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A quoi sert ce fichu parlement ?

Publié le 05 juin 2009 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Le Parlement Européen « pour les Nuls » (lol) et appel au vote

par Patricia RUELLEUX,

Présidente des Jeunes Européens-Strasbourg

Le Parlement Européen a du pouvoir, n’en déplaise à ceux qui veulent nous faire croire le contraire. Evidemment, sa place au sein de l’Union Européenne reste mystérieuse tant le processus institutionnel paraît éloigné de celui que nous connaissons chez nous. En France, c’est bien simple : nous avons un pouvoir exécutif (le Président de la République et le Gouvernement), un pouvoir législatif (l’Assemblée Nationale et le Sénat) et un pouvoir judiciaire (représenté par le Conseil Constitutionnel qui contrôle la conformité des lois à la Constitution). Bref, ici, quand on élit un député, on sait qu’il va aller à Paris à l’Assemblée Nationale pour voter des lois qu’il aura lui-même proposées ou qui lui auront été soumises par le Premier Ministre.

Qu’en est-il du député européen ?

C’est (presque) la même chose. Le député européen, en effet, va lui aussi voter des textes qui seront ensuite mis en œuvre par le pouvoir exécutif, c’est-à-dire par la Commission Européenne. Comme en France aussi, le pouvoir exécutif propose des textes qui sont soumis au vote d’un Parlement. La singularité européenne tient au fait que le Parlement Européen n’est pas seul pour voter les textes : il partage ce pouvoir avec le Conseil Européen. Aie… ça se complique, trois institutions ont déjà été présentées (Commission, Parlement et Conseil), et le rôle de la Cour de Justice des Communautés Européennes n’a pas encore été évoqué… Elle représente le pouvoir judiciaire dans l’Union Européenne, tout simplement.

Revenons à notre Parlement Européen. Sa compétence législative est donc partagée avec le Conseil et, contrairement à notre Parlement à nous, il n’a pas de pouvoir d’initiative ; en clair : il a seulement le droit de voter. Doit-on en déduire que ses pouvoirs sont réduits à peau de chagrin ? Certainement pas. Commençons par rappeler que ses votes, bien que partagés, sont déterminants pour nous Européens et pour nous Français : ainsi, 60% des lois françaises ne font que transposer des textes européens !

Soyons honnêtes, ce qui nous perturbe dans le fonctionnement de l’Union Européenne, c’est la place du Conseil. Composé des ministres de chaque Etat-membre (ou de leurs représentants), il ressemble bel et bien à un ovni réunissant tous les exécutifs d’Europe, lesquels sont soupçonnés de faire pression sur notre Parlement Européen. Pas du tout. Démonstration en deux temps…

Le poids du Parlement Européen dans la procédure budgétaire est en effet plus lourd que celui du Conseil. Le budget européen présente la particularité d’être partagé entre des dépenses obligatoires et des dépenses non obligatoires. Les dépenses obligatoires sont « les dépenses découlant obligatoirement du traité ou des actes arrêtés en vertu de celui-ci » (art. 272 du TCE). Jusqu’à peu encore, ces dépenses représentaient la majorité du budget, et en effet, le Conseil a eu un pouvoir plus important que celui du Parlement puisque seul le Conseil pouvait amender ou modifier la répartition de ces dépenses, en augmenter le volume dans certaines limites et avoir le dernier mot au moment du vote. Le Parlement Européen disposait de ces mêmes facultés, mais uniquement sur les dépenses non obligatoires. Ces dernières représentaient 4% du budget en 1970. Elles représentent aujourd’hui 75% du budget ! Ce changement d’échelle s’explique par la montée en puissance des politiques européennes : fonds structurels, énergie, transports, recherche, aide au développement, environnement, éducation, culture, justice et affaires intérieures, politique étrangère et de sécurité commune…etc.

De même, sur la procédure législative ordinaire, hors budget, le Parlement Européen se situe à égalité avec le Conseil. Là encore, les traités ont à l’origine conféré un pouvoir plus important au Conseil, cantonnant le Parlement Européen à un rôle purement consultatif. La procédure dite de codécision, créée par le Traité de Maastricht en 1992, a complètement renversé cette approche. Ainsi, en soumettant des domaines de plus en plus nombreux et de plus en plus décisifs à la codécision, les traités ont transformé le Parlement Européen en véritable co-législateur. Au même niveau donc que le Conseil. Ainsi, le Parlement Européen est amené à se prononcer sur des domaines aussi stratégiques et sensibles que la coopération judiciaire en matière civile et l’harmonisation des visas. De même, ayons en tête que le Parlement Européen fait partie des acteurs qui participeront aux nouvellesdécisions en matière de lutte contre la pauvreté, d’accès aux ressources énergétiques et de façon plus large en matière de développement durable.

Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus du pouvoir du Parlement Européen, ajoutons qu’il dispose de réels pouvoirs de pression politique sur la Commission. Le dépôt de sept motions de censure fin 1998/début 1999 ont finalementprovoqué la démission de la Commission Santer. L’enjeu portait alors sur l’attitude à adopter par rapport aux conclusions d’une commission d’enquête sur l’encéphalopathie spongiforme bovine.

Voilà pour la description technique des pouvoirs du Parlement Européen. Aussi vraie soit-elle, on convient que celle-ci ne peut à elle-seule éveiller la fibre européenne qui sommeille en chacun de nous. Cette mission appartient en priorité à ceux qui font l’Europe : nos députés européens ! La prochaine mandature doit être celle qui rapproche l’Europe de ses concitoyens. Tout est question de volonté, tout est question de démarche, à initier…

Le député européen doit d’abord être fier de son mandat ;il est encore utile de le répéter à certains de nos candidats français, no comment. Chers futurs députés européens, rappelez à vos collègues nationaux de l’Assemblée qu’ils ne font que transposer les textes que vous aurez votés…. Renversez la tendance ! Le député européen doit aussi faire œuvre de pédagogie : expliquez-nous ce que vous faites ! Sollicitez les médias et ne les lâchez plus : radio, télé, Internet, prouvez-leur que vous êtes incontournables ! Rendez-nous par la même occasion l’Europe plus festive : organisez ou participez aux événements culturels ou sportifs dont nous raffolons tous… Enfin, rendez- nous l’Europe plus démocratique encore en vous battant pour que le Parlement Européen consolide ses pouvoirs et en acquiert de nouveaux !

Ça fait beaucoup ? Oui et non… Mais vous avez raison, vous n’êtes pas les seuls à avoir des responsabilités. La première des responsabilités incombe aux citoyens : le droit de vote est un de nos droits fondamentaux, il nous appartient de ne pas nous-mêmes l’enterrer. Et nous enterrer par la même occasion…


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