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Le satellite Planck

Publié le 16 mai 2009 par Benjamin Bradu

Le satellite Planck Avant-hier à 14h12, heure française, la fusée Ariane 5 a décollée avec succès pour la 44ième fois depuis Kourou en Guyane. Cette mission n'est pas anodine puisque Ariane 5 transportait 2 bijoux technologiques dédiés à la Science dans son « petit » chapeau : les satellites européens Planck et Herschel.

Planck et Herschel sont 2 télescopes spatiaux mais ils sont très différents l'un de l'autre. Herschel est un télescope relativement classique permettant l'observation dans l'infrarouge moyen et lointain à l'aide d'un miroir de 3,5 m de diamètre alors que Planck permet l'observation du rayonnement fossile micro-onde à l'aide de bolomètres ultrasensibles fonctionnant à très basses températures.

Ce billet est spécialement consacré au satellite Planck qui est un peu spécial. Planck doit d'abord atteindre un point particulier de l'espace (le point de Lagrange L2 qu'il atteindra dans 3 mois) pour pouvoir commencer à fonctionner pendant un peu moins de 2 ans.

Planck : comme Max

Le nom de ce satellite vient du physicien allemand Max Planck,  un des pères de la physique quantique, mais quel est le rapport ? Ce satellite a pour ambition de déterminer avec une extrême précision ce que les astrophysiciens appellent le rayonnement de fond cosmologique. Ce rayonnement est une application parfaite de ce qu'on appelle le rayonnement du corps noir, problème justement résolu par Max Planck à la fin du 19ième siècle et qui permettra à Planck d'élaborer en 1900 à la théorie des quanta qui deviendra plus tard la fameuse physique quantique. L'étude du rayonnement électromagnétique d'un corps noir permet de calculer la température d'un objet à partir de l'analyse de son spectre, voir le billet Comment mesurer la température d'une étoile qui explique en détail tout ceci.

Le fond diffus cosmologique

On l'appelle aussi le rayonnement de fond cosmologique, le bruit de fond cosmologique ou plus simplement le rayonnement fossile, car il constitue le plus vieux fossile de notre Univers. D'après la théorie du Big-Bang, la première « lumière » a été émise par l'Univers 380 000 ans après sa création il y a 13 milliards d'années quand ce dernier c'était suffisamment refroidi à cause de son expansion (l'Univers s'était alors refroidi à 3000°C). A cet instant, les photons ont enfin pu se libérer pour aller vaquer à leur occupation favorite : se balader librement (on appelle cela rayonner en physique) créant ainsi de la lumière qui inondât l'Univers tout entier !

Le satellite Planck

Ce rayonnement fossile primordial a été pensé théoriquement dans les années 40 et il a été détecté pour la première fois par le plus grand des hasards par 2 ingénieurs américains des laboratoires Bell en 1965 alors qu'ils travaillaient sur des antennes. Ils avaient détecté un « bruit de fond» qui perturbait leurs antennes dans toutes les directions du ciel. Ce bruit de fond constant présent dans toutes les directions autour des 160 GHz (micro-ondes) s'avéra être le fameux fond diffus cosmologique qui avait été prédit théoriquement mais qui demeurerait introuvable. Ce fut une énorme avancée pour la théorie du Big-Bang. Désormais ce rayonnement possède une température de 2,726 K comme l'Univers n'a pas cessé son expansion et donc son refroidissement.

Planck le cartographe

Le satellite Planck
Un des objectifs scientifiques du satellite Planck est d'élaborer la « cartographie » la plus précise possible de ce rayonnement fossile qui possède d'infimes fluctuations. Deux missions américaines de la NASA ont déjà établi une cartographie relativement fine (COBE lancé en 1989 puis WMAP lancé en 2001) mais on cherche à quantifier encore plus précisément ces fluctuations qui ont certainement été à l'origine des futures grandes structures de notre Univers (Galaxies, amas, superamas....). Toute la cosmologie moderne se base essentiellement sur les fluctuations de ce rayonnement, d'où l'importance capitale de cette mission.

Des Bolomètres à ultra basse température

Pour détecter un rayonnement, on utilise un détecteur appelé « bolomètre » qui permet de mesurer précisément une quantité d'énergie électromagnétique reçue en convertissant l'énergie du rayonnement en chaleur. Au final on mesure la température du bolomètre de manière à déduire la quantité de chaleur issue du rayonnement. On comprend alors aisément que plus le bolomètre est chaud, et plus une petite variation de chaleur sera difficile à détecter. Conclusion : plus le bolomètre est froid, plus il est précis !

Le satellite Planck

Planck est équipé de 54 bolomètres permettant de mesurer les rayonnements à différentes fréquences constituant le spectre du fond diffus cosmologique. Pour obtenir la précision requise par la mission, les bolomètres seront refroidis à d'ultra-basses températures, entre 90 mK et 130 mK (soit environ un centième de degré au dessus du zéro absolu, -273,15°C). La résolution ainsi obtenue sera 600 fois meilleure que la première mission américaine COBE.

Le réfrigérateur à dilution

Pour refroidir ces bolomètres, le satellite Planck embarque à son bord un réfrigérateur à dilution. Ce type de réfrigérateur fonctionne avec un mélange de 2 isotopes stables de l'hélium (3He et 4He). Les frigos à dilution commencent à une température de 4,2 K (avec de l'hélium liquide classique) pour fournir une puissance de réfrigération continue jusqu'à 2 millikelvins sans aucune partie mobile ! En général ils fonctionnent plutôt aux alentours des 100 mK.

Le satellite Planck

En gros, le fait de « diluer » de l'hélium-3 liquide (très rare sur Terre) dans de l'hélium-4 liquide (l'hélium classique) permet de faire du froid. Ces 2 fluides cryogéniques sont assez particuliers car ils possèdent des points de liquéfaction très bas (4,2 K pour 4He et 3,2 K pour 3He à  pression atmosphérique). En dessous de 0,9 K 3He et 4He se séparent spontanément en 2 phases (1 phase riche en 3He et une phase pauvre en 4He) et quand l'hélium-3 « traverse » cette phase diluée pour ensuite s'évaporer, il y a création de froid (je ne rentrerai pas dans les détails ici), voir figure ci-dessous qui représente ce qu'on appelle la chambre de mélange qui se trouve en bas du réfrigérateur :

Le satellite Planck

La dilution spatiale

Le principe de la dilution utilise la gravité pour séparer les mélanges, ce qui n'est pas possible dans un satellite! Un nouveau type de réfrigérateur à dilution pouvant fonctionner dans l'espace a donc été développé à Grenoble, le pôle de la cryogénie française. Le démonstrateur de la dilution a été construit à l'institut Néel à Grenoble par Alain Benoît, son équipe et les services techniques de son laboratoire. J'ai d'ailleurs eu la chance de voir un prototype de ce réfrigérateur à Grenoble il y a environ 2 ans alors que j'assistais à des cours de cryogénie. Le mélange 3He/4He circule dans des tubes de très petites dimensions qui rendent le système insensible à la gravité. Le réfrigérateur à dilution a ensuite été construit par la société française Air Liquide à Sassenage, à proximité de Grenoble. En revanche, le réfrigérateur de Planck fonctionne en boucle ouverte: le mélange est ensuite rejeté dans l'espace et la durée de vie du système dépend alors de la quantité d'hélium qui est embarquée au décollage (environ 2 ans de vie dans le cas de Planck). On souhaite une grande réeussite à cette mission européenne!

par Benjamin Bradu publié dans : Science et Technique
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