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Cette instruction que le monde nous envie

Publié le 26 mai 2009 par H16

Sapristi, l'Edulcoration Nationale est encore au menu ! Alors que Darcos compte bien bouter la racaille violence hors des établissements secondaires en envisageant des patrouilles d'intervention musclée pour fouilles énergiques et préventives, c'est maintenant au tour des écoles de passer sous les fourches caudines de ses expérimentations. On se rappelle qu'en janvier, le ministère avait tenté un contrôle grandeur réel sur les CM2 afin d'en mesurer les capacités, avec, on peut s'en douter, les sempiternels grincements de dents des syndicats d'enseignants. C'est maintenant au tour des CE1, et, surprise, les syndicats sont d'accord...

Non. Je déconne.
Les syndicats sont, encore une fois, en opposition. Il est d'ailleurs probable que, telles des particules d'antimatière rencontrant de la matière, ils n'existent que dans l'opposition systématique et cesseraient d'exister - pouf, comme ça - s'ils devaient aller dans le sens de leur autorité de tutelle, la différence essentielle étant que les deux particules élémentaires, quand elles s'annihilent, produisent de l'énergie, chose qu'on n'est pas prêt de voir avec un syndicat français.
Or donc, voilà notre Ministère qui sonde, teste et étudie les charmants bambins qu'on leur a confiés.
En quoi consiste le test ? Je me le suis procuré (il est disponible en ligne à différents endroits, comme ici), je l'ai parcouru et ... je m'en suis remis. Ok, je ne suis pas en CE1, et effectivement, il demande à l'élève un niveau certain pour être rempli sans faute, mais n'est pas rigoureusement inaccessible à un élève normal : quelques manipulations sur le Français, quelques exercices d'arithmétique de base, un peu de logique, rien de bien violent.
En effet, on suppose qu'un élève moyen n'aura pas de difficulté insurmontable à obtenir la moitié des points, ce qui laisse augurer d'un calibrage à peu près correct de l'évaluation. Et comme en outre, c'est la première année qu'un tel test est lancé, on peut faire preuve d'un peu d'indulgence et ne peut pas partir du principe que la manœuvre va réussir pile-poil du premier coup, l'intérêt statistique étant ici autant dans l'évaluation ponctuelle que dans l'évolution des résultats au fil des années... si, par extraordinaire, la valeur du test n'est pas régulièrement amoindrie pour qu'un maximum de gamins voltige dans les 18/20.
Or, à lire, dans Laberration, les éternelles pleurnicheries de nos syndicalistes d'opposition (un pléonasme ?), on ne peut pas douter que la prochaine édition (s'il y en a une) sera entièrement dévouée à produire un test bien plus facile à remplir par l'ensemble des écoliers.
En parcourant la consternante propagande grossière du SNUIPP, on y apprend ainsi que, je cite, le test serait construit pour mettre les élèves artificiellement en échec. C'est effectivement connu : le ministère de l'EdNat ne tient jamais tant qu'à prouver la nullité des services qu'il rend, pour un prix défiant toute planification budgétaire. Il est d'ailleurs piquant que ce soit sur ce blog, qui étrille régulièrement la vénérable institution, qu'on soit obligé de rappeler ce genre d'évidences : elle a a priori tout intérêt à ce que le test soit aussi fiable que possible, ou, au pire, à sous-estimer le niveau de ses petits assujettis.
Le reste est à l'avenant ; on découvre ainsi que le syndicat veut bien d'une évaluation, mais insiste assez lourdement pour que les résultats restent anonymes, pour éviter une mise en concurrence des écoles. Car vous comprenez, les écoles en concurrence reviendrait à institutionnaliser une réalité pourtant parfaitement tangible : il y a des écoles dans lesquelles les élèves apprennent mal, et d'autres qui les préparent bien au collège. Et cette réalité fait suffisamment mal pour qu'on la cache.
D'ailleurs, avec une gangrène, le plus sûr remède est un gros pansement qui recouvre bien la plaie et rien d'autre, c'est bien connu.
Un peu plus loin, toujours dans la propagande syndicaliste, on nous explique que le délai de réponse pour les exercices est limité, et que ''certains élèves lents pourraient réussir si on leur laissait davantage de temps''. C'est exact. Si on laisse un ou deux ans supplémentaires à certains élèves, ils parviendront à résoudre l'ensemble des exercices. Mais le problème ne vient pas de l'enseignant, ni de l'enseignement, ni de l'élève. Il vient du test. Bien sûr.
S'ajoute une longue plainte sur la méchante façon de compter les points : trop binaire, elle égratignerait les égos des élèves et ne permettrait pas la subtilité diplomate que tout instituteur enseignant professeur des écoles déploie pour atténuer le choc d'une vérité pourtant prégnante : Kevin ne sait pas produire 6 nombres inférieurs à 1000. En CE1...

Cette instruction que le monde nous envie

6 nombres inférieurs à 1000 : mission impossible
A la suite de ce pénible geignement, une question demeure : Comment aider les élèves en difficulté sans une évaluation fine et fiable ? ... Parce que voyez-vous, le fait que Kevin ait 3% de réponses justes ne veut pas dire la même chose que lorsqu'il en a 3.41%... J'ose une remarque : lorsqu'un élève est en difficulté, son score ne va pas jouer à quelques petits points par-ci ou par-là. En outre, il vaut mieux qu'un élève soit classé en difficulté alors qu'il est juste médiocre que l'inverse. Encore une fois, c'est plus pénible pour l'égo mais certainement plus efficace pour améliorer ses performances. Éventuellement, s'il ressort que, patatras, l'écrasante majorité des élèves est en difficulté face au test, on peut raisonnablement penser qu'il était vraiment trop dur.
Mais je persiste à penser qu'un élève moyennement doué doit savoir compter jusqu'à 10 au CE1 et savoir que 10 est inférieur à 1000. Certes, c'est, de nos jours, poser un but couillu dans l'apprentissage des moutards, mais l'humanité ne progresse qu'avec de tels défis, ou, encore plus hardi, comme écrire un mot qui veut dire le contraire de : inoccupé, compréhensible, sombre. Avec des cibles aussi prestigieuses, on sent déjà bouillonner dans les veines des petits apprenants l'appétence scolaire qui les propulsera bien comme il faut dans les bras attendris de l'IUFM la plus proche. Moyennant le bon vocabulaire, ils s'en sortiront très bien.
Bref.
Tout semble concourir pour montrer la difficulté d'y voir plus clair dans ce grandiose cloaque qu'est devenu l'Edulcoration Nationale. Quelle que soit la tentative, aussi maladroite soit-elle, elle sera toujours utilisée par une certaine frange d'enseignants, syndicalistes politisés congelés dans leur immobilisme de caste, pour mettre en application l'exact contraire de ce qu'ils s'emploient à enseigner, à commencer par le respect des lois et de la hiérarchie. Éternels chouineurs et abonnés perpétuels à la grève ou en formations diverses, ces lascars s'étonnent ensuite de la dégradation du niveau qu'ils ont pourtant bien contribué à produire.
En outre, il existe un décalage croissant entre les méthodes pédagogiques IUFMesques, destinées à des jeunes futurs enseignants lettrés, pour la plupart pas du tout prêts à faire régner l'autorité dans leurs classes, et les méthodes disons plus vigoureuses d'apprentissage au contact du monde réel de la jeunesse actuelle dans certains quartiers. On peut comprendre le désarroi de la profession et l'envie de plus en plus forte de distribuer de solides paires de baffes aux syndicalistes dont l'essentiel des propositions martelées au cours de grèves tri-annuelles sur, mettons, les trente dernières années, se résume à "Des Sous, Vite et Plus".
Il est d'ailleurs amusant de constater le peu de remous provoqué par un film comme "Entre Les Murs" qui dresse pourtant un bilan catastrophique des méthodes kikoolol en vigueur dans notre vénérable institution... Question d'interprétation, sans doute.
En conclusion, Darcos fait, dit ou écrit des bêtises. Mais cependant, si l'on tient compte des cris d'orfraie des syndicats, cette évaluation pourrait bien ne pas en être une de plus.


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