps été vampirisés par les grands médias : moins d’achat d’espace et plus de marketing de terrain.

En tout cas c’est ma conviction, d’autant plus en temps de crise.

Pour découvrir la présentation sur l'évolution du marketing issue du rapport d'innovation Courts-Circuits "Communautés 2.0", cliquez ici

Auteur : Fred Cavazza
Source : Mediassociaux.com
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : le vide poches / expression


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