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Guantanamo ou les promesses electorales vite oubliées

Publié le 13 mai 2009 par Drzz

Guantanamo ne sera pas fermé


Qui se souvient encore de Guantanamo ?


Quand George W. Bush était Président, le centre de détention installé sur la base militaire américaine à Cuba était décrit, dans la presse anti-Bush (mais je me répète), comme une honte pour la civilisation. Les journalistes rapportaient, sans le moindre esprit critique, les histoires d’anciens détenus sur les méthodes que l’armée américaine était censée pratiquer dans l’interrogation des détenus. Démocrates américains et bonnes âmes européennes de tous bords présentaient l’existence du camp comme une insulte à l’humanité.


La secrétaire générale d’Amnesty International, Mme Irène Khan, avait fait sensation en 2005 en appelant ce centre de détention « le goulag des temps modernes ». Personne n’avait trouvé bon de lui faire remarquer la différence entre les millions de victimes du goulag et le nombre des détenus morts à Guantanamo, c’est-à-dire zéro à la date des déclarations de Mme Khan (il y a eu cependant, au cours des quatre dernières années, quatre suicides de détenus dans le camp).


Personne n’avait trouvé bon de rappeler, non plus, la différence entre les prisonniers du Goulag – dont la vie était irrémédiablement détruite pour une plaisanterie, un équipement défectueux ou une prière – et celle des détenus de Guantanamo. Plus de quatre cent de ces détenus ont été libérés à ce jour, et le même nombre, environ, y reste détenu (un taux de libération dont, là encore, les zeks du goulag auraient rêvé).

Ces hommes sont tous accusés d’action armée au sein du terrorisme islamiste ; ils ont été arrêtés soit sur le champ de bataille en Afghanistan, soit dans d’autres régions du monde, à la suite d’actions des services de renseignement des Etats-Unis ou de leurs alliés.


L’analyse juridique de l’administration américaine est que ces détenus ne sont pas des « prisonniers de guerre » au sens de la troisième Convention de Genève, adoptée en 1929 et révisée pour la dernière fois en 1949. En effet, cette appellation est réservée par l’article 4 de la convention aux combattants portant un uniforme militaire distinctif, portant leurs armes en évidence et conduisant leurs opérations selon le droit et les coutumes de la guerre.

Il est clair que les combattants d’al Qaeda ne respectent aucun élément de cette définition – et surtout pas la dernière, qui est la plus importante. Les conventions de Genève, dont le but était de réduire les horreurs de la guerre par des obligations réciproques entre combattants, n’ont de sens que sous cette condition de réciprocité. Face à des combattants qui, lorsqu’ils font un prisonnier, le décapitent au couteau de cuisine devant les caméras, les finesses de ces conventions deviennent quelque peu superflues.


En refusant aux détenus de Guantanamo le statut de prisonnier de guerre (les Américains parlent de « combattants illégitimes »), l’objectif de l’administration Bush n’était pas de les priver de tous droits, mais de pouvoir les juger selon des règles de procédure prenant en compte la particularité du temps de guerre.

Plus précisément, il fallait pouvoir prendre en compte des informations anonymes (celles que fournissent les services de renseignement, dont les sources doivent évidemment rester cachées) et limiter la possibilité, pour les juristes, de faire fuiter des informations à la presse et de faire traîner les procès en longueur.


L’administration Bush mit donc en place, pour juger les détenus de Guantanamo, des commissions militaires spécialisées, qui pouvaient juger selon des règles de procédure simplifiées.


Cela ne veut pas dire, naturellement, que les détenus n’ont aucun droit. Même s’ils ne sont pas des prisonniers de guerre au sens de l’article 4 de la convention, ils restent couverts par son article 3, qui définit les droits humanitaires de tous les prisonniers en temps de guerre (droit à une cour de justice régulièrement constituée, interdiction des atteintes à la dignité humaine). Contrairement à l’article 4, cet article 3 est n’est pas soumis à une obligation de réciprocité, car il est inspiré par des considérations purement humanitaires.


