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Mouvement Démocrate et François Bayrou : apprendre de ses erreurs ou disparaître

Publié le 08 juin 2009 par Soseki

Voici à chaud quelques éléments de réflexion sur les résultats de ces élections européennes. Ces réflexions seront suivies, dès qu’elles existeront, d’une analyse des statistiques sur les votes. Il faudra notamment connaître l’évolution sociologique des électeurs de Bayrou 2008 et MoDem des européennes, la sociologie des électeurs de DCB, et celle de l’abstention (60 % des Français, chiffre proche de Européens). Nous pourrons tous ainsi confronter nos analyses, ce qui nous permettra de mieux comprendre et donner des pistes d’évolutions. J’entends depuis le soir des élections des militants MoDem dépités, normal après un échec, et vindicatif sur la stratégie du MoDem, « l’omniprésence » de François Bayrou et sa surexposition médiatique. Les jeunes se montraient notamment très durs et je crois qu’il est nécessaire de prendre de la distance afin de mieux comprendre la situation pour en tirer les enseignements.

Le Contexte
Il y a d’après moi deux facteurs importants, latents, dans le contexte général de ces élections :
- Européens en général, et Français en particuliers, subissent une crise économique et sociale sans précédent depuis celle de l’entre deux guerres mondiales… Explosion du chômage, retour important de la délinquance, remise en cause de la dérégulation de nos économies et de nos Etats, désindustrialisation et pertes de savoirs, pertes de repères des anciens critères politiques
- Ecologique : les pollutions croissent fortement, réchauffement planétaire, disparitions d’animaux donc affaiblissement de la biodiversité, baisse des ressources énergétiques fossiles et augmentation corrélée de leurs coûts, augmentation des maladies liées aux pollutions (cancers, allergies, etc.), impacts non maîtrisés de la nourriture industrielle, pollution et réduction des ressources du fait d’une économie agricole productiviste

La stratégie de F. Bayrou et du Modem
Je lie les 2 parce qu’ils sont radicalement liés. C’est aussi l’un des problèmes des Démocrates. En effet, l’expression du MoDem est vampirisée par celle de FB. C.à.d. qu’il y a un manque de diversité de la parole MoDem et une surexposition de FB. La stratégie est aisée à comprendre : être la 3è formation, devenir l’alternative démocrate à la réponse socialiste de la gauche.
Il y avait deux axes dans la stratégie des Démocrates :
- combattre la droite néolibérale de l’UMP et de N. Sarkozy avec FB
- mener les valeurs démocrates par les candidats des listes MoDem

A entendre chacun, la forte responsabilité du mauvais score du MoDem appartient à FB. Sans doute, à court terme, comme pour vider les ressentiments, il pourrait y avoir comme une curée anti FB. C’est habituel dans ce genre de situation, cela peut faire du bien pour apprendre et élargir l’expression du MoDem, cela peut être dangereux voire suicidaire de rester sur l’échec et faire payer excessivement et inutilement à celui qui a permis la création d’un parti démocrate.

Je vais sans doute vous surprendre, mais la stratégie était pour moi la bonne.
Mais elle a été mal employée, je m’explique :

1. La crise que tout le monde vie est due aux errements de politiques de droite ayant versée dans le courant néolibérale : dérégulation, désétatisation, politique fiscale protégeant les hauts revenus, etc.
Il fallait donc lier critique de cette politique néolibérale, incarnée, qu’on le veuille ou non, par N. Sarkozy (baisse de la fiscalité pour les transferts de patrimoine, baisse des impôts pour les plus gros revenus, disparition de règles pour la distribution, dépénalisation de la délinquance financière, désindustrialisation de l’économie pour une économie financière, etc.) et enjeux européens.
Or, la critique de FB ne s’est pas portée sur ces aspects mais sur l’affaissement de la démocratie par N. Sarkozy, il ne s’est occupé que de l’aspect néoconservateur et non du néolibéralisme. Son axe était « l’humanisme »…
Ce qui explique ce raté c’est que le vécu des Français de la crise c’est la conscience des conséquences sociales et non démocratiques. L’affaiblissement de la démocratie n’est pas un enjeu, pour l’instant, pour eux.
N. Sarkozy l’avait, lui, compris. Ce qui explique que sa stratégie a été de baser la campagne de l’UMP sur sa conduite de la présidence européenne : sa conduite de l’Europe pendant la crise !
Il faut comprendre que l’humanisme, c’est une philosophie… et ça ne nourrit pas les Français !
Les socialistes sont en très fortes régression, continuant d’ailleurs sur la pente de l’affaissement, du fait de leur inutilité liée à l’imposture du ministère de la parole. Cela non plus ne nourrit pas les Français mais décrédibilise les socialistes. Ce n’est pas le chemin que doivent suivre FB et le MoDem.

