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Borgne to be wild

Publié le 01 juin 2009 par Collectifnrv
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En flânant dans les rues, avec une attention modérée, on peut voir, affichée ici ou là, la « une » du magazine « Valeurs Actuelles » qui exige avec force : « Arrêtez d’emmerder les français ! »

Ca ne nous émeut pas plus que cela et n’ébranle aucunement la position du penseur moyen qui s’abstient et d’acheter et de lire cette feuille de chou. En parler est déjà une faiblesse de l’entendement…

On peut tout de même discerner, sur cette une, la nature des emmerdements qu’il faudrait cesser d’infliger aux français et ce pourtour rassure celui qui feindrait d’être titillé : nous sommes bien chez « Valeurs actuelles. »

Le promeneur, de retour en son antre, clique gratuitement et découvre enfin, un peu émoustillé, le contenu et l’argumentaire de ce numéro qui n’ira pas par 4 chemins pour briser les tabous et dira les vérités qui ne manqueront pas de déranger :

http://www.valeursactuelles.com/public/valeurs-actuelles/html/fr/articles.php?article_id=4762

Voilà, nous y sommes. Pinard, bagnoles, clopes, Camembert…

On pourra noter l’astuce qu’il y a à s’emparer d’une phrase de Pompidou, qui n’a d’autres fonctions que de légitimer la trivialité toute valeursactuellienne du propos : les non français peuvent continuer d’être emmerdés (ce sont d’ailleurs eux, parfois, qui emmerdent l’honnête français) et la nature de ces emmerdements, c’est juste de venir entraver la bonne franchouillardise, les bonnes valeurs françaises, les bonnes traditions françaises…

L’instance ou les instances responsables de ce péril de la franchouillardise ne sont curieusement pas cités, juste en creux, hormis « L’Europe de Bruxelles ». Air connu.

Les emmerdements, c’est juste cela, le zèle de quelques bureaucrates hygiénistes qui vient ternir le quotidien des français-fiers-de-l'être, les infantiliser, les défaire de ces grands sujets qui mêlent liberté individuelle du chocolat, responsabilité au lait cru, Histoire multi-séculaire de la clope, identité de l’automobiliste émancipé,  insoumission au  diktat des « 5 fruits et légumes » etc.

Le pinard français fait consensus, c’est notre tradition, la beaufitude nationale n’en démord pas ; il a même la vertu civilisationnelle de faire entrer le musulman dans la modernité (à condition qu’il mange aussi du porc et accepte de se soumettre à un néo-colonialisme de bon aloi) :

http://www.liberation.fr/monde/0101569910-une-envie-d-albanie

Ha, qu’il est doux et rassurant d’être un franchouillard conscient, de circonscrire le champ des libertés individuelles à son estomac, à son accélérateur et à ses crottes de chien.

Evidemment, ce discours ne fait que flatter la panse nationale d’un public en quête de sens en dé-corrélant cet arsenal « qui emmerde » d’une politique générale, autrement plus coercitive, dissuasive.

Le « totalitarisme soft », ce n’est pas l’anti-terrorisme, la dérive sécuritaire, la surveillance, la délation, la surenchère policière, le populisme ; ça, c'est notre protection. Le « totalitarisme soft », c’est le chocolat sans cacao. Le chocolat sans cacao, c’est la barbarie, ça gâche notre petit plaisir dans notre sphère privée, alors que « l’anti-terrorisme comme technique de gouvernement », hein…

http://www.liberation.fr/societe/0101570130-pour-en-finir-avec-les-derives-autoritaires

Après tout, celui qui est pris dans ces rets-là n’est forcément pas étranger à une activité anti-française (d’autant qu’il est possiblement fumeur de cannabis – bien loin de notre culture - non automobiliste et peut-être même amateur de livres). Celui qui parle peut avoir lu et peut finalement avoir commis :

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/edito/index.php?id=79976

Alors que l’honnête citoyen français, émancipé de toute attraction terrestre, libre dans sa tête, subissant la coercition d’un ennemi invisible et crispé, vaguement éméché et pressant l’accélérateur avec gourmandise car il est « né pour être libre » n’est rien d’autre que le garant de l’esprit français.

Il ne faudrait pas que des liens entre tous ces éléments se tendent, il ne faudrait tout de même pas que l’idée que tout cela n’est pas si éloigné progresse, qu’une logique commune est à l’œuvre.

Mais notre gaulois se complait dans sa position intenable, son argumentaire bancal, qu’il jurerait stable car cela lui procure un sentiment d’insoumission dans son univers conformiste et, en vérité, de soumission.

Et le ciel, plus haut, il ne faut pas y toucher…

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