Dans le fonctionnement des commissions militaires elles-mêmes, les détenus bénéficient par ailleurs de la présomption d’innocence ; d’une charge de la preuve mise sur l’accusation ; du droit à un avocat, soit militaire et fourni par l’Etat, soit civil, si c’est le choix du prisonnier ; du droit d’accéder au dossier de l’accusation et à tout élément de preuve disculpatoire connu par l’accusation ; de l’accès à des interprètes ; de la liberté de témoigner ou non, sans qu’un refus de témoigner puisse être retenu contre l’accusé ; du droit de présenter des témoins, d’interroger les témoins de la partie adverse et de faire procéder à des enquêtes ; et de plusieurs niveaux d’appel pour contester les jugements des commissions. Après tout cela, ceux qui osent encore parler de Goulag ne font que prouver combien l’inculture peut être proche de l’insulte.


Ce qui, naturellement, nous conduit au cas de Barack Obama, actuel Président des Etats-Unis.

Guantanamo ou les promesses electorales vite oubliées


 


Un prisonnier relâché de Guantanamo. Ceux du Goulag n’avaient pas la même silhouette


Au cours de sa campagne, le Président avait appelé Guantanamo « un triste chapitre de l’histoire américaine » et avait promis de fermer le camp. Deux jours après sa prise de fonctions, le 22 janvier dernier, il a signé l’ordre d’interrompre le fonctionnement des commissions militaires pour quatre mois et de mettre à l’étude un plan pour la fermeture du camp avant janvier 2010.


La Ména est aujourd’hui en mesure d’affirmer, avec un haut degré de probabilité, que cette fermeture ne se fera pas et que Guantanamo restera en opération pendant, au moins, la plus grande partie du mandat d’Obama.


Vendredi dernier, 8 mai, l’administration Obama a discrètement prévenu la presse que les commissions militaires allaient reprendre leur travail. La presse pro-Obama (décidément, je me répète beaucoup…) a accepté, sans aucune question, l’explication de l’administration – selon laquelle de nouvelles règles de procédure permettraient aux commissions d’être soudainement plus respectueuse des droits de l’homme.

Même si les nouvelles règles ne sont pas encore connues, ce qui en a filtré (« interdiction d’utiliser des témoignages obtenus sous torture, restreindre l’admissibilité des témoignages par ouï-dire, plus de liberté de choisir son avocat », selon Peter Finn du Washington Post) peut être résumé en quatre mots :


Exactement. Comme. Sous. Bush.


La décision de redémarrer les commissions militaires est donc déjà prise. Celle de maintenir Guantanamo en opération n’est pas encore officielle, mais elle est probablement imminente comme le montrent les faits suivants.


En premier lieu, Obama a déjà décidé plusieurs fois, sur les questions de sécurité nationale, de reprendre à son compte les politiques de son prédécesseur. Il en profite généralement pour prétendre qu’il y a une différence et pour critiquer celui dont il reprend toutes les conclusions, mais cela ne change rien aux faits.

Le calendrier et les modalités du retrait d’Irak par Obama sont, très exactement, ceux que Bush avait décidés avant son entrée en fonctions. Le programme d’écoute, sans décision judiciaire préalable, des citoyens américains parlant avec des terroristes connus basés à l’étranger, a été maintenu, à l’encontre des promesses de campagne du candidat Obama.

Le programme dit de « délivrance exceptionnelle » (dans lequel des terroristes présumés sont livrés pour interrogatoire à des pays alliés de l’Amérique, mais où des méthodes d’interrogatoire efficaces peuvent être utilisées sans qu’aucun juge ou journaliste n’ait jamais à le savoir) est également toujours en cours.


Le maintien de ces deux programmes par Obama n’a entraîné aucune réaction hostile de la presse, des organisations non-gouvernementales ou des bonnes consciences européennes. Mme Khan, pourtant toujours secrétaire générale d’Amnesty International, est restée remarquablement discrète.


