Propos sur l'autre

Dans la série pages 35 et 36.
Je suis en train de lire Le syndrome Copernic, de Henri Leovenbruck. Le héros tient des carnets sur lesquels il écrit. Notamment ceci.
Autrui. J'avais besoin de savoir. Je suis allé dans le dictionnaire. Autrui : 1. Sens général : l'autre comme moi qui n'est pas moi. 2. Phil. : Chez Rousseau, autrui désigne mon semblable, c'est-à-dire tout être qui vit et qui souffre, avec lequel je m'identifie dans l'expérience privilégiée de la pitié. Chez Hegel : autrui, donnée irrécusable comme existence sociale et historique, est, dans une relation intersubjective, constitutif de chaque conscience dans son surgissement même...
Donnée irrécusable... Hegel dit ça pour faire plaisir.
Il n'y a de plus grande solitude que face aux autres.
C'est fatigant, cette solitude. Seul, seul, seul, je suis seul. Je est seul. Parfois, j'ai des envies d'autrui. A quoi bon ?
L'autre est un mystère et un paradoxe. Il est, depuis toujours, le géniteur de tous mes tourments. Ne vous cachez pas. Ce n'est pas vraiment de votre faute. C'est ainsi. Et de toute façon, je ne suis qu'à travers vous.
Car voilà : Homo sapiens ne peut exister seul. Il faut un père et une mère pour voir le jour. Nous ne sommes que le produit d'autrui. Et ça ne nous lâche jamais, cette dépendance. Elle est partout. Le langage, la culture... Tout vient des autres. Nous sommes de constants héritiers.
Et toujours, pourtant, l'autre reste inacessible. Je vois le corps de l'autre, mais jamais je ne vois son esprit. Jamais je ne vois son âme, son intériorité. Et l'interprêtation que je fais de l'autre est forcément inexacte, tout comme est inexacte celle que vous faites de moi.
Tant que l'autre restera autre, nous serons les victimes d'une éternelle incommunicabilité. On aura beau essayer.
L'invention du langage est le plus bel aveu de notre incapacité à nous comprendre.