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Eric Besson, «ses pompes et ses œuvres» : la gifle du tribunal administratif de Paris (II)

Publié le 03 juin 2009 par Kamizole

Eric Besson, «ses pompes et ses œuvres» : la gifle du tribunal administratif de Paris (II)Eric Besson, uniquement soucieux d'ôter à la CIMADE le monopole de l'aide aux migrants retenus dans les CRA - l'association protestante étant jugée trop critique à l'égard des conditions de détention des sans-papier dans les CRA et trop dévouée à leurs intérêts - avait lancé des "appels d'offre" à diverses associations.

Dont une qui n'est qu'un "faux nez" de l'UMP - et dans sa version la plus proche des positions de l'extrême droite ! à l'égard des étrangers... - car non seulement le "Collectif respect" est dirigé par Frédéric Bard, membre de l'UMP, mais selon ce que je lis sur "20 minutes" Les associations en ordre dispersé pour l'accès aux centres de rétention celui-ci serait chargé de mission au ministère de l'Intégration et de l'Identité nationale : l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même !

Des "appels d'offre" !

Les sans-papiers seraient-ils des marchandises ? Telle est bien la question que je me suis posée et qui m'a bien entendu indignée, avant même avoir lu sur "20 minutes" Les associations en ordre dispersé pour l'accès aux centres de rétention la réaction similaire de Stéphane Maugendre, le président du Gisti pour qui cette "terminologie de droit commercial" instituerait un "marché" de l'aide aux étrangers.

Est-ce si surprenant ? Eric Besson a très certainement la même mentalité de petit boutiquier que Nicolas Sarkozy. Il prétendait traiter les sans-papiers avec "humanité" mais a fait preuve tout au contraire du plus parfait mépris à l'égard de leurs droits et de leur dignité en tant que personnes humaines...

Il se fichait de la légalité comme d'une guigne, voulant aller vite et passer en force - la fameuse "méthode Sarko" - avec en prime une "date butoir" sans aucune raison quelconque sinon de justifier "l'urgence", technique éprouvée des dictatures selon Hannah Arendt.

Le tribunal administratif vient de lui donner tort en référé. Il restera à examiner la requête de la Cimade et d'autres associations sur le fond... Contrairement aux titres de certains articles que j'ai survolés sur Wikio, si Eric Besson a bien pris une gifle magistrale, celle-ci n'est en rien "judiciaire" : le tribunal administratif, de même que les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat, relevant de la justice administrative.

En voulant "passer en force" au mépris de la légalité, Eric Besson a perdu une rare occasion de se montrer intelligent !

Je lis en effet sur le Monde Centres de rétention : Eric Besson prolonge de trois mois la mission de la Cimade - bien obligé ! sinon les étrangers internés dans les CRA n'auraient plus aucune aide, en contradiction totale avec la loi - qu'il avait "expliqué avoir effectivement signé très rapidement les documents - le dix mai 2009 - en raison du risque éventuel de nouvelles procédures, - en dépit des suggestions de l'avocat du ministère qui lui suggérait d'attendre l'audience du 13 mai".

Il a eu non seulement les procédures - faut-y être stupide ! - mais également un formidable désaveu du tribunal administratif, à la fois sur la forme et sur le fond. La totale quoi !

Pour bien comprendre ce dernier épisode - qui sera suivi par d'autres à n'en point doute - force est de remonter dans le temps pour l'anamnèse de cet épineux dossier... L'exposé le plus clair de cet imbroglio juridique est à lire dans le Figaro Aide aux étrangers en rétention : fin de monopole. Notamment la chronologie des décrets, appels d'offre et contrats ainsi que les procédures engagées aux fins d'annulation de ces différents actes administratifs.

Eric Besson n'est pas l'initiateur du projet. C'est Brice Hortefeux qui voulait "la peau" de la Cimade - agacé - selon Le Monde Centres de rétention : les associations craignent pour leur mission de contrôle par les propos "toujours critiques" qu'elle avait de surcroît le grand tort de publier dans des rapports annuels détaillés où elle expose sans concession les manquements aux droits des étrangers retenus dans les CRA...

C'est donc par un décret du 22 août 2008 qu'il a été décidé de mettre fin au monopole de la Cimade dans l'assistance aux sans-papier détenus dans les CRA.