Des réactions aussi diamétralement opposées aux mêmes mesures, selon qu’elles sont décidées par un Républicain ou un Démocrate, montrent, une fois de plus, ce qui est évident pour tout observateur : les bonnes consciences se moquent éperdument des droits de l’homme.

Leur seul et unique critère pour décider si une politique doit être critiquée est de savoir si cette critique est favorable ou non aux intérêts Démocrates. La haine de l’ennemi (qui est naturellement, pour eux, le Parti Républicain et non al Qaeda) l’emportera toujours sur les principes.


Obama sait donc qu’il peut revenir sur sa parole dans tous les domaines, sans payer pour cela aucun prix politique dans la presse ou parmi ses alliés. Au contraire, toutes les solutions qu’il a laissé fuiter pour organiser la fermeture du camp présentent, elles, un certain risque politique.


Les prisonniers pourraient être transférés dans d’autres pays. Au cours des derniers mois, Barak Obama a cherché à convaincre ses alliés d’en accepter certains sur leur sol. Cette proposition a évidemment été rejetée ; et le Président, qui tient tant à être aimé à l’étranger, n’a pas insisté.


Ils pourraient être jugés sur le territoire américain, selon le système judiciaire qui se charge des criminels. L’idée a des charmes pour une partie de la gauche, qui voudrait ne voir dans des terroristes que des criminels comme les autres, à traiter selon le droit. Elle a un seul défaut : tous les spécialistes américains de la sécurité savent que, si l’on charge les juges de la guerre contre le terrorisme, cette guerre sera perdue.


Les juges pourront exiger l’indentification des sources du renseignement américain, sous peine de relâcher les terroristes sur le territoire des Etats-Unis. Ils pourront décider que tout détenu brutalisé pendant sa détention, ou qui prétend l’être, doit être libéré par principe. Et, quand on connaît la culture gauchiste d’une grande partie de l’appareil judiciaire américain, tous ces « pourront » doivent en fait se comprendre « agiront, avec une certitude absolue ».


Enfin, une autre solution envisagée un moment par Obama serait de relâcher les détenus sur le territoire américain, avec une surveillance policière adaptée. Mais, naturellement, rien ne les empêcherait de contester immédiatement, devant les mêmes juges, cette surveillance. Et puis, les membres Démocrates du Congrès – dont Obama dépend pour le succès de son programme législatif – ont clairement fait savoir au Président qu’il n’était pas question d’imposer à leurs électeurs un voisin djihadiste.


Le Congrès a fait passer ce message de la manière la plus claire possible mercredi 6 mai, lorsque la Commission du Budget de la Chambre des Représentants (dominée par les Démocrates) a voté la suppression de 80 millions dollars de crédits alloués à la fermeture du camp de Guantanamo dans la loi de finances supplémentaire pour 2009.

Le président de la Commission, le Démocrate David Obey, a déclaré « je suis en faveur de ce que l’Administration propose, mais autant que je sache, il n’y a pas de programme concret pour cela ». Et comme, sans argent, il est impossible de préparer un programme concret, le message du Congrès est assez clair.


Il serait étonnant – et contraire à toutes les indications disponibles sur le caractère d’Obama – que le Président résiste aux pressions du Congrès et impose, conformément à ses promesses électorales, la fermeture du camp.

Le Président n’a jamais été un homme de principes – sauf, cependant, sur la question de la place de l’Etat dans l’économie, qu’il veut absolument augmenter. Pour le reste, il est un homme d’habileté politique, sans scrupules dès qu’il s’agit de gagner une voix supplémentaire et, aussi, très talentueux dans le double langage. Aujourd’hui, la solution politiquement la moins coûteuse est de revenir, une fois de plus, sur ses promesses électorales et de maintenir ouvert le camp de Guantanamo. Elle est donc, selon toute vraisemblance, celle qu’Obama va prendre.

Guantanamo ne sera pas fermé (info # 011305/9) [Analyse]

Par Sébastien Castellion © Metula News Agency

 


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