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La règle du jeu (Renoir -1939) -7

Publié le 01 juin 2009 par Caroline

La règle du jeu (Renoir -1939) -7
Cette scène, que nous appellerons la scène de la Danse Macabre (sur la musique de Camille Saint Saëns) est la deuxième dans le film où la mort fait irruption sur un mode métaphorique après celle de la chasse.
La danse macabre est le tournant de la fête et du film (61eà 63emin): ses sept premiers plans révèlent que la société n’a plus d’existence; sur scène surgit sa vérité, la mort, devenue la vraie maîtresse du jeu. D’emblée, le piano mécanique suggère l’idée d’une machine supérieure aux humains et en train de s’emballer. Puis le mouvement d’ellipse de la caméra passe par quatre personnages – et ici Renoir joue un double jeu: le fantastique de la danse macabre qui annonce la prise de pouvoir par les forces occultes, et la satire réaliste d’un spectacle drôlatique. Le tissu narratif se déchire en effet entre les deux femmes qui contemplent stupéfaites la magie du pianola, vers le bas du cadre, et les deux hommes qui, levant la tête, guettent à droite le début de la danse: ainsi se crée plastiquement une tension interne au groupe des spectateurs.

Quand le rideau noir tombe, nous découvrons trois fantômes tournoyant sur eux-mêmes, c’est-à-dire la vérité de cette société: une société de fantômes, n’ayant que des squelettes de parapluies qui ne protègent plus de rien et livrée au tourbillon dans le vide, dans un monde terrible dominé par la mort. De ce vide surgit en effet la mort elle-même, une mort jeune et très dynamique, en pleine activité, qui va désormais guider la danse et mener le jeu.

Au fond de la salle, dans l’ouverture de la porte de droite, sur une autre relation amoureuse mêlant Eros et Thanatos: Lisette fait semblant de mordre le nez de Marceau, qu’elle a envie de prendre pour amant. C’est bien l’idée de l’amour qui finalement va entraîner cette société vers son propre malheur, puisqu’elle est incapable d’éprouver les raisons profondes de l’amour: elle est pri-
vée du véritable désir, elle n’est que dans le désir du désir, si bien que même l’amour ne peut qu’engendrer la mort. Plus loin, la marquise un peu ivre et Saint-Aubin flirtent sur un canapé.

Puis, La fracture qui déchire la société va se concrétiser en une course-poursuite à l’intérieur du trio des maîtres (Christine et Saint-Aubin suivis par Jurieu et la caméra) et une à l’intérieur du trio des domestiques (Lisette et Marceau que traque Schumacher), mais dans deux espaces parallèles, la salle et le couloir, qui ne communiquent pas: les portes sont de fausses ouvertures.

Un ballet de lumières tourbillonnantes, ces lumières qu’au théâtre on nomme «poursuites», accompagne le début de cette folle poursuite dans le château et souligne le vertige qui s’empare de l’action. Dès lors, tout va se détraquer, les personnages ne sont plus que des marionnettes, obéissant à la caméra qui mène la mise en scène et conduit à la mort, maîtresse du jeu.

D’après Jean Douchet (les Cahiers du cinéma)

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