S'agissant des "appels d'offre" aux associations presta-taires, ce décret répartissait les 30 CRA qui seront en activité le 1er janvier 2009 en huits "lots" distincts... "diviser pour régner" comme dénonçait Stéphane Maugendre de la Cimade qui craignait - non sans raison ! - une restriction de "l'accès au droit pour les personnes retenues" ... j'y reviendrais car c'est aussi, sur le fond, en contradiction totale sur la loi.

Or, la Cimade et d'autres associations, dont le Gisti, ont à ma connaissance déposé un recours - vraisembla-blement devant le Conseil d'Etat - contre ce décret que l'on peut qualifier de "fondateur".

Dans le même temps, les mêmes associations on déposé un référé administratif devant le tribunal administratif de Paris contre le premier appel d'offres lancé par le ministère. Que le tribunal a annulé le 30 octobre 2008, souhaitant "une meilleure définitition des compétences juridiques des candidats" ... Ce qui semble pour les moins essentiel s'agissant d'intervenants censés aider les personnes retenues à comprendre et défendre leurs droits !

Eric Besson n'a tenu aucun compte de ce rappel au droit : il a lancé en décembre 2008 un nouvel appel d'offres qui devait être clos le 10 février 2009, lequel est l'objet de la procédure actuelle devant le tribunal administratif de Paris et qui devait présenter la même lacune puisque précisément, le 20 avril 2009 le juge des référés du tribunal administratif de Paris avait suspendu la signature par Eric Besson des contrats d'attribution de l'aide aux étrangers en rétention - le temps de statuer sur une requête de la Cimade - au plus tard le 7 mai 2009 et que nous savons que l'examen de ce recours avait pris du retard.

En effet, les associations - à nouveau invitées à préciser la compétence juridique de leurs intervenants - mais informées tardivement en raison d'une lacune du greffe, avaient demandé et obtenu, selon ce que je lis sur "20 minutes" Cimade: "Les associations les moins critiques vis-à-vis du ministère remporteront le marché" un délai supplémentaire jusqu'au 13 mai 2009.

Mais, alors même que la magistrate avait informé le ministère de ce retard et demandé expressément à Eric Besson d'attendre le 13 mai pour signer son texte, celui-ci - se croyant plus malin ! - a profité du week-end pour le parapher le 10 mai ! C'est à cette occasion que Laurent Giovannoni, président de la Cimade avait pu dire qu'Eric Besson avait fait "un véritable bras d'honneur à la justice" ...

Lequel avait été profondément "choqué" - le pauvre ! - par ces propos : "On ne peut pas dire, ou alors il faut le prouver, qu'un ministre a utilisé "des méthodes de voyou". De deux choses l'une: soit ce que j'ai fait est légal, auquel cas il ne peut pas utiliser ces propos, soit c'est illégal et il va falloir qu'il le prouve" ... Il parlait même de porter plainte !

Pour une fois, l'avocat du ministère a sans doute été entendu : ajouter du ridicule à l'ignominie, point trop n'en faut et il me semble que la décision récente du tribunal administratif apporte la réponse à cette question...

Sans doute sur le plan strictement légal a-t-il respecté les délais légalement prescrits au départ par le juge administratif. C'est ce que croyait Eric Besson : "Soucieux de la protection juridique des étrangers en rétention et contraint par les manoeuvres dilatoires de retardement des procédures juridiques", Eric Besson, "a signé ce soir (dimanche), en toute légalité, les marchés de prestations juridiques" dans les Centres de rétention administrative (CRA), indique seulement le communiqué du cabinet du ministre.

La "protection juridique des étrangers en rétention" ! comme s'il s'en souciait...

Et c'est précisément sur ce point - le fond du dossier - que le tribunal administratif vient de lui asséner la seconde baffe qu'il mérite...

En effet, la Cimade et d'autres associations plaidaient que l'accompagnement des étrangers en rétention avait changé de nature : la mission "d'assistance" - prévue par la loi de 1984 qui instaurait les CRA - notamment pour former des recours contre une expulsion, devenait une simple mission "d'information" des étrangers. On imagine sans peine que des ressortissants étrangers qui n'ont pas forcément une connaissance parfaite du français ni moins encore des arcanes juridiques seront pénalisés s'ils ne sont pas aidés mais seulement informés...

