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La création et la suppression de missions de service public

Publié le 25 mai 2009 par Nufroftsuj

Le présent travail n’est pas véritablement problématisé… mais il fait le point de manière assez complète (pour des étudiants de deuxième année) sur la question de la création des missions de service public ainsi que sur celle de leur suppression. Encore faut-il préciser que c’est une approche purement positiviste qui a été adoptée ici, au détriment, il est vrai, d’une vision historique, sociologique, géographique… que sais-je encore ?… de ces questions.

Les informations qui vous allez trouver ici sont facilement accessibles puisqu’elles figurent dans bon nombre de manuels de droit administratif général. Toutefois, la présentation qui en est faite habituellement ne me convient pas : je n’arrive pas, généralement, à me ré-approprier la façon qu’ont ces auteurs d’organiser ces informations et éprouve donc de grandes difficultés à les retenir et/ou à les réutiliser.

Pas sûr, cependant, que ma proposition vous convienne… mais je suis ouvert à toute suggestion !

Remarque liminaire

Le principe du parallélisme des compétences rapproche la question de la suppression des missions de service public de celle de leur création. En effet, par application de ce principe, les autorités compétentes pour créer ou supprimer une mission de service public sont identiques (s’agissant, par exemple, des missions de service public locales : CE Sect., 6 janvier 1995, Ville de Paris) Il convient cependant de remarquer que le principe du parallélisme des compétences ne joue que dans les cas la mission de service public a été créée par un acte administratif unilatéral et où sa suppression passe donc formellement par la modification (ou l’abrogation, ce qui revient au même).

Qui peut créer/supprimer une mission de service public ?

Pour la clarté du propos, il est utile de répondre à cette question en deux temps, en examinant tout d’abord la capacité (au sens commun) des personnes morales de droit public, puis, plus précisément, celle de leurs organes.

Par ailleurs, nous prendrons en compte le fait qu’à l’exception des juristes aguerris (et spécialistes du droit public) les citoyens associent très étroitement la question « qui ? » à la question « à quelles conditions ? ». Ne pas les traiter simultanément reviendrait pour eux à établir dans un premier temps des réponses grossières (en réalité, des réponses qui ne seraient pas suffisamment opérationnelles), avant de les préciser ou de les nuancer. Les apprentis juristes doivent cependant garder à l’esprit que les spécialistes du droit public envisagent pour l’essentiel la question de la suppression des missions des services publics à travers leur grille d’analyse habituelle de la légalité des actes administratifs unilatéraux : une telle création/suppression constituera ainsi une décision administrative susceptible d’être entachée de vices de légalité, parmi lesquels il convient de distinguer le vice de compétence, le vice de forme, le vice de procédure, l’erreur de fait, l’erreur de droit, l’erreur dans la qualification juridique des faits et enfin le détournement de pouvoir. En d’autres termes, lorsque le juriste étudie la question de la compétence (au sens juridique), il n’étudie qu’une partie de la question de la capacité (au sens commun).

  • Quelles sont les personnes publiques capables de créer/supprimer une mission de service public ?
  • Le cas de l’Etat, le cas des collectivités territoriales et celui des EPCI
  • Approche générale

Quoi qu’ils doivent respecter pour cela certaines règles, l’Etat et les collectivités territoriales sont largement habilitées à créer/supprimer des missions de service public.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont régis sur ce point par les mêmes règles que les collectivités territoriales (CE Sect., 18 décembre 1959, Delansorme).

  • Le cas de l’Etat

Certaines missions de service public nationales sont prévues implicitement ou explicitement par des dispositions de valeur constitutionnelle (CC, déc. n° 86-207 DC, 25-26 juin 1986). Une théorie des services publics constitutionnels a progressivement pris corps sur cette base. Quoi qu’il en soit, les autorités étatiques ne pourront pas les supprimer, sinon à commettre une illégalité (au sens large).

