Voici enfin le dernier volet de l'enquête de F.W. Engdahl (cf. La grippe du cochon volant (1) , (2) , (3)).
Le degré de concentration de la production intégrée de viande de porc de Smithfield Foods a peu à voir avec les méthodes traditionnelles d'élevage. Dans ses implantations maintenant
disséminées à travers le monde, les cochons Smithfield vivent par centaines ou par milliers dans des fermes en forme d'entrepôts, rangés comme des sardines. Les truies sont inséminées
artificiellement, nourries et délivrées de leurs porcelets dans des cages si étroites qu'elles ne peuvent se retourner.
Comme le note Jeff Tietz, "une quarantaine de porcs mâles adultes de 250 livres n'occupe souvent qu'un enclos réduit où ils se piétinent l'un l'autre jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il n'y a ni
lumière du jour, ni paille, ni terre, ni air frais. Les sols sont de claies pour permettre l'évacuation des excréments dans une fosse sous les enclos, mais beaucoup d'autres choses y tombent :
placentas, porcelets morts-nés ou écrabouillés, batteries usagées, flacons d'insecticides, seringues d'antibiotiques, tout ce qui est assez petit pour passer dans les larges tuyaux de drainage
qui alimentent la fosse. Ceux-ci sont maintenues fermés jusqu'à ce que les détritus s'accumulent..."
Le témoin poursuit à propos des conditions néfastes de l'élevage dans ces fermes industrielles : "Les animaux deviennent sensibles aux infections, et dans une population aussi dense, il suffit
que microbes, parasites ou champignons se déclarent sur un seul pour se propager instantanément à tous. En conséquence, les fermes porcines emploient une large gamme d'antibiotiques et de
vaccins, et sont saturées d'insecticides. Sans ces substances (oxytétracycline, draxxine, ceftiofur, tiamuline), les maladies les emporteraient. Les cochons des fermes
industrielles sont donc maintenus dans un état comateux jusqu'à leur abattage. Quand un porc tombe malade, les employés le shootent souvent aux médicaments pour qu'il puisse gagner l'abattoir sur
ses propres pattes. Car aussi longtemps que l'animal peut se déplacer, il peut être abattu légalement et vendu pour sa viande."
Tietz n'est pas le seul à avoir remarqué l'échelle gargantuesque des problèmes posés par les fermes industrielles de Smithfield Foods. L'Agence gouvernementale US pour la protection de
l'environnement (EPA) a mis plusieurs fois Smithfield Foods à l'amende pour les dommages causés aux nappes phréatiques par les rejets de lisier de ses fermes industrielles à Tar Heel et ailleurs
aux USA. En Virginie où elle à son siège, la firme a été condamnée à payer 12,6 millions de dollards en 1997 pour 6.900 infractions aux règlements sur la propreté des eaux - la 3e condamnation
civile la plus élevée jamais rendue par l'EPA pour ce type d'infraction. En cause : les déchets générés par l'abattage des porcs et l'équarrissage. Pourtant il ne semble pas que les amendes aient
changé les pratiques de l'entreprise en quoi que ce soit.
Smithfield Foods a disséminé ses élevages industriels de porcs à d'autres pays où la législation sur l'environnement est supposée moins contraignante, notamment en Roumanie, en Pologne et, bien
sûr, dans les zones rurales du Mexique. Il y a plusieurs années, la ferme industrielle de Smithfield en Roumanie avait fait l'objet de sérieuses accusations de la part des autorités
locales et des services de santé roumains. Smithfield avait alors refusé aux autorités locales l'accès à ses élevages porcins alors que les habitants se plaignaient de la puanteur émanant de
centaines de carcasses de cochons qu'on y laissait pourrir des jours entiers. "Nos médecins n'ont pas pu mener de missions d'inspection dans les fermes américaines," déclarait Csaba Daroczi,
directeur adjoint des Services Vétérinaires de Timisoara. "Chaque fois qu'ils ont essayé, ils ont été jetés dehors par les gardes. Smithfield nous a proposé de signer une convention qui nous
aurait astreints à les prévenir trois jours avant chaque inspection." Il est apparu par la suite que Smithfield avait cherché à dissimuler une épidémie majeure de fièvre porcine survenue dans ses
fermes industrielles de Roumanie...
Entrée en lice du cartel du médicament
Plutôt que d'ordonner une enquête indépendante sur les germes pathogènes générés par les rejets toxiques des fermes industrielles de Smithfield Foods et autres producteurs dans l'état de Veracruz
- Mexique, et ailleurs, l'OMS semble de plus en plus encline à créer un climat favorable à la distribution de masse de produits qui se sont déjà avérés dangeureux, et parfois mortels, à savoir
les antiviraux comme le Tamiflu.
