Venir à Tokyo a toujours été pour moi un moment unique, l’impression de pénétrer un monde nouveau fait de contradictions et de ruptures, une ville dans laquelle l’ultramodernité côtoie la tradition, dans laquelle le futur semble sans cesse se jouer du passé.
J’ai toujours aimé cette mixité, ce mélange sublime de buildings de verre et de minuscules et traditionnelles maisons faites de papier et de bois. J’ai toujours été surpris de cette sensation unique d’être à la fois dans une cité géante à l’urbanité débordante, et de pouvoir seulement en traversant une rue, plonger dans la quiétude d’un temple et de son jardin.
Mais cette fois, et pour la première fois, j’ai le sentiment d’un profond et irréversible changement... Ce sont les enseignes qui ont envahi la ville. Comme partout ailleurs dans le monde, les grandes compagnies, essentiellement Européenne, ont envahi la ville, se sont disséminées dans tous les quartiers, et s’affichent toutes avec arrogances dans leurs nouveaux habits. C’est à celle ou à celui qui construira le plus beau building, ou le plus extraordinaire, ou le plus voyant…
Ainsi s’est engagée une réelle compétition entre les CHANEL, VUITTON, PRADA et autres DIOR, HERMES & GUCCI, à marquer partout et sans discontinuer leur territoire.
Les centres commerciaux fleurissent aux quatre coins de la ville, qui débordent de « french shops », chocolatiers ou fleuristes en vogue, ou encore boulangers, voir même épiciers et quincaillers.
Adieux petites maisons et jolies boutiques, l’immobilier fait rage qui bouleverse l’architecture de la ville, la transformant à toute allure en un centre commercial géant.
Adieux traditionnels bars et restaurants qui laissent place à une foultitude de STARBUCKS et autres EXCELSIOR CAFÉ.
Bientôt on ne trouvera plus de thé, sauf dans quelques boutiques à touristes.
Bientôt on ne verra plus aucune collégienne en jupe bleu marine et chaussettes blanches, parler haut et fort sur Omotesando ou Ginza.
Bientôt, on aura même oublié le charme d’une flamboyante Japonaise en kimono sortant du métro à petit pas.
Bientôt, on sera à Tokyo comme ailleurs, dans un monde parfait à la pensée unique et au costume étriqué, un monde régi par nos grands dealers de mode, à boire du café américain et à regarder passer les grosses berlines allemandes !