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Anna dans mon lit

Publié le 30 mai 2009 par Magda

garbo karenine

Greta Garbo dans “Anna Karénine”, 1935

Barry Lindon l’Irlandais est un ami qui aime les mots. D’abord, il parle français mieux que moi, en dépit de ses origines celtes. Ensuite, il est complètement obsédé par la littérature russe du XIXe siècle, et rêve de se faire tout Dostoïevski dans le Transsibérien. C’est à cause de lui que j’avais ouvert, il y a trois ans, Guerre et Paix de Léon Tolstoï, avant de le refermer au bout de cent pages, pestant vertement d’ennui mortel.

Et puis, là, j’écris un spectacle, et dans ce spectacle, l’héroïne se voit obligée de lire en prison le plus grand auteur russe célébré par les soviétiques. Bon, bon. Quel est le plus grand auteur russe célébré par les soviétiques? Quel auteur russe n’a pas eu droit en son pays, pendant la Guerre Froide, au couperet de la censure? Je me creusais la tête, et pensais bien sûr à Léon Tolstoï, mais ne savais comment en parler, puisque, ignare que je suis, j’avais rejeté Guerre et Paix et subséquemment toute son oeuvre, aux oubliettes. Hélas, il me faut lire du Tosltoï, me dis-je!

Je me rappelai Barry Lindon l’Irlandais qui se prélassait toujours au lit avec Anna Karénine, le coquin. Le plus grand roman de tous les temps, selon lui. J’avais des doutes. Je dois bien le dire, Pouchkine m’emmerde voluptueusement, Tolstoï m’avait rasée de près, et Dostoïevski, parfois, me fait soupirer (pas toujours, tout de même). La petite bande des grands auteurs russes*, je la laisse souvent à son samovar.

Après un week-end de dégustation vinicole intense dans les caves de Bourgogne avec Barry Lindon l’Irlandais, sa chanson commence lentement, Chablis aidant, à imprégner mon cerveau : Anna Karénine, Anna Karénine, Anna Karénine. Il prétend même que le personnage de Levine lui ressemble incroyablement. Ah ouais d’accord. Je me remets un verre de Chablis et j’achète Anna Karénine, pour voir.

Retour à Paris. L’orage fouette les vitres. L’appartement tremble. C’est divin. Je m’allonge dans mon lit avec Anna Karénine. Je l’attends, elle ne vient pas tout de suite, il lui faut presque une centaine de pages. Mais… tiens, cent pages, et je ne me suis pas ennuyée. Je lis la préface sur la nature contradictoire de Tolstoï (saint et débauché), elle est lumineuse. Et puis Anna se glisse entre mes draps. Son visage doux, ses yeux de biche, ses airs de madone et son coeur de pute divine. Je crois bien que Tolstoï a écrit, dans ce livre, l’une des plus formidables caractérisations de personnages de l’histoire du roman européen. La duplicité subtile de son héroïne est humaine à en pleurer.

Je n’ai lâché ce merveilleux personnage que lorsque mes yeux sont allés regarder du côté de Morphée.

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Léon Tolstoï, Anna Karénine, éditions Folio classique


* J’exclus Gogol, Boulgakov et Maïakovski. Grands, mais… drôles et surtout, drôlement modernes.


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