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Les partis n’étaient plus que des rôles…

Publié le 24 mai 2009 par Philippe Thomas

Dimanche de la Vie

… il y avait des partis, peut-être onze partis, que l’histoire et les petits pense-bêtes ont réduit à trois, parce que trois est un beau chiffre qui marche en toute occasion : d’une part Robespierre et les robespierrots au nombre de deux, Saint-Just et Couthon, trois avec Robespierre ; d’autre part les scientifiques, ingénieurs et juristes, capitaines, excellant dans les arts libéraux autant que mécaniques, qui fabriquaient des canons sur les ruines des cloches et fignolaient des arrêtés dans la belle langue de bois de l’an II sur les ruines de la belle langue de bois théologique, langue de bois qui, pour rendre à César ce qui est à lui, avait été inventée par ailleurs par le robespierrot Saint-Just : ces bons savants aux mains sales étaient Carnot, Barère, les Prieur, Jean Bon, Lindet, six hommes de science. Enfin, deux indépendants, Billot et Collot, exaltés et imprévisibles. Tous ces gens, ces onze, des écrivains je vous l’ai dit déjà, avaient pour principal point commun d’apposer leurs onze paraphes en bas de décrets divers où il était question de canons, de grains, de guillotine, de réquisitions et d’exécutions.

Quel rapport avec le tableau ? Ceci d’abord : ces « partis », Monsieur, ce que j’ai appelé partis, dans cette période de crescendo théâtral, de surenchère maximaliste où chacun n’élevait la voix que pour se distinguer de la voix de l’autre, la recouvrir et pour finir la jeter dans la panière avec la tête qui l’énonçait, les partis n’étaient plus que des rôles. Il ne s’agissait plus d’opinions, mais de théâtre ; cela arrive souvent dans la politique ; et cela arrive toujours dans la peinture, quand elle représente la politique sous la forme très simple d’hommes : car les opinions, cela ne se peint pas ; les rôles, si.

Pierre Michon, Les Onze, Verdier 2009

 Je viens de lire avec jubilation le dernier opus de Pierre Michon , car dans Michon tout est bon. Vous venez donc d’en lire un échantillon qui, voyez un peu le hasard, me semble avoir quelque résonance avec l’actualité. Mais vous avez raison, Monsieur (ou Madame), c’est sans doute le prisme de ma lecture qui veut ça, d’autant plus que la citation d’un extrait s’effectue inévitablement avec un effet de loupe ; et cela est fréquent aussi en littérature, surtout lorsqu’il s’agit d’une peinture sur laquelle on s’arrête et qu’on visiterait comme un musée ou plutôt comme une pièce majeure, voire mythique, dont un guide conférencier particulièrement habile vous ferait pénétrer les arcanes… Bref, ne pastichons pas et ne barguignons pas davantage : la pièce qui se joue actuellement est fort mauvaise, l’époque n’est pas exaltante et l’intrigue est plate ; les acteurs des différents camps sont médiocres dans cette scène européenne où ils courent le cacheton avant de disparaître jusqu’à la prochaine représentation dans 5 ans. La représentation… justement, le dernier Michon ne parle que de cela et de bien d’autres choses… Sa lecture est une excellente thérapie en ces temps de crise, un vrai bonheur majuscule qui éclaire aussi notre rapport à l’Histoire


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