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Islande : sur les pas des Vikings

Publié le 12 décembre 2005 par Marc Chartier
Trait d'union géographique et géologique entre l'Europe et le continent américain, cette île de formation récente – seulement 20 millions d'années au compteur – provoque des sensations que l'on ne connaît nulle part ailleurs.
Balade au pays des glaciers, des volcans, des geysers et de l'eau chaude à volonté.

Islande : sur les pas des Vikings
Snaefellsjökull: un volcan à l'extrême pointe de la côte ouest de l'Islande. C'est de là qu'en 1864, Jules Verne fit partir son Voyage au centre de la Terre, précédant d'une petite longueur le Pêcheur d'Islande de Julien Viaud, alias Pierre Loti lorsqu'il délaissait ses galons d'officier de marine pour la plume.
À l'écart des grandes effusions ou des chamailleries d'une certaine Europe, la "Terre de Glace" fait un peu bande à part. À peine débarqué à l'aéroport international de Keflavik, on ne met pas de temps à se sentir réellement "ailleurs". Déjà, le Lagon Bleu et ses eaux sulfureuses à 40°, tout juste sorties des entrailles de la terre par le sas d'une usine géothermique, vous mettent dans le bain.Islande : sur les pas des Vikings
Ensuite, sur la route qui conduit au premier hôtel, le spectacle de vastes étendues de pierres de lave recouvertes de lichens intrigue quelque peu. On cherche des rapprochements avec des terres plus connues: l'Irlande, l'Écosse, la Norvège peut-être... Mais il faut se rendre à l'évidence: on vient de pénétrer dans un univers à part, insolite, n'acceptant aucune comparaison avec tel ou tel autre pays plus familier.
Islande : sur les pas des VikingsVoici un pays où le soleil peut se lever à 3 h comme à 11h15 pour se coucher à presque minuit ou 15h45.
Un pays où il n'y a pas d'arbres, ou si peu. Si vous êtes perdu dans la forêt, dit-on là-bas, il vous suffit de vous mettre debout pour retrouver votre chemin! Un pays où la route nationale 1 permet de faire le tour de l'île, mais où l'on cherche en vain une quelconque nationale 2.
Un pays où les pipelines transportent de l'eau chaude.
Un pays qui n'a pas d'armée, mais seulement 200 garde-côtes, la fonction militaire étant suppléée par la présence, depuis 1941, de 5 000 soldats américains.
Un pays qui n'a ni serpents, ni chiens (même tenus en laisse) en ville, ni chemins de fer, ni prisons pour femmes (mais une seulement une prison pour hommes de 120 places).
Un pays où l'on ne connaît pas le nombre exact de la population. Le recensement officiel de 1999 fait état de 272 500 habitants, dont un peu plus de la moitié vivent à Reykjavik et environs. Il faut toutefois y ajouter les Elfes, descendants cachés d'Adam et Ève, ainsi que les horribles Trolls qui peuplent la montagne et tous autres démons ou monstres mythiques. Mais combien sont-ils exactement?
Il n'y a rien à voir. Le spectacle est partout.
Islande : sur les pas des VikingsBenjamine de notre planète, ayant émergé des profondeurs de l'océan il y a seulement 20 millions d'années (c'était hier pour les géologues!), l'Islande s'est dotée d'un environnement austère, donnant encore aujourd'hui l'impression d'un premier matin du monde. «Dès que je reviens au pays, confie Sarah, de la compagnie Icelandair, je vois le ciel partout, immense, imposant.» Dès que l'on sort en effet de Reykjavik, qui ignore pourtant les méfaits d'une architecture champignonnesque, on est au contact direct d'une nature très peu aménagée, le plus souvent restée vierge, telle que la découvrirent sans doute les audacieux Vikings au IXe siècle.
Cette nature n'en est pas moins généreuse et fière. Elle répond à la soif de liberté qui, là-bas, peut guider vos pas. Regardez autour de vous: aucun monument particulier n'attirera sans doute votre regard. Mais le spectacle est partout, éveillant cette sensation déroutante que le temps s'est arrêté. Ou bien qu'il n'a pas encore commencé.Islande : sur les pas des Vikings
On se retrouve plongé dans un univers où l'énergie est première, omniprésente. C'est cette force cachée qui a donné forme aux montagnes et aux fjords, qui somnole dans la masse des glaciers et explose régulièrement dans le feu des volcans, qui se libère joyeusement dans le fracas des cascades ou le jaillissement des geysers.
Les Islandais sont passés maîtres dans le high-tech. Leurs ancêtres ont découvert le continent américain, curieusement dénommé «Pays du vin», cinq cents ans avant Christophe Colomb. Ils appartiennent à un peuple qui, dès 930, avait élaboré l'expression parlementaire (Althing) de la démocratie. Ils ont inventé une société égalitaire, basée sur la simplicité des rapports humains et une espérance de vie plus élevée qu'ailleurs (75 ans pour les hommes; 80 ans pour les femmes). Ils ont été les premiers, dans un état démocratique, à confier la responsabilité présidentielle à une femme, Vigdis Finnbogadóttir. Ils ont su rendre leur pays accueillant, à tel point que le nombre total annuel des touristes peut dépasser le nombre d'habitants. Ils ont surtout, au moins jusqu'à présent, respecté l'identité de leur île et cette beauté sauvage que l'on se plaît à découvrir quand on réussit à s'extraire de sa banlieue bétonnée et polluée.
«Géographiquement, l'Islande ne dépend [...) ni de l'Europe, ni de l'Amérique. Elle ne dépend pas. Comme notre planète dans le grand vide de l'espace, l'Islande est, au milieu du grand vide de l'océan, un monde à part surgi des profondeurs. Un monde dans le monde.» (Torfi H. Tulinius, dans L'Islande, le pays chaleureux du Nord)
La terre
Islande : sur les pas des VikingsAccrochée, tel un pendentif, au Cercle polaire arctique, l'Islande est peu gourmande en superficie. Elle se contente d'approximativement 103 000 km², soit le 1/5e de la France. Ce qui ne l'empêche pas d'être la deuxième plus grande île de l'Europe, après la Grande-Bretagne.
Son jeune âge ne lui a pas permis de connaître l'ère des dinosaures. Formée à coups d'éruptions volcaniques, elle est à cheval sur deux mondes: d'un côté, la plaque continentale américaine; de l'autre, la plaque européenne. Sous l'effet de la dérive des continents, elle est née de l'éloignement des deux plaques. La nature ayant, comme chacun sait, horreur du vide, la croûte terrestre s'est reformée à partir du magma issu des profondeurs du globe.
L'essentiel du territoire est inculte, occupé qu'il est par les glaciers (12 %), les champs de lave (25 %), les sables (39 %) et les lacs (3 %). 20 % de pâturages permettent néanmoins l'élevage de moutons, bovins et chevaux. Quant au 1 % de terres cultivées, il ne suffit évidemment pas aux besoins alimentaires du pays, malgré les compléments assurés grâce aux serres chauffées par vapeur d'eau.
On comprend dès lors que l'économie du pays repose sur d'autres secteurs: la pêche qui représente 20 % du PIB, 10 % des emplois et 80 % des revenus à l'exportation; l'industrie (aluminium, ciment, ferro-silicium, diatomite); l'énergie hydroélectrique; le tourisme...
Heureux pays qui s'est donné les moyens de son existence, en comptant sur les potentialités et les limites de la nature de son sol. L'Islande connaît un très faible taux de chômage (0,5 à 1 %) et un niveau de vie parmi les plus élevés au monde. Les Islandais n'ont ni pétrole, ni richesses agricoles, ni ressources minières, mais ils ont assurément beaucoup d'idées!
Islande : sur les pas des Vikings
Le feu
«Les Islandais n'aiment pas leur terre, écrit Philippe Patay, ils s'en méfient.»
Quelle que soit la pertinence de ce bilan, il est en effet exact que l'histoire de l'Islande est liée à celle de ses volcans. On en dénombre environ 200 et une éruption se produit en moyenne une fois tous les cinq ans. Certaines, par leur ampleur et leurs conséquences, ont d'ailleurs fait date dans cette île à géométrie variable.
En 1783, le Laki s'est ainsi manifesté durant sept longs mois, déversant la bagatelle de 12 km³ de lave et des millions de tonnes de gaz. 10 500 victimes sur les 49 000 habitants d'alors, deux tiers du bétail décimés, famine: la colère de la Terre fut terrible.
Islande : sur les pas des VikingsDu 14 novembre 1963 au 20 août 1966, à la suite d'une éruption sous-marine dans le périmètre des îles Vestmann (sud de l'Islande), une nouvelle île est apparue. Elle fut dénommée Surtsey, du nom du géant Surt qui répand le feu sur le monde. Son accès est aujourd'hui réservé aux chercheurs.
Autre éruption à avoir marqué l'histoire du pays: celle de l'Hekla, le 26 février 2000. Ce volcan est célèbre dans la tradition catholique du Moyen Âge pour être la demeure des damnés. Pour ne rien arranger, certains volcans sont recouverts d'un glacier. C'est le cas du Katla, coiffé par le Myrdalsjökull dont les glaces ont une épaisseur variant entre 200 et 750 mètres. Au IXe siècle s'est produite une éruption dont la puissance est aujourd'hui comparée à celle de 10 000 bombes atomiques, éjectant dans la nature 10 km³ de téphras.Islande : sur les pas des Vikings
Le glacier Vatnajökull, avec ses 8 400 km² d'emprise, égale à lui seul la superficie de l'ensemble des glaciers d'Europe. Il maintient au chaud trois volcans sous ses centaines de mètres de glace, dont le Grimsvötn qui s'est réveillé en 1996 de sa torpeur trompeuse. Résultat de ce chaud et froid gigantesque: la formation d'un immense lac sous-glaciaire de 3 milliards de m³ d'eau qui se sont déversés en plus des 500 millions de m³ de lave.
Comment qualifier, sinon d'apocalyptiques, les impressionnantes coulées de boue qui ont alors dévasté la région? Et pourtant, les Islandais vivent avec leurs volcans, attentifs mais pas traumatisés, prudents mais pas recroquevillés sur la peur. Les techniques modernes de détection de l'activité volcanique permettent en effet de procéder en temps et en heure aux évacuations de population qu'imposent les plus élémentaires règles de sécurité.
«Rien n'est stable dans ce pays qui n'en finit pas de naître, sans cesse bouleversé par les intempéries, secoué par les séismes, remodelé par le feu, broyé par les glaciers, dénaturé par les solfatares. Changeant et mobile, toujours neuf, il reste pourtant le même et il en sera toujours ainsi. L'Islande sera, de par son climat, sa situation, sa nature, constamment et de tous temps en voie de formation, de transformation, les parties anciennes emportées par le vent, la mer, la pluie, la glace, et remplacées par les terres nouvelles créées par les volcans.» (Torfi H. Tulinius, ouvrage cité, p. 10)
L'eau
Islande : sur les pas des VikingsL'Islande est le pays par excellence de la géothermie. Trois cents sites exploitent cette technique sur des zones soit à basse température (l'eau ne dépasse pas 150°C à 1 000 mètres de profondeur et elle n'atteint plus que 50 à 80°C lorsqu'elle monte à la surface), soit à haute température (l'eau est à 180°C à 1 000 mètres de profondeur et elle monte sous forme de vapeur, avec adjonction de gaz carbonique et d'hydrogène sulfuré). L'énergie consommée dans le pays est à 40 % d'origine géothermique et 85 % des foyers s'en servent pour chauffer leur habitat. Cette même source de chaleur est même utilisée par endroits, dans la capitale islandaise, pour empêcher la formation de verglas sur les trottoirs.
Entre Reykjavik et l'aéroport de Keflavik, au pied d'une centrale géothermique construite au milieu d'un désert de roches volcaniques, une étrange piscine est souvent la première halte des touristes. Elle est alimentée par l'eau qui a transité par la centrale et en ressort à une température de 35 à 40°C.Islande : sur les pas des Vikings
Outre les plaisirs d'un bain pour le moins insolite, accompagné d'un cocktail aux couleurs locales, de nombreuses vertus sont reconnues à ce Blue Lagoon, notamment pour ceux qui souffrent de psoriasis. Le mélange d'eau chaude, de boue, d'algues et de sels minéraux a pour effet d'augmenter la souplesse de la peau, de restructurer les tissus cutanés, de contribuer à la synthèse de l'élastine et du collagène, de préserver l'intégrité des membranes cellulaires, d'équilibrer les peaux grasses.
On ne pouvait en tout cas imaginer meilleure mise dans le bain pour un premier contact avec l'Islande. Réalisez que l'eau qui vous porte provient des entrailles de la terre. Votre imagination fera la reste.
Björk... et les autres
Islande : sur les pas des VikingsBjörk est connue pour son talent de chanteuse. Elle a aussi occupé le devant de la scène lors du festival de Cannes en 2000, avec le film Dancer in the dark de Lars Von Trier. Mais elle ne représente pas à elle seule tout le gotha islandais.
Certes, l'Islande n'est pas à notre porte. Mais que cela ne nous empêche pas de savoir que ce petit pays de quelque 272 000 habitants a compté dans ses rangs, en 1955, un Prix Nobel de littérature en la personne de Haldor Kiljan Laxness (1902-1998). Qu'il est porteur également d'une fabuleuse littérature dont les eddas, la poésie scaldique et les sagas ont traversé les siècles, rappelant les hauts faits des ancêtres ou les mythologies et croyances dont se nourrissaient les Vikings.
Aujourd'hui encore, la littérature est en Islande un atout culturel majeur, au point qu'on a affirmé – est-ce vraiment une boutade? - qu' «une moitié des Islandais lit les livres que l'autre moitié écrit».
On nous rappelle là-bas, à ce propos, que la langue islandaise n'a pratiquement pas évolué depuis l'époque des sagas et eddas du Moyen Âge. Les textes écrits il y a 750 ans de cela sont directement compréhensibles, ou peu s'en faut, par les Islandais contemporains. Leur pays préserve son histoire plus dans sa tradition orale que dans la conservation de vieux monuments.
Dans la foulée, la langue islandaise d'aujourd'hui ne se laisse pas impressionner par l'invasion de la terminologie fabriquée Outre-Atlantique. Elle ignore «Internet» pour lui préférer «le filet qui couvre le monde», ou «ordinateur» pour tölva (combinaison de tala – nombre – et völva – prophète). «Téléphoner» signifie bien «s'adresser à quelqu'un grâce à un fil», et «télévision», «voir une lumière qui se projette».
Islande : sur les pas des VikingsBien qu'ayant contribué, tiennent à rappeler les historiens, à façonner l'Occident moderne, les Vikings étaient tout sauf de saintes nitouches. Leurs intentions étaient claires: faire du trafic, y compris d'esclaves, s'enrichir par tous les moyens possibles, en ayant recours au pillage et en semant la terreur.
Si aujourd'hui nous leur emboîtons le pas, c'est évidemment avec de plus nobles desseins. Pour accumuler d'autres richesses: celles que nous apporteront les émotions et les sensations d'une inoubliable balade islandaise.Islande : sur les pas des Vikings
(1-4 décembre 2000)
Islande : sur les pas des Vikings
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