Sous cette réserve, les autorités étatiques disposent d’une compétence largement discrétionnaire pour créer/supprimer une mission de service public (même décision), le juge n’exerçant qu’un contrôle restreint de la qualification juridique des faits contenue dans l’acte juridique créant/supprimant cette mission (pour le cas où cet acte est un acte administratif : CE Sect., 25 avril 1980, Ministre de l’Education c. Institut technique privé Dunkerque). Reste à préciser en quoi consiste concrètement cette qualification juridique : il s’agit à chaque fois pour l’autorité concernée de se demander si une activité donnée sert suffisamment l’intérêt pour que la personne publique au nom et pour le compte de laquelle elle agit continue de l’assurer.

  • Le cas des collectivités territoriales

Il arrive qu’une mission de service public déterminée soit confiée par un texte législatif ou réglementaire à une personne publique déterminée. A moins qu’elle ne soit justement cette personne, une collectivité territoriale ne peut alors pas prendre en charge cette mission, sinon à commettre une illégalité.

Par ailleurs, la liberté du commerce et de l’industrie (qui est, pour le moins, un principe général du droit : CE, 22 juin 1951, Daudignac ; mais peut-être également un principe de valeur constitutionnelle : CC, déc. n° 2003-474 DC, Loi de programme pour l’outre-mer) oblige les collectivités territoriales à ne pas concurrencer l’initiative privée. Aussi ne peuvent-elles en principe créer (et ensuite, éventuellement, supprimer) de missions de service public à caractère industriel et commercial qu’à la condition de répondre à un besoin de leur population et de palier une absence ou simplement une carence - qu’elles soient quantitatives ou qualitatives - de l’initiative privée (CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers). Les juridictions administratives ont cependant prévu une exception à cette règle : même lorsque l’initiative privée n’est pas absente ou insuffisante, l’autorité administrative peut créer une mission de service public à caractère industriel et commercial dès lors qu’elle fonctionne sur le domaine public (CE Sect., 29 janvier 1932, Société des autobus antibois). On parle alors de « service public virtuel ». Évidemment, une loi peut également faire échec à la jurisprudence Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (ainsi, par exemple, des lois de décentralisation de 1982 et 1983).

Remarques :

- Reconnaître une valeur constitutionnelle à la liberté du commerce et de l’industrie n’y changerait rien : le législateur devrait alors concilier cette liberté avec d’autres principes de valeur constitutionnelle mais aussi avec des objectifs de valeur constitutionnelle (tels que la satisfaction de l’intérêt général).

- Par contre, il semble que le droit communautaire pourrait conduire à terme à un revirement de jurisprudence. En effet, la libre concurrence qu’il promeut s’applique à tous les opérateurs économiques. Seuls les pouvoirs exorbitants du droit commun dont disposent les opérateurs publics posent donc problème. Qu’ils y renoncent et le principe de non-concurrence pourrait se transformer en principe d’égalité de la concurrence (thèse défendue par Jacqueline Morand-Deviller dans son Cours de droit administratif,  paru chez Montchrestien).

- Lorsque l’absence ou la carence de l’initiative privée n’est plus d’actualité, la mission de service public créée pour la pallier doit être supprimée. Cependant, cette suppression peut être différée le temps que les investissements qui ont été réalisés pour la mettre en place soit amortis (CE, 23 juin 1933, Lavabre).

A l’inverse, certaines missions de service public locales sont prévues par des dispositions législatives ou réglementaires. Il s’agit des missions de service public locales dites « obligatoires » (pour quelques précisions, voir le fascicule no 149 du JCl Administratif). Les autorités locales ne pourront pas les supprimer, sinon à commettre une illégalité.

Sous ces réserves, les autorités locales disposent d’une compétence largement discrétionnaire pour créer/supprimer une mission de service public, le juge n’exerçant, une fois encore, qu’un contrôle restreint de la qualification juridique des faits contenue dans l’acte juridique créant/supprimant cette mission (CE, 16 janvier 1991, Fédération nationale des associations d’usagers des transports). S’il est fréquent que les usagers de ces missions de service public locales invoquent un droit à leur maintien, il apparaît dès lors que ce droit n’existe évidemment pas (s’agissant d’une mission de service public à caractère administratif : CE Sect. 27 janvier 1961, Sieur Vannier). On peut voir dans cette solution la conséquence extrême de l’application du principe de mutabilité (ou principe d’adaptation), qui constitue l’une des « lois du service public » mises en exergue par le Professeur Rolland.

