Malade ou accidenté ? En congé maternité ? Au boulot ! et plus vite que ça…. Le titre de Marianne2 résume la philosophie du projet : Lefebvre veut généraliser la jurisprudence Dati. Il me semblait évident, à l’époque pas si lointaine – le début de cette année – où Rachida Dati, à peine accouchée, était allée à l’Elysée pour travailler, que c’était un mauvais coup pour toutes les femmes et que cela servirait à remettre en question leur droit à un congé-maternité plein et entier.
Bingo ! Et que l’on ne nous fasse surtout pas croire que cette idée est sortie toute armée du chapeau de Frédéric Lefebvre : le manque de matière grise en état de fonctionner rend cette idée tout à fait rédhibitoire. C’est un nouveau ballon d’essai – avec son inévitable cortège de «COUAC-COUAC» et l’habituelle séance de rétropédalage accéléré devant le tollé général - de la «Maison Sarko»… Rouleau-compresseur écrasant - tel Attila - les derniers acquis sociaux : rien ne doit repousser ! Puissent les élections européennes être le prélude à une défaite digne des Champs Catalau-niques…le 7 juin 2009.
Encore une régression – après le travail dominical - sous couvert de «volontariat»… Tu parles ! Point n’est besoin d’être grand clerc pour subodorer les diverses «pressions» exercées par l’employeur… elles existent déjà, ais-je lu à plusieurs reprises : on demande tout bonnement au salarié de reprendre son travail avant le terme du congé-maladie ou de ne pas s’arrêter nonobstant un certificat médical d’arrêt de travail en bonne et due forme. L’arrêt-maladie devient un quasi délit.
Imaginez le cas de figure - de moins en moins rare dans «l’entreprise barbare» ! - où le salarié soumis à du harcèlement moral voire physique ou tout simplement «placardisé», en pleine dépression, va trouver son médecin qui trouve tout à fait justifier de prescrire un arrêt de travail… L’employeur qui souhaite le plus souvent s’en débarrasser à bon compte, lui demandera de travailler à son domicile. Un refus sera bien évidemment un casus belli supplémentaire… A supposer qu’il reprenne le travail, bonjour l’ambiance !
Mais cet amendement va encore nettement plus loin – l’enfer n’est-il pas «pavé de bonnes intentions» ? - et préfigure l’atomisation des salariés. La généralisation du télétravail est quasi le retour au «travail à domicile» d’antan. Des salariés sans lien entre eux, soumis à la loi du patron, les syndicats atomisés ou absents. On l’a bien vu avec les entreprises de feue la «nouvelle économie» dont on nous a rebattu les oreilles ad nauseam avant le krach de 2000 : licenciés par mail ou SMS.
Il faut en effet en lire l’exposé sommaire de l’amendement : «L’objet de cet amendement est de permettre aux salariés qui en feraient la demande de maintenir une activité par la voie du télétravail dans certains cas où leur contrat est normalement suspendu : congé consécutif à une maladie ou un accident, congé maternité, congé parental d’éducation ou congé de présence parental.L’intérêt de la poursuite du contrat de travail est évident pour le salarié à qui elle permettrait, au minimum de maintenir sa rémunération, à nombre d’heures de travail effectuées équivalent.
L’intérêt de la poursuite du contrat de travail est évident pour le salarié à qui elle permettrait, au minimum de maintenir sa rémunération, à nombre d’heures de travail effectuées équivalent. L’employeur pourrait également être incité à encourager le passage au télétravail en se voyant offrir une réduction des charges sociales, financées par les économies réalisées par la caisse d’assurance maladie qui n’aurait plus à verser d’indemnités au télétravailleur.».
J’oserais rappeler à Frédéric Lefebvre que nous apprenions il y a quelques jours que le «trou» de la Sécu s’élèverait au bas mot à 10 milliards d’euros… Je ne saurais dire s’il intègre les sommes que doit l’Etat au titre des - déjà fort nombreuses - exonérations de charge et qu’il rembourse fort rarement sinon jamais malgré des promesses, évidemment non tenues…
Or, notre génial député ne trouve rien de mieux que de dilapider l’argent de la Sécu dans de nouvelles exonérations de charge ! Ensuite de quoi les malades doivent payer une franchise sur les médicaments… Qu’il arrête de nous prendre pour des cons et de se foutre de notre gueule !
Je ne saurais dire si Frédéric Lefebvre a déjà travaillé – vraiment – dans sa vie. C’est quand même une petite perle : «L’intérêt pour le salarié de maintenir au minimum sa rémunération». Sans doute ne sait-il pas que la loi du 19 janvier 1978 sur la «mensualisation» des salaires, accorde un droit au maintien du salaire en cas de maladie ou d’accident du travail.
«Hors de l’entreprise point de salut» !… Les congés de toute nature semblent devoir être mis hors la loi. Il ne restera qu’à supprimer les congés-payés et le retour au XIXe siècle sera parfait.
La commission des affaires sociales de l’Assemblée a rejeté l’amendement. Mais qu’importe : Frédéric Lefebvre a de la suite dans les idées. Il compte bien le réintroduire lors de l’examen de la loi dans l’hémicycle… «J’ai des convictions» ! dit-il. Certes, et très réactionnaires. Il reste à se demander si la majorité UMP rejettera l’amendement comme certains le pensent ou si, au contraire, il rencontrera l’assentiment d’un nombre suffisamment important de députés pour être adopté…
Qu’inventera Frédéric Lefebvre contre les nombreux salariés qui ne peuvent travailler chez eux ? Les infirmières, les employés du commerce, de l’industrie et de l’artisanat, etc.. ? Il apportera sans doute le mur au pied du lit du maçon…
Nota bene : J’apprends ce matin que Frédéric Lefebvre retirait son amendement… Nul doute que lui aussi “porte” une réforme chère à Nicolas Sarkozy et que celui-ci - obstiné asinien - ne revienne à la charge comme après chaque échec. D’autant qu’il n’est que le “petit télégraphiste” ou - au choix - le VRP de l’ultralibéralisme et du Medef. Wait and see.