Voilà pourquoi, comme l’expliquait S. Pierre-Brossolette dans Le Point, « il a tué la campagne des européennes » afin que les enjeux européens ne soient pas abordés, la responsabilité de la politique néolibérale mise en cause, et les divisions de l’UMP sur ces questions et ambitions des uns et des autres exposées.
C’est à cette stratégie qu’il fallait répondre, FB en avait pris la direction, mais il est resté parallèle au chemin emprunté par N. Sarkozy et l’UMP…

 2. Nous n’avons pas entendu le MoDem (j’entends par là FB et souvent les candidats) mettre en avant les valeurs politiques des Démocrates : sociale économie, Europe, écologie. Nous eussions ainsi répondu aux préoccupations des Français, mieux été identifiés et alors représentés une alternative crédible et intéressante.
La sociale économie parle de régulation, de l’Etat, de la réindustrialisation, de l’accroissement des savoirs, du désendettement. Je regrette que l’on n’ait plus entendu J. Peyrelevade alors que la politique économique est un des enjeux majeurs écartés par l’UMP, et ignoré par le PS.
L’Europe est une valeur fondatrice aussi des Démocrate : mise en place d’une politique économique européenne, cohésion fiscale, cadre social, audace environnementale. « Nous l’Europe » était un excellent titre de campagne, je regrette que le fond et le discours l’aient si peu incarné. Je le regrette d’autant plus que la qualité des candidats MoDem était supérieure aux autres : un beau gâchis… Permettant aux encasernés du Nouveau Centre de pavoiser alors que tous les journalistes, à présent, classent leur existence et résultat dans « la droite ». C’est cela, le « nouveau centre » ???
L’écologie est la troisième valeur fondatrice des Démocrates. Le Mouvement Démocrate portait d’ailleurs des écologistes reconnus et respectés. Or, le MoDem ne les a pas mis en avant sur ce plan : grave erreur tactique. D’autant plus que c’est faire oublier ce qui constitue l’identité du MoDem ! DCB aurait connu un champ particulièrement restreint si les candidats MoDem s’étaient emparés de ce sujet. Ne pas le faire est une faute…
Je suis persuadé que, lorsque nous aurons les statistiques de l’électorat DCB, nous y verrons une très forte similarité avec celle du MoDem.
A force de se cantonner à une précampagne des présidentielles, nous nous limitons à une personnalisation asphyxiante du MoDem avec FB, et empêchons de montrer le courant politique que nous sommes, les Démocrates, et qu’alors seulement FB incarne et doit jouer son rôle…

3. La stratégie de communication a été mauvaise, l’échec lui est grandement lié. La TV représente essentiellement le message perçu par les électeurs. Les tractage, boîtages, réunions publiques, ont un impact toujours décroissant. C’est ainsi, et j’en suis désolé en pensant au dévouement des militants. Mais que ceux-ci sachent aussi que sans eux, c’est la dissémination de la parole Démocrate, telles les abeilles répandant le pollen, source de vie, qui disparaîtrait…
La surexposition médiatique de FB a permis à un DCB de parler « d’omni président » et « d’omni opposant ». Je le regrette pour FB qui a vu ainsi son message caricaturée et simplifiée, devenue ainsi simpliste. Mais cette surexposition a asphyxié l’expression du MoDem, rendu le message européen inintelligible pour les Français.
L’addition de l’émission politique sur France 2 jeudi soir ratée + la soirée écologique du vendredi (Arthus Bertrand affirmant son choix électoral Verts) ont fait perdre 4 points au MoDem.
Pourquoi ? Parce que son électorat est nouveau et n’a pas été arrimé par la mise en avant des valeurs fondatrices du MoDem (sociale économie, Europe, écologie). Cet électorat fluctue donc avec d’autres expressions « modernes » de la gauche, telle celle qu’a pu représenter DCB.
Cette addition TV + l’absence de message Démocrate pour le combat humaniste de FB ont fait trébucher le MoDem.

