“Nous aurions pu ouvrir un espace sur notre site internet pour permettre aux gens de poster leurs questions sous forme vidéo. Nous aurions pu ensuite lancer une vaste campagne de marketing pour faire connaître l’initiative. Nous avons choisi de faire cela plus intelligemment” A l’occasion des élections européennes du 7 juin, Michael Peters, directeur général d’Euronews, la chaîne d’information européenne multilingue, invite donc les téléspectateurs européens à publier leur question directement sur le site de partage de vidéo Youtube. Le projet s’intitule “Questions for Europe“.
Depuis 2007, déjà, Euronews met en ligne sur Youtube certains de ses reportages. Au total, le diffuseur gère huit chaînes sur le site de partage en ligne, une par langue couverte :anglais, français, allemand ou… russe (voir ci joint).
L’idée de poser des questions à une équipe de journalistes n’a rien de bien neuf. Voici trente ans, déjà, les téléspectateurs pouvaient appeler en direct le standard téléphonique des émissions de jeux ou de variété. Plus récemment, d’autres chaînes de télévision ont testé l’envoi de question via vidéo sur internet, à l’instar de la RTBF belge, avec le service de Seesmic.
Les médias ont besoin de la puissance de diffusion de Youtube
L’originalité de l’annonce du partenariat de Euronews avec Youtube tient davantage dans l’approche qui est à présent celle du diffuseur basé à Lyon. Youtube offre à la chaîne une nouvelle caisse de résonnance pour ses contenus, qui va ainsi au delà des canaux traditionnels (câble, satellite). Désormais, pour Euronews, l’important n’est d’attirer absolument le public sur une plate-forme TV. Mais de déployer ses contenus sur de multiples canaux. En d’autres mots, Euronews valide la prédiction selon laquelle, dans l’avenir, les médias devront dissocier de plus en plus les contenus qu’ils produisent des supports de diffusion (papier, site internet ad hoc, chaîne de télévision,…auxquels s’ajoutent maintenant les Youtube, Facebook, Twitter, blogs et autres). Les médias ne sont plus amenés à être nécessairement propriétaires de ces canaux de diffusion. Le modèle des médias fermés a vécu.
Le journal Le Monde, par exemple, a franchi lui aussi cette évolution, en s’associant récemment au site français de partage de vidéo Dailymotion. Une première étape, sans doute.
Youtube a besoin du contenu des grands médias
Pour Youtube, Dailymotion, et d’autres site de partage vidéo, les partenariats noués avec de grands médias connus permet d’amener du contenu de qualité sur leur site. Ce contenu génère une gros volume de trafic supplémentaire. Ils tenteront de valoriser ensuite celui-ci grâce à la publicité.
A ce jour, Youtube enregistre toujours des pertes massives (1 million de dollars par jour). Le service doit affiner son modèle d’affaires. L’intégration de contenus en provenance de marques médias recunnues est pour lui stratégique. Aux Etats-Unis, le site de vidéo en ligne Hulu.com se positionne comme un modèle challenger de celui de Youtube. Le premier diffuse notamment, avec leur accord, les séries TV récentes de grands Networks américains. Hulu.com bat des records d’affluence. Le site n’a, cependant, en rien la portée internationale ni le potentiel en termes d’audience de niche d’un Youtube.
“Aujourd’hui, les contenus TV apparaissent sur les réseaux comme Youtube, observe Aaron Ferstman, directeur communication politique chez Youtube. Nous avons des partenariats sembables aux Etats-Unis, avec Fox News ou des chaînes de télévisions locales. Mais la dynamique va également dans l’autre sens. Avec Question for Europe de Euronews, par exemple, les contenus produits par les utilisateurs et mis en ligne sur Youtube se retrouvent intégré dans les programmes officiels de la chaîne”.
Euronews compte en effet utiliser le matériel produit par les usagers de Youtube dans le cadre de ce programme pour alimenter la réflexion et le travail éditorial des journalistes, mais aussi illustrer des reportages, des points de vue ou des sujets d’actualité. Chacun peut ainsi devenir membre de la rédaction de la chaîne européenne et participer au travail de celle. Telle est l’ubiquité des contenus. D’autres journaux tracent également la voie dans cette direction. Le Guardian, notamment, au Royaume-Uni, qui va encore plus loin avec son open platform pour développeurs.
Pour Emily Bell, directrice des contenus digitaux de Guardian News and Media, les journalistes doivent aujourd’hui aller là où se trouve le public. Et le public ne s’accroche plus, aujourd’hui, aux seuls grands titres de la presse :
Instead of hoping that people will go to their website to read or watch the news, journalists will need to take their stories out to where the readers and viewers are. Today, that means publishing stories on Twitter, on YouTube, on Facebook, as podcasts on iTunes, and so on. In ten years’ time, those platforms might be different, but the principle will remain - journalists will have to take their stories to where the audience is.
Le modèle des médias fermés (contenu et diffusion propriétaire) a définitivement vécu. Encore une modèle économique transformé par la technologie et la globalisation des services.
Pour info, le teaser de Questions for Europe: