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décret du 22 août 2008 : le Conseil d’Etat rejette le recours de la Cimade et alii sur la rétention

Publié le 03 juin 2009 par Combatsdh

Le Conseil d’Etat vient de rendre publique sa décision du 3 juin 2009 rejetant le recours de la Cimade et de dix autres associations, introduits en octobre dernier, contre le décret du 22 août 2008 réformant l’intervention des associations en rétention (au lieu d’une seule association à caractère national plusieurs, une seule association par centre, admission de toute personne morale, etc.)

Le rejet était prévisible suite au rejet du référé-suspension par le président de la section du contentieux le 26 février et aux conclusions défavorables du rapporteur public le 27 avril 2009.

On relèvera brièvement et à chaud le délai inhabituellement long entre l’audience - suivie du délibéré- en avril et la lecture (c’est-à-dire le fait de la rendre publique) le 3 juin.  Est-ce que la Conseil d’Etat a voulu de la sorte éviter d’interférer par sa décision dans les procédures de référé en cours devant le TA de Paris?

Le Conseil d’Etat mentionne clairement, comme nous l’avons souvent écrit ici, que le recours au procédé du marché n’était en rien imposé par la disposition législative et réglementaire ni d’ailleurs, il faut le reconnaître, interdite (ça peut faire l’objet d’une activité économique).

Il estime que le fait que les centres de rétention puissent accueillir les étrangers quel que soit le lieu de leur résidence et que les étrangers puissent faire l’objet d’un déplacement d’un centre à un autre n’oblige pas  le pouvoir réglementaire à réserver les missions d’assistance aux seules personnes morales disposant de moyens d’action sur l’ensemble du territoire national.

A noter qu’il n’y a pas de contradiction et même une certaine proximité entre l’ordonnance rendue par le juge des référés du TA de Paris le 30 mai 2009 sur les exigences de l’accès effectif des étrangers retenus à leurs droits et cette décision puisque le CE relève que :

la mission confiée par la convention ne se limite pas à l’information des étrangers mais comprend également l’aide à l’exercice de leurs droits ; qu’il n’a donc pas entendu et ne pouvait d’ailleurs pas légalement limiter le contenu de cette convention à des prestations d’information ; qu’il doit, au contraire, être compris, compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur, d’une part, comme prévoyant que cette convention porte non seulement sur l’information mais aussi sur l’accueil et le soutien des étrangers, pour permettre l’exercice effectif de leurs droits, d’autre part, comme impliquant que l’Etat ne peut conclure une telle convention qu’avec des personnes morales présentant des garanties d’indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social, pour assurer le bon accomplissement des missions d’accueil, de soutien et d’information prévues par la loi”

Ce considérant devrait faire réflechir les avocats du ministère a deux fois avant de décider d’un pourvoi en cassation contre l’ordonnance rendue par Mme Labarthe-Vacquier.  Rappelons que le ministère avait développé une autre interprétation dans le cadre de l’appel d’offres en considérant que “l’aide et l’assistance” à l’exercice des droits se rapportait à l’objet de l’association intervenante et non à l’objet de la mission confiée par convention. Cela devrait aussi écarter la candidature des associations ne présentant pas de garanties d’indépendance et de compétence suffisantes.

Le Conseil se prononce par ailleurs sur un autre moyen développé par le cabinet Coudray, et déjà préalablement tranchée, sur l’appel suspensif du Procureur de la République en cas de libération de l’étranger par le juge des libertés et de la détention en “35 bis” (pas le temps de développer).

voici la décision :

321841.1244035667.pdf


Et un extrait:

“que les dispositions contestées de l’article 5 du décret attaqué, qui remplacent celles de l’article R. 553-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par les articles R. 553-14 à R. 553-14-3 nouveaux, prévoient que le ministre chargé de l’immigration conclut à cette fin une convention avec une ou plusieurs personnes morales chargées, dans chaque centre de rétention administrative, d’aider les étrangers retenus à exercer leurs droits et d’assurer des prestations d’information par l’organisation de permanences et la mise à disposition de documentation, que ces prestations sont assurées par une seule personne morale par centre et que l’accès aux centres de rétention administrative des représentants d’une personne morale ayant conclu une convention est subordonné à un agrément individuel accordé pour trois ans par le préfet, le nombre d’agréments individuels permettant l’accès à l’ensemble des centres dans lesquels la personne morale est chargée d’intervenir étant fixé dans chaque convention ;
Considérant que la loi ne prévoit pas que la mission d’assistance aux étrangers dans les centres de rétention administrative doit être réservée à des associations, ni n’interdit que cette activité, qui peut revêtir un caractère économique, soit dévolue au terme d’une procédure de marché public ; que le décret pouvait donc, sans méconnaître l’article L. 553-6 du code, ouvrir à toute personne morale la possibilité de passer une convention avec le ministre chargé de l’immigration pour réaliser cette mission ;
Considérant que, si les droits garantis aux étrangers doivent être effectifs et s’exercer dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire, cette circonstance n’implique pas que les missions prévues par l’article L. 553-6 du code soient assurées par la ou les mêmes personnes morales sur l’ensemble du territoire national dès lors qu’il appartient au ministre chargé de l’immigration de fixer dans les conventions, sous le contrôle du juge, des conditions d’attribution des prestations qui permettent d’atteindre les objectifs fixés par la loi ; que, dans ces conditions, le fait que les centres de rétention puissent accueillir les étrangers quel que soit le lieu de leur résidence et que les étrangers puissent faire l’objet d’un déplacement d’un centre à un autre n’oblige pas non plus le pouvoir réglementaire à réserver les missions mentionnées à l’article L. 553-6 aux seules personnes morales disposant de moyens d’action sur l’ensemble du territoire national ;
Considérant que, dans le dernier état de leur argumentation, les requérants soutiennent que le décret attaqué fixe des conditions insuffisantes pour assurer l’objectif prévu par le législateur et qu’il est ainsi entaché d’incompétence négative ; qu’ils font valoir, en particulier, que le décret se borne à exiger des personnes morales des prestations d’information sous la forme d’organisation de permanences et de mise à disposition de documentation ; que, toutefois, le décret prévoit que la convention passée entre le ministre chargé de l’immigration et la ou les personnes morales sélectionnées doit permettre l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers et précise que la mission confiée par la convention ne se limite pas à l’information des étrangers mais comprend également l’aide à l’exercice de leurs droits ; qu’il n’a donc pas entendu et ne pouvait d’ailleurs pas légalement limiter le contenu de cette convention à des prestations d’information ; qu’il doit, au contraire, être compris, compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur, d’une part, comme prévoyant que cette convention porte non seulement sur l’information mais aussi sur l’accueil et le soutien des étrangers, pour permettre l’exercice effectif de leurs droits, d’autre part, comme impliquant que l’Etat ne peut conclure une telle convention qu’avec des personnes morales présentant des garanties d’indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social, pour assurer le bon accomplissement des missions d’accueil, de soutien et d’information prévues par la loi ; que, dans ces conditions, l’article 5 du décret attaqué n’est pas entaché d’incompétence négative ;
Considérant que, compte tenu des nécessités du fonctionnement des centres de rétention administrative, le Premier ministre a pu légalement encadrer, par le décret attaqué, les conditions dans lesquelles les personnes morales titulaires d’une convention peuvent accéder à ces centres ; qu’il a notamment pu prévoir qu’une seule personne morale pourrait intervenir dans chaque centre de rétention administrative et que l’accès à ces centres serait subordonné à l’octroi d’agréments individuels, dont le nombre sera fixé a priori dans chaque convention, sans entacher la légalité du décret attaqué ; qu’en outre, la détermination par convention du nombre d’agréments individuels ne relève pas des principes fondamentaux des obligations civiles réservés au législateur par l’article 34 de la Constitution et ne saurait porter atteinte aux objectifs fixés par l’article L. 553-6 précité dès lors que le nombre d’agréments sera déterminé par référence à la capacité maximale d’accueil de chaque centre de rétention administrative”

Communiqué de presse

Paris, le 3 juin 2009

Assistance aux étrangers dans les centres de rétention

Le Conseil d’État rejette la demande d’annulation du décret du 22 août 2008
modifiant les modalités de l’assistance apportée aux étrangers placés en rétention administrative.

La CIMADE et d’autres requérants avaient demandé l’annulation du décret n° 2008-817 du 22 août 2008 modifiant le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en matière de rétention administrative. Ce décret, qui définit les modalités d’assistance aux étrangers placés en rétention, prévoit de confier cette assistance, pour chaque centre de rétention administrative, à une seule personne morale sélectionnée par les autorités ministérielles. Une convention est établie avec la ou les personnes morales en charge des centres, dont l’accès est subordonné à un agrément individuel délivré par le préfet.

Le Conseil d’État écarte les différentes critiques présentées par les requérants à l’encontre de ce décret. Il juge notamment que la nécessité que les droits des étrangers placés en centre de rétention soient garantis dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire n’implique pas que les missions d’assistance à ces étrangers soient assurées par la ou les mêmes personnes morales sur l’ensemble du territoire national. Le décret pouvait donc décider de confier, par la voie d’un marché public, les missions d’assistance à des personnes morales différentes pour chaque centre de rétention administrative.

Le Conseil d’État formule cependant certaines réserves dans l’interprétation des dispositions du décret.

La réserve principale porte sur le contenu de l’assistance délivrée aux étrangers. Les requérants considéraient que le décret, en se bornant à exiger, de la part des personnes morales sélectionnées pour intervenir en centre de rétention administrative, des prestations d’information sous la forme d’organisation de permanences et de mise à disposition de documentation, aurait fixé des conditions insuffisantes pour assurer une correcte application de la loi. Ils s’appuyaient sur les dispositions législatives du code de l’entrée et du séjour des étrangers, d’où il résulte que les étrangers maintenus en rétention administrative doivent bénéficier d’actions d’accueil, d’information et de soutien pour permettre l’exercice effectif de leurs droits.

Le Conseil d’État relève qu’aux termes mêmes du décret litigieux, la convention passée avec la personne morale sélectionnée doit permettre l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers et que la mission confiée par la convention ne se limite pas à l’information des étrangers mais comprend également l’aide à l’exercice de leurs droits. Il en déduit que le décret n’a pas entendu limiter le contenu de cette convention aux seules prestations d’information, ce qu’il n’aurait d’ailleurs pu faire légalement. Au contraire, compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur, le Conseil d’État juge que le décret doit être compris comme prévoyant que la convention en question porte non seulement sur l’information mais aussi sur l’accueil et le soutien des étrangers, pour permettre l’exercice effectif de leurs droits. Il ajoute qu’il doit également être lu comme impliquant que l’État ne peut conclure une telle convention qu’avec des personnes morales présentant des garanties d’indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social, pour assurer le bon accomplissement de ces missions d’accueil, de soutien et d’information prévues par la loi.

C’est compte tenu de ces conditions précisées par la décision du Conseil d’État que l’argumentation des requérants est écartée et la demande d’annulation du décret rejetée.

Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 3 juin 2009, n° 321841

Contact
Isabelle Schwartz, Responsable des relations presse


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