Conséquences

Nous allons connaître en interne au MoDem une critique vive contre FB. Il serait préférable que cela soit de court terme car ce serait oublier qu’il incarne le MoDem en tant qu’homme politique national reconnu et peut lui permettre d’être au 2d tour des présidentielles, sachant qu’il reste le seul capable de battre un N. Sarkozy.
Un reflux de militants, de sympathisants, est à prévoir Le danger est la perte d’audience dans les médias, déjà faible, et surtout la perte de crédibilité du MoDem et de FB, façon socialiste.
De plus, Barroso est tranquille, les conservateurs sont partout (ou presque), victorieux en Europe. L’on verra la droite suivre son courant néolibérale ou changer de direction : suivre son penchant ou trouver une nouvelle donne, à voir…
Surtout, DCB a fait exploser les voix des Verts. Or, cette augmentation est stérile : DCB repart à Bruxelles et ne s’intéresse pas à la vie de ce parti qu’il n’apprécie pas. On oublie que les Verts français restent opaques entre gauchisme et évolution démocrate : c’est à cause de cela que des C. Lepage, J-L Benhamias et Y. Wehrling les ont quittés pour le MoDem.
Après le hold-up électoral de DCB, les Verts se retrouvent avec leur audience habituelle : tenter d’atteindre les 5 %… Les électeurs de DCB se retrouvent ainsi avec un score qui ne servira à rien… Car en réalité, ce score est celui de DCB et non celui des Verts !
Enfin, le score extraordinaire de l’abstention (60 %) nécessite de comprendre sa sociologie : qui ne veut pas voter ? Car si l’analyse de la sociologie électorale des abstentionnistes, électeurs MoDem et de DCB n’apportent pas de réponses politiques en tant que telles, elle permet par contre de comprendre les questions de ces électorats.

Les réponses possibles

1. La gauche ancienne, archaïque, s’effondre : PS et PC sont, d’après moi, durablement décrédibilisés. Son langage de « reconstruction », « rénovation », est celui des communistes pour trouver les mots habillant leur convoi funéraire.
Les modernes
(écologistes et démocrates) ont progressé mais ils sont ballotés entre plusieurs expressions politiques : DCB, MoDem. Celle qui sera la plus claire et la plus charpentée a le plus d’avenir.

2. Le MoDem deviendra crédible en se basant et en parlant de ses valeurs le constituant, afin de mieux l’identifier : sociale économie, Europe, écologie. Le fonds est là, les personnes sont là : il est temps de les mettre en avant… La personnalisation doit laisser la place à l’expression du courant Démocrate pour valider une alternative Démocrate aux socialistes à gauche.
Il s’agit donc moins à présent d’une personne mais d’une expression politique. C’est cela qui doit appeler à une réflexion forte FB et le MoDem ! Si l’expression de la pluralité de personnalités ne transparaît pas, alors l’expression seule d’un FB sera insatisfaisante pour les Français, comme N. Sarkozy sait faire parler d’autres personnalités (Borloo, Bertrand, Fillon, Morin, etc…) pour ajouter à son poids.
Or, ces personnalités existent au MoDem : Corinne Lepage, Jean-François Kahn, J-L Benhamias, Rodolphe Thomas, Yann Wehrling, Marielle de Sarnez, etc…

3. La communication du MoDem doit se crédibiliser. Il faut accepter le poids de la télévision, la force des médias liés à N. Sarkozy. Il est d’après moi vital que le MoDem se dote d’un canal d’expression pour créer un autre son auprès des Français. Il faut donc « professionnaliser » le MoDem pour son expression, ses analyses sociologiques et sa pluralité.

4. Enfin, la création d’une organisation faisant le lien avec les branches professionnelles est indispensable. Elle permettrait une écoute permanente du MoDem sur les enjeux économiques et sociaux et la diffusion de la pensée démocrate.

Il y a donc beaucoup de travail à faire pour le MoDem et François Bayrou. Si l’on peut imaginer qu’il y a un socle minimal de 8 % pour ce mouvement, il serait impensable de s’en satisfaire pour tutoyer les sommets présidentiels. Affermir le Mouvement Démocrate est incontournable.
Observons les mesures à venir…


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