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“Le manque d’idées des partis politiques met en lumière la crise de la démocratie européenne”

Publié le 08 juin 2009 par Delits

8 juin 2009 • Imprimer cet article Imprimer cet article • Envoyer Envoyer

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Au lendemain des élections européennes, Christophe Barbier, Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire l’Express a accepté de revenir pour Délits d’Opinion sur les principaux enseignements de ce scrutin. Si l’abstention est le grand vainqueur de ces élections, les électeurs ont délaissé une élection encore trop éloignée de leurs priorités.

Délits d’Opinion : Entre l’abstention, l’effondrement socialiste, la poussé verte, le bon score du parti présidentiel et de ses alliés et la déroute du Modem, quel est le message qui résonne le plus fort ce matin ?

Christophe Barbier : C’est avant tout l’abstention qui l’emporte, car la faible mobilisation des électeurs relativise l’ensemble des autres enseignements. En effet, l’abstention témoigne de la persistance de la  crise de la démocratie européenne. L’Europe n’a pas réussi à prouver que cette élection comportait de véritables enjeux et les électeurs se sont donc naturellement détournés de ce scrutin.

Un seul de ces enjeux, la mobilisation pour protéger l’environnement, a su trouver écho à travers la liste Europe Ecologie. En quelque sorte, les électeurs ont envoyé aux dirigeants européens, en votant pour cette liste, un message d’angoisse planétaire et d’urgence écologique. Ces électeurs ont profité du scrutin européen pour manifester un besoin d’écologie en Europe et au-delà.

Délits d’Opinion : Le bon score de l’UMP-Nouveau Centre est-il est-il un satisfecit envers la politique de réforme menée par le Président Sarkozy ?

Christophe Barbier : Si le résultat d’hier soir est indéniablement une victoire politique pour l’UMP et le Nouveau Centre, il faut relativiser ce succès. 11,4 millions de personnes avaient voté pour Nicolas Sarkozy lors de l’élection présidentielle de 2007, et hier, les listes UMP-NC ont recueilli 4,8 millions de suffrages. Le mécontentement social contre la politique du gouvernement et le scepticisme quant au style présidentiel sont donc encore présents. Le score de l’UMP-Nouveau Centre n’est donc en rien un blanc-seing donné à Nicolas Sarkozy et à sa politique.

Mais ce succès donne une certaine marge de manœuvre au président, qui s’il effectue un remaniement audacieux, pourrait bénéficier d’une plus grande latitude dans son action. Le principal message envoyé à Nicolas Sarkozy par les électeurs est la validation d’une stratégie d’ouverture au-delà de l’UMP, qui lui permet de séduire au-delà de son propre parti.

Délits d’Opinion : Le PS a une nouvelle fois déçu son électorat. Cette nouvelle déconvenue annonce-t-elle une énième guerre des egos rue de Solferino ?

Christophe Barbier : La crise de leadership n’a pas été réglée. On a pu observer à quel point le PS a manqué d’idées et de propositions au cours de cette compétition électorale. La formation n’a pas su aller au-delà de l’anti-sarkozysme pour proposer un vrai programme alternatif. La bataille du leadership a