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Les pharmacies restent aux pharmaciens...

Publié le 19 mai 2009 par Duncan

CJCE, Arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes, C-171/07 et 172/07.

250px-42-aspetti_di_vita_quotidiana,_medicine,Taccuino_Sanitatis,_ Dans cette affaire, la Cour se montre très réceptive aux arguments développés par l'Allemagne afin de justifier une entrave à la liberté d'établissement des pharmaciens. Après l'affaire Doulamis, il s'agit là d'un second signal fort de la Cour en direction des plaideurs: la Cour n'est pas le bon endroit pour obtenir la dérégulation des professions médicales...
Les faits en cause sont simples: la société Doc Morris (déjà célèbre par un arrêt homonyme rendu sur la vente de médicaments par Internet) se plaignait d'une législation allemande qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies.
La Cour avait à se prononcer sur la compatibilité de cette loi avec l'article 43 CE, relatif à la liberté d'établissement.
PS: notez, au passage, que le site de la CJCE a fait peau neuve...
Crédit photo: wikipedia.
La qualification d'entrave de cette loi laissait peu de place au doute. S'agissant d'une règle d’exclusion des non-pharmaciens, la Cour la qualifie assez logiquement de restriction "puisqu’elle réserve l’exploitation de pharmacies aux seuls pharmaciens, en privant les autres opérateurs économiques de l’accès à cette activité non salariée dans l’État membre concerné"(point 24).
Toutefois, la protection de la santé peu justifier une telle entrave, à condition que la loi allemande soit apte à atteindre cet objectif et l'atteigne de manière proportionnée. Remarquons au passage que, comme dans une affaire récente, la Cour persiste à qualifier la protection de la santé de "raison impérieuse d'intérêt général" alors qu'il s'agit d'une justification expresse du traité...
Quoiqu'il en soit, la loi allemande est apte à atteindre cet objectif. La Cour insiste sur les particularités des médicaments qui ne sont pas des marchandises comme les autres. Leurs effets, et les dangers potentiels qu'ils présentent, justifient donc que les Etats membres prennent toute sorte de mesures préventives afin de prévenir que des problèmes ne se produisent.
Il en découle (point 35), et cette conclusion traduit l'importance de la profession de pharmacien, que ""compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de décider du niveau de protection de la santé publique, il y a lieu d’admettre que ces derniers peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens jouissant d’une indépendance professionnelle réelle. Ils peuvent également prendre des mesures susceptibles d’éliminer ou de réduire un risque d’atteinte à cette indépendance dès lors qu’une telle atteinte serait de nature à affecter le niveau de la sûreté et de la qualité de l’approvisionnement en médicaments de la population".
La Cour distingue à cet égard trois catégories de professionnels dans ce secteur: le pharmacien, lpersonnes actives dans le secteur des produits pharmaceutiques en tant que fabricants ou grossistes et celle des personnes n’ayant ni la qualité de pharmacien ni une activité dans ledit secteur.
Selon la Cour, (points 37 et s.) même s'il "ne saurait être nié [que le pharmacien] poursuit, à l’instar d’autres personnes, l’objectif de la recherche de bénéfices (...) il est censé exploiter la pharmacie non pas dans un objectif purement économique, mais également dans une optique professionnelle. Son intérêt privé lié à la réalisation de bénéfices se trouve ainsi tempéré par sa formation, par son expérience professionnelle et par la responsabilité qui lui incombe (...). Par conséquent, un État membre peut estimer (...) que, à la différence d’une officine exploitée par un pharmacien, l’exploitation d’une pharmacie par un non-pharmacien peut représenter un risque pour la santé publique, en particulier pour la sûreté et la qualité de la distribution des médicaments au détail, puisque la recherche de bénéfices dans le cadre d’une telle exploitation ne comporte pas d’éléments modérateurs tels que ceux (...) qui caractérisent l’activité des pharmaciens".
Même si la loi allemande prévoit quelques exceptions à ce principe - pharmacies internes à un hôpital, décès du pharmacien, trois succursales possibles par pharmacien... -  celles-ci ne remettent pas en cause la proportionnalité de la mesure (pour cause d'absence de cohérence de la loi, argument avancé par la Commission).
La Cour constate également qu' "il n’est pas établi qu’une mesure moins restrictive de la liberté garantie par l’article 43 CE, autre que la règle d’exclusion des non-pharmaciens, permettrait d’assurer, de manière aussi efficace, le niveau de sûreté et de qualité d’approvisionnement en médicaments de la population qui résulte de l’application de cette règle" (point 57). La Cour rejette également un parallèle avec une affaire concernant des magsasins d'optique: la particularité des médicaments justifie une marge d'appréciation plus large pour les Etats membres. En conséquence de quoi, la mesure est proportionnée.
En conséquence, les articles 43 CE et 48 CE ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies.

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