  • Le cas des autres établissements publics

Les établissements publics autres que les EPCI sont soumis, quant à eux, à des conditions très strictes et cela en raison du principe de spécialité.

En effet, selon l’avis n° 356089 de la section des travaux publics du Conseil d’Etat (7 juillet 1994) :

   « Si ce principe de spécialité invite, pour déterminer la nature des activités confiées à l’établissement, à se reporter à ses règles constitutives, telles qu’elles ont été définies en l’espèce par la loi, il ne s’oppose pas par lui même à ce qu’un établissement public, surtout s’il a un caractère industriel et commercial, se livre à d’autres activités économiques à la double condition :

-   d’une part que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale, en l’occurrence de la production, du transport, de la distribution et de l’importation et exportation d’électricité et de gaz ou au moins connexe à ces activités,

-   d’autre part que ces activités soient à la fois d’intérêt général [ce qui implique qu’il s’agira vraisemblablement d’une mission de service public] et directement utiles à l’établissement public notamment par son adaptation à l’évolution technique, aux impératifs d’une bonne gestion des intérêts confiés à l’établissement, le savoir-faire de ses personnels, la vigueur de sa recherche et la valorisation de ses compétences, tous moyens mis au service de son objet principal.

   Ces critères valent, pour la spécialité, quelque soit la méthode de diversification retenue : par l’établissement lui même, par une filiale à contrôle majoritaire de l’établissement ou par une participation minoritaire. »

  • Quelles sont les organes des personnes publiques capables de créer/supprimer une mission de service public ?
  • Le cas de l’Etat

L’exercice réel des compétences étudiées ci-dessus est le fait tantôt du législateur, tantôt des autorités exerçant le pouvoir réglementaire. La répartition des compétences se fait ici par application de différentes dispositions constitutionnelles (notamment l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958) mais aussi de différentes normes jurisprudentielles.

Les premières ne seront pas détaillées ici (il suffit de consulter le fascicule no 149 du JCl Administratif pour retrouver les principales hypothèses dans lesquelles la compétence du législateur est consacrée), même si l’on doit remarquer qu’à défaut d’une disposition de valeur constitutionnelle prévoyant une compétence générale du législateur pour créer/supprimer les missions de service publics nationales ce sont bien les autorités réglementaires qui, par application de l’article 37 de la Constitution, détiennent une compétence de principe en la matière.

Quant aux normes jurisprudentielles, on remarquera que si elles reconnaissent que le législateur est compétent pour créer (puis, éventuellement, supprimer) une mission de service public à caractère industriel et commercial (CE, 13 novembre 1953, Chambre syndicale des industries et du commerce des armes), il ne saurait en aller de même pour les autorités réglementaires que dans quatre hypothèses : soit le législateur l’a autorisé (même arrêt), soit cette mission est destinée à satisfaire les besoins de ses services étatiques eux-mêmes (CE, 29 avril 1970, Société Unipain), soit elle constitue le complément normal d’une mission de service public à caractère administratif déjà assurée par l’Etat (CE, 27 février 1942, Mollet).

  • Les cas des collectivités locales

L’exercice réel des compétences étudiées au-dessus est le fait des organes délibérants des collectivités locales. En effet, elles ont été reconnues compétentes pour régler les affaires relevant du ressort de ces dernières (voir les articles L. 2121-29, L. 3211-1 et L. 4221-1 du CGCT, concernant respectivement les communes, les départements et les régions).

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Par Ewoudou Hermine
posté le 07 juin à 14:32

c' est bien de pouvoir compter sur le net pour plus d'infos

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