Et c'est précisément sur ce point crucial des missions dévolues aux associations que, selon ce que je lis sur Le Monde il est désavoué par le tribunal administratif. Centres de rétention : Eric Besson prolonge de trois mois la mission de la Cimade "Dans son ordonnace, le tribunal indique, d'autre part, qu'en ne prévoyant qu'une mission d'information, "les prestations [...] fixées par le ministre de l'immigration, ne permettent pas d'atteindre, dans son intégralité, l'objectif fixé par législateur"" (la loi de 1984).

C'est donc bien sur le fond du dossier sur lequel le tribunal administratif statuera plus tard que, dès avant, Eric Besson est désavoué. Ira-t-il jusqu'à faire changer la loi ? De surcroît, il faudrait encore que le Conseil constitutionnel donne son aval et il est généralement sourcilleux en matière de libertés publiques.

La rétention administrative - fût-elle celle d'étrangers dépourvus de titre de séjour - étant une atteinte au principe de liberté de circulation des personnes, il est évident que leurs droits méritent les précautions qu'avait prises le législateur en 1984 en prévoyant l'assistance juridique de la Cimade.

La loi n'est généralement pas tendre pour les étrangers mais pour cette fois, petite ironie de l'Histoire, il se pourrait bien que ce fût Eric Besson qui devrait faire entrer dans sa petite caboche : "sed lex, dura lex" !

Il est évident qu'Eric Besson n'a d'autre choix que prolonger la mission de la Cimade puisqu'il est évident qu'un nouveau contrat accordant ces missions aux autres associations serait tout autant illégal. Selon lui, "sa priorité absolue est d'assurer l'exercice effectif des droits des personnes retenues et que la continuité de ces prestations de soutien et d'assistance juridiques aux personnes étrangères en rétention administrative doit impérativement être assurée après le 2 juin 2009 " ...

Il ne manque toutefois pas d'air en déclarant : "Je ne reproche rien à la Cimade. Elle fait du bon travail." ... Ah ! bon ? ça vient de sortir...

Il reste qu'effectivement la plupart des associations ont manqué de solidarité entre elles et à l'égard de la Cimade. Je lis en effet, dans un article du Monde Centres de rétention : la signature surprise des contrats divise les associations plusieurs faits et déclarations de certaines associations qui me gênent profondément.

Ainsi, Alain de Tonquedec, responsable des relations extérieures de l'Ordre de Malte : "Il nous faut un certain temps pour être totalement opérationnel et le flou actuel porte avant tout préjudice aux personnes présentes en centre de rétention", Ou encore : Pierre Henry, le directeur général de France terre d'asile qui admet "attendre surtout la décision de la justice pour pouvoir se préparer", l'association devant notamment recruter onze personnes pour pouvoir être opérationnelle...

Alors même que pendant le même temps la Cimade doit envisager "un processus de plan de sauvegarde de l'emploi" ... entendre un certain nombre de licenciements de ses intervenants, en raison de la division du marché...

Ces associations sont sans doute fort honorables et je ne contesterais sûrement pas leurs activités en faveur des étrangers sans-papier. Pour avoir la possibilité de travailler dans les CRA recruteront-elles les intervenants licenciés par la Cimade ?

Je trouve néanmoins fort surprenante et quelque peu obscène la rapidité et la légéreté avec laquelle elles se sont engouffrées dans ce "marché" !... lequel doit être sans doute être assez lucratif.

Souhaitons qu'elles s'intéressent moins à l'argent qu'au sort des étrangers détenus dans les CRA et qu'elles soient aussi vigilantes que l'était la Cimade quant au respect de leurs droits et de la dignité humaine.

Nous jugerons sur pièces et surtout qu'elles ne s'avisent point de nous dire "tout va bien Madame la Marquise" quand les faits - toujours fort têtus - démentiraient à l'évidence leurs propos...

Elles en seraient immédiatement et totalement discréditées ! Eric Besson, comme hier Brice Hortefeux souhaite des bénis-oui-oui et nous voulons la plus grande "transparence" à laquelle nous avait habitués la Cimade.

Premier article : Eric Besson, "ses pompes et ses œuvres" : entre inhumanité et illégalités (I)

Eric Besson, «ses pompes et ses œuvres» : la gifle du tribunal administratif de Paris (II)

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