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La bête arrive

Par Helen
LA BÊTE ARRIVE Alors, le voilà. Le génie. Le prodige. Le médiatiquement béni des Dieux. Alors, le voilà le chef d’œuvre canonisé avant l’heure. Avant la récolte, il faut pourtant épousseter. Se débarrasser des scories. Au-dessus du film, au moins 10 cm de retombées nocives, forgées à grands coups de superlatifs et de débordements. Il faut déblayer. Parce qu’il faut être juste.
Être juste devant J’ai tué ma mère, premier long par trois primé lors de la dernière Quinzaine des réalisateurs, c’est tenter de voir l’objet le plus nettement possible, refuser d’entendre les trompettes de la renommée sans non plus céder à l’envie malsaine de faire du film un bouc émissaire. Alors, il faut reconnaître. La maturité étonnante d’une jeune homme de 20 ans d’abord, qui a su dompter la bête journalistique avec sagacité. Son talent certain aussi à écrire des dialogues qui sonnent justes, qui ne ratent jamais la cible, qui s’emplissent habilement de non-dits pour peser encore davantage. Et encore son pouvoir de conviction : avoir réussi à faire embarquer Anne Dorval dans ce projet un peu fou, l’avoir poussée sur les chemins du doux-amer comme pour encore mieux la révéler, ce n’était pas à la portée du premier venu. Drôle, émouvante, inattendue, c’est à elle d’ailleurs qu’il a réservé un morceau de choix : maman au bout du rouleau, méprisée par son fils, elle explose dans la dernière bobine. Là encore, les dialogues savent révéler beaucoup plus qu’ils ne disent : la mère craque, le volcan explose sous la pression, la rage est pure.
Mais il faut aussi regarder le reste. Ce qui bloque. Ce qui fait barrage à un vrai enthousiasme. Les références (Wong Kar-wai, Truffaut, Pierre et Gilles, Musset, Maupassant, Cocteau…après la mère, il lui faudra aussi accepter de tuer les pères) et le symbolisme (une vitre explose quand le monde du jeune homme s’écroule!) écrasants et malhabiles. Le scénario de court-métrage étiré en boucle qui répète ad nauseam une scène séminale alors que rien ne ressemble plus à une engueulade avec maman qu’une autre engueulade avec maman. Le récit enfermé sur lui-même qui refuse toute prise directe avec le monde qui l’entoure. Pas de sous-texte, pas de hors-champ dans J’ai tué ma mère, le bobo qu’on gratte jusqu’à l’écoeurement envahit tout l’écran. Mais aussi, et surtout, cette mise en scène faisant du sempiternel ralenti une arme bien lourde, accumulant les cadrages spécieux et les effets de style maniérés, rythmée au petit bonheur la chance par un montage sec et baignant dans une photographie terne et granuleuse nuisant sérieusement au charme de l’entreprise.
Non, J’ai tué ma mère n’est pas un chef d’œuvre. Les trompettes de la renommée ont rugi trop vite. Car si le premier long de Xavier Dolan est certes un bel exercice d’écriture, il nous montre aussi à voir un cinéaste en train de faire ses armes de metteur en scène. Et quand le chemin est encore long, rien ne sert de courir….

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