Le 14 avril, soit près de deux semaines avant que débute la panique autour des cas de grippe du cochon (ou A H1N1 comme on préfère dire maintenant) au Mexique, le groupe pharmaceutique US
Novavax annonçait que des essais pré-cliniques venaient prétendument de montrer "qu'un vaccin expérimental à base de particules virales du type H1N1 obtenues à partir de la souche de la
grippe espagnole de 1918 protégeait à la fois contre la grippe espagnole et contre des souches très pathogènes de grippe aviaire H5N1". Le vaccin génétiquement modifié de Novavax, affirmait
l'entreprise, "protège les souris et les furets" et apporte aussi opportunément une protection "contre les souches virales H1N1 et H5N1".
Le 24 avril, l'OMS publia un communiqué de presse relatant que "les virus de la grippe du cochon (A H1N1) identifiés dans l'épidémie mexicaine n'avaient jusqu'à présent jamais été détectés ni
chez le cochon, ni chez l'homme", ajoutant que ces virus se montraient sensibles à l'oseltamivir. L'Oseltamivir est le nom technique du Tamiflu, le médicament inventé par la société Gilead
Sciences - dont le propriétaire n'est autre que Donald Rumsfeld [ancien Secrétaire à la Défense des USA sous G.W. Bush] - et distribué sous licence par les laboratoires Roche. Comme
par hasard, la FDA (Food and Drug Administration US) émit dès les 27 avril une autorisation d'urgence pour l'administration de Tamiflu aux enfants de moins d'un an par les services de santé US.
Le document de la FDA précisait qu'il avait été décidé "d'autoriser l'usage d'un médicament non approuvé ni évalué ou dans un usage non évalué du fait d'une situation d'urgence". Cela laisse
entendre que le gouvernement des USA est prêt à laisser distribuer à la population paniquée - et laisse déjà - des drogues expérimentales, telles que le vaccin de Novavax, les stocks de Tamiflu
et d'autres antiviraux comme le Relenza (zanamivir) du géant pharmaceutique GlaxoSmithKline.
Or les données connues à ce jour sur les "cas confirmés" de grippe H1N1 dans le monde, soit 985 cas de grippe du cochon, ne justifient nullement que l'on soumette les populations humaines à des
médicaments dont les effets secondaires incluent déjà des cas de mort, complications sévères et symptômes grippaux et qui, comme le Tamiflu, n'ont jamais passé pour prévenir ou soigner la
grippe.
Tout le psychodrame des dernières semaines ressemble de plus en plus à un mauvais remake d'un roman de Science Fiction. Pour ajouter encore à l'étrangeté du roman, en novembre 2004, dans les
premiers jours de la panique mondiale causée par l'annonce d'une hypothétique grippe aviaire, alors que le Tamiflu était présenté pour la première fois par Donald Rumsfeld et ses autres
promoteurs comme le remède miracle, l'OMS publia un extraordinaire scénario de fiction. Pour une agence de l'ONU qui produit d'ordinaire d'ennuyeuses notes scientifiques à l'intention des
professionnels de santé du monde, le rapport de 2004 était étonnament prémonitoire du scénario actuel de panique due à la grippe du cochon. Dans un passage de pure fiction intitulé "Un jour
viendra", l'OMS écrivait donc il y a 4 ans :
"Des rumeurs d'un début d'épidémie d'une maladie respiratoire de gravité inhabituelle apparue dans deux villages d'une province reculée sont parvenues au ministère de la santé d'un des Etats
membres de l'OMS. Une inspection est diligentée vers cette province et apprend que l'épidémie a commencé un mois plus tôt. Les enquêteurs identifient au moins 50 cas de contamination. Toutes les
tranches d'âge sont touchées. Vingt patients sont traités dans l'hôpital de la province. Cinq personnes sont déjà mortes de pneumonie et d'insuffisance respiratoire sévère. La surveillance des
zones avoisinantes est accrue et de nouveaux cas sont identifiés dans toute la province. Des prélèvements sur plusieurs patients sont analysés en laboratoire et trouvés positifs au virus grippal
de type A, mais les analyses ne permettent pas de préciser la souche. Les prélèvements sont alors envoyés au laboratoire de référence de l'OMS pour la grippe, où le virus est identifié comme
grippe A (H6N1), une souche jamais identifiée chez l'homme auparavant. Le séquençage génétique indique que la majorité des gènes du nouveau virus proviennent d'un virus de grippe aviaire, le
reste dérivant d'une souche de grippe humaine."
Si on remplace grippe A (H6N1) par grippe A (H1N1), on croirait entendre parler de la situation actuelle. Le récit de fiction de l'OMS en 2004 peut se lire comme le scénario de ce qui s'est passé
depuis avril au Mexique, aux USA et au-delà. Cela conduit à se poser des questions : le monde ne serait-il pas soumis à un jeu de guerre psychologique à grande échelle destiné à favoriser la
prise de médicaments dangeureux pour contrer un danger qui n'existe pas ?
Avec la révision à la baisse des cas répertoriés au Mexique et en l'absence de signe d'une nouvelle contagion de grippe espagnole de 1918 ou pire, comme les autorités l'annonçaient il y a encore
quelques jours, il est grand temps de lancer une enquête complète sur les fermes industrielles et autres concentrations d'élevages à travers le monde. Grand temps aussi pour les autorités
d'arrêter de couvrir le véritable et colossal danger qu'elles représentent.