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Des fascismes aux fachos, l’Europe alibi ou l’Europe réponse ? 2/4 l’expression mussolinienne du fascisme

Publié le 23 mai 2009 par Soseki

L’EXPRESSION MUSSOLINIENNE DU FASCISME

Benito Mussolini est le produit de ces influences et de ces contextes. Il est LE fondateur du fascisme en tant qu’expression politique.

Un homme de la gauche « maximaliste »
Fils d’une famille pauvre, il s’élève par les études, fera l’Ecole Normale, puis des études universitaires pour devenir professeur de français, il parlait aussi l’allemand et l’anglais et lisait Nietzsche dans la langue de l’auteur. Son père lui a transmis une culture politique révolutionnaire, mélange de national-jacobinisme mazzinien et de la geste garibaldienne. Il fut enseignant et journaliste après divers emplois manuels pendant et après ses études. C’est un homme de la campagne, brutal et toujours prompte à la bagarre. Engagé tôt dans la politique, il s’inscrit dans la gauche « maximaliste » du Parti Socialiste Italien (5). Républicain, athée, voyant dans l’éducation, l’accès à la culture et la modernisation industrielle les moyens d’élévation des catégories populaires, sensible à la violence comme méthode d’action et de réussite politique, il est notamment un lecteur de Nietzsche, d’Annunzio, Sorel, des anarcho-syndicalistes Labriola et Alceste Ambris, du grand sociologue Vilfredo Pareto (théorie des 80/20, la méthode « logico-expérimentale », notion des « résidus »), et de Marx. Concernant ce dernier, il sera toujours plus proche d’un socialisme d’Etat, « prussien », à la Oswald Spengler (6), que d’un Marx voyant dans le libre-échange, le libéralisme et le capitalisme les éléments civilisateurs.

La transformation par la guerre
Au sortir de la guerre, c’est un homme qui rassemble en lui ce sentiment de fraternité et de solidarité par delà les catégories sociales et culturelles des tranchées, il a connu la violence de la guerre, ressent une fierté nationaliste de la victoire mais aussi de la rancœur par cette « victoire mutilée » de l’Italie (qui n’obtient pas les territoires promis par les Alliés lors de son entrée en guerre), il voit en son pays une « nation prolétarienne ». Il saura comprendre ses ressentiments et ceux de ses compatriotes pour en faire sa partition.
L’Italie sort exsangue des conflits mais est un pays agité par la violence des « rouges », craignant la révolution, les usines sont la plupart du temps en grèves, les terres sont souvent occupées, le peuple est pauvre et n’a pas accès à l’éducation, le pouvoir politique et économique est détenu par une aristocratie et une grande bourgeoisie jugées « décadentes » et « ploutocratiques », la crise économique et sociale est violente. De plus, s’il y a un Etat italien après le mouvement du « Mezzogiorno » du siècle passé, la nation italienne n’existe pas, et cet Etat est passé à côté de la révolution industrielle. Le Sud est agricole et appartient à quelques grands propriétaires qui investissent leurs immenses bénéfices dans… les industries du Nord !
Mussolini devient rapidement un étranger pour le Parti Socialiste Italien. Il n’est pas un pacifiste, veut mettre « le peuple au pouvoir » et apporter le progrès social, et est prêt à utiliser la violence pour cela : il veut créer une nation italienne moderne et unie qui dépasse les luttes de classes.
Autour du journaliste (« Il Popolo d’Italia ») se rassemble des anarcho-syndicalistes, des nationalistes, des anciens combattants, des francs-maçons, des juifs, des athées, les futuristes de Marinetti, républicains radicaux, classes moyennes craignant la prolétarisation et le péril rouge, jeunes bourgeois sortis de la guerre en manque d’action. Une génération entière, passée par le moule de la guerre, n’a de goût que pour l’ultime et le radical…

Création du « fascisme »
Ils veulent instaurer une « dictature du développement » (7), créer une nation italienne, briser les communistes et leur lutte des classes, instaurer la république, diriger l’économie capitaliste : seul doit être l’Etat. « Ce n’est pas la nation qui engendre l’Etat… bien plutôt ! C’est la nation qui est engendrée par l’Etat et qui donne au peuple conscient de sa propre unité morale une volonté et par conséquent une existence réelle » (8). Il s’agit de lutter à la fois contre le danger communiste et l’individualisme libéral qui ferait le lit des rouges : « Anti-individualiste, le fascisme est donc opposé au libéralisme classique qui naquit de la nécessité de réagir contre l’absolutisme et a ainsi épuisé sa fonction historique dès l’instant où l’Etat prit conscience de soi et devint volonté populaire. Le libéralisme refusait que l’Etat œuvrât pour autre chose que pour l’intérêt de l’individu particulier : le fascisme réaffirme que l’Etat est la vraie réalité de l’individu » (9).
C’est sur ces concepts que sont créés les « faisceaux italiens de combat », pour provoquer une « révolution fasciste » (10) : créer un Homme nouveau, un Italien dominant son environnement et respecté partout dans le monde, puisant dans le passé de la gloire romaine la glaise fantasmée pour former un avenir viril.
Ces adeptes du coup de force, notamment contre les « rouges », vont progressivement moins inquiéter ceux qui étaient naguères traités de « ploutocrates ». Ces derniers deviennent même leurs bailleurs de fond, et Mussolini tempère son programme politique. Le nationalisme révolutionnaire évolue et se rapproche de Corradini, l’anticapitalisme premier et la volonté de nationalisation des industries se transforment en conservatisme d’Etat, et le mouvement se militarise avec ses « squadristes », sorte de milices armées.
Au fur et à mesure, le fascisme italien croît, jusqu’à prendre le pouvoir en 1922 par un coup de force (« La marche sur Rome »)… encadré par les institutions.
En seulement 4 ans après la guerre, 5 après la prise de pouvoir de Lénine, le fascisme est au pouvoir en Italie, et suscite des vocations ailleurs en Europe !

Je ne vais pas ici faire l’histoire de l’Italie mussolinienne, bien des ouvrages, dont quelques uns ici cités, sont présents pour cela. Simplement, rapidement, Mussolini va mettre en place les lois dites « fascistissimes », lui accordant les pleins pouvoirs, mettant au pas ainsi ceux qui le finançaient, éliminant toute opposition et expression divergentes, s’appropriant l’Etat, créant les corporations, et prenant en main l’Italien de la naissance à la mort (organisations de jeunesses, fêtes fascistes, corporations, culture, éducation, « samedi fasciste », etc.).
Il est vrai que la mafia a failli disparaître avec le pouvoir fasciste, les gamins vont à l’école, les classes populaires ont accès à la culture et aux sports (création des premiers comités d’entreprises, « Dopolavoro »), l’environnement social progresse (« fonds nationale des assurances sociales », temps de travail passé à 40 heures, « trains populaires » avec réduction de 70 % des billets le dimanche), les industries (automobile, aéronautique, construction navale, armement, etc.) connaissent un grand essor, les particularismes régionaux s’effacent devant la création de la nation italienne, la lire devient même une monnaie forte, et une sorte de « révolution verte » est mise en place (assèchement de marais, distribution de terres, mécanisation). La crise de 1929 est un peu moins forte qu’ailleurs du fait d’une forte politique d’intervention de l’Etat. Etre Italien devient une fierté par un mélange de propagande nationaliste et de quelques réussites sociales et économiques.

Toutefois, l’Italie reste un pays agricole aux revenus faibles pour la masse paysanne, les industries ne sont pas encore au niveau des économies européennes développées. Le pouvoir de Mussolini n’est pas « total » comme pour des Lénine puis Staline, et Hitler : il y a un roi et un Pape… Le Grand Conseil Fasciste est un lieu de discussions où le Duce peut connaître la contradiction, comme ce sera le cas lors des lois antisémites. Bien sûr, il s’agit malgré tout d’une dictature, il ne faut pas se leurrer : la contradiction se devait d’être mesurée, sinon…

Surtout, la politique extérieure prend le pas sur la politique intérieure. « Parti unique, Etat parti, Etat partisan » (11). L’échec du fascisme, italien en particulier, et de façon redondante dans ses autres expressions, se révèle par une politique extérieure belliqueuse, endogène à la pensée fasciste : son nationalisme est empirique.

(5) Pierre Milza, « Mussolini », Fayard
(6) Oswald Spengler, « Prussianité et Socialisme », Actes Sud
(7) Pierre Milza, « Les fascismes », Imprimerie nationale
(8) Benito Mussolini, « Il tempo del bastone e della carota », Firenze libri
(9) ibid
(10) George L. Mosse, « La révolution fasciste », Seuil
(11) Raymond Aron, « Démocratie et totalitarisme », Folio


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