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Vers Tarshing et le Nanga Parbat

Publié le 13 mai 2009 par Argoul

Une nuit à 1600 mètres est un excellent repos après nos journées passées à plus de 2500 mètres. Ce malgré la chaleur, heureusement brassée par le ventilateur réglé sur « vitesse réduite ». Le jour nous réveille avant le téléphone. Au petit-déjeuner, nous attendons longuement le café, le thé, les œufs, le pain. Malgré les serveurs affairés, les choses ne nous arrivent que par petites vagues, une à la fois, à mesure que les convives s’installent. Beaucoup de soucoupes, d’assiettes et de couverts sur la table, mais peu d’efficacité dans le service : c’est la parfaite illustration du comportement administratif propre aux pays où l’initiative personnelle n’est pas récompensée. Tout dans les moyens, rien dans l’attitude.

A la sortie de la ville, des travaux routiers coupent la chaussée. Une centaine de personnes y travaillent à la fois, oeuvrant à la pelle et à la pioche. Ce sont de grands travaux à la Mao : ils créent des emplois à court terme, peu payés pour des populations trop nombreuses, mais ne sont pas rentables à long terme. La route ne peut tenir que suffisamment creusée, remblayée et tassée, tous travaux que seules des machines peuvent faire efficacement. Faudrait-il rationaliser ces grands travaux et utiliser le surplus des fonds affectés pour la formation des gens ?

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En nous dépassant dans sa jeep, Brigitte agite son foulard rouge ; elle se veut la révolution en marche, bien qu’elle l’ait arrêtée au salon de coiffure du coin de la rue une fois la trentaine venue. La chaleur grossit avec les heures. Les vêtements larges et défaits des gosses du coin y sont tout à fait adaptés. Nous effectuons un arrêt Coca et raisins dans un village où tous les gamins désœuvrés se regroupent pour nous regarder, ébahis. L’un d’eux était un beau 12 ans aux yeux verts, au nez droit, aux cheveux bruns tirant sur le blond. Débarbouillé et vêtu comme à la télé, il aurait l’air d’un petit occidental moderne. Il porte déjà une casquette ornée du logo Toyota…

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Les jeeps suivent une ancienne route de la soie. Une plaque en bord de route vante « the builders of Karakorum Highway » et la traite de huitième merveille du monde. Un lyrisme patriotique un peu déplacé : en cet endroit s’élève un monument de béton très laid. Nous sommes au croisement de trois chaînes de montagnes, l’Himalaya, le Karakorum et l’Hindou Kusch. Plus bas coule la rivière de Gilgit qui va se jeter dans l’Indus.

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Quelques dizaines de kilomètres plus loin, nous quittons la highway après Jaglot pour emprunter une piste. Le terrain est très aménagé : petits murets de pierres, vergers. Nous sommes près d’un camp militaire. La piste se poursuit dans la caillasse. Tout est sec, aride, pierreux. Il y en a pour des kilomètres. Nous croisons des Toyota gréées en bétaillères où s’entassent adultes allant on ne sait où, enfants allant ou revenant de l’école, vieux muslims barbus et enturbannés, pareils à eux-mêmes depuis plus d’un millier d’années…

Il fait si chaud que la jeep d’Ali, dans laquelle je suis monté, tombe en panne : plus d’eau dans le radiateur, il doit y avoir une fuite. Nous sommes obligés de nous répartir dans les jeeps restantes avec nos bagages. Je tombe dans la jeep vert céladon au chauffeur si lent. Il est peut-être afghan car j’ai entendu Karim, qui lui reprochait d’être toujours à la traîne, le traiter « d’afghani ». A moins que ce ne soit un trait national érigé en précepte envers tout le monde comme en France la référence aux Corses ou aux Belges ? Aucune montagne couverte de glace ne vient rafraîchir le regard. Tout est sec, sauf en de rares oasis où une source qui sourd de la montagne cherche à se jeter dans l’Indus grondant, couleur chocolat, qui roule au fond de la vallée. Un peu d’irrigation à cet endroit permet tout juste de cultiver des terrasses de céréales et de légumes. De l’herbe y pousse, des arbres. Dans les hameaux, des « one pen » poussiéreux et dépenaillés, pieds nus, nous font de grands signes. « One pen » sont peut-être les deux seuls mots étrangers que les gosses d’ici connaissent et cela devient une sorte de salut. Ils ont l’air de demander un stylo mais ils quêtent surtout un regard, un signe de la main, une reconnaissance qu’ils existent.

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Au bout d’une piste secondaire, nous arrivons au gros village qui commande le débouché de la vallée d’Azor, le chemin qui contourne la fameuse montagne Nanga Parbat. Seule une piste secondaire, minuscule et mouvementée, conduit à Tarshing. Des gamins tentent de s’accrocher aux arrières des jeeps, au grand dam des chauffeurs qui ont peur d’en écraser un ou deux. Nous croisons des ânes ; ils sont ici des modes de transport plus courants. Pourtant, Tarshing paraît moderne au pied du gigantesque Nanga Parbat qui le surmonte de sa masse rocheuse au sommet perdu dans les nuages à 8125 mètres, gravie en 1953 seulement. Nombre de petits y sont en polos. Les adolescents sont parés de chaînes au cou et coiffés à la mode véhiculée par la télévision.

Nanga Parbat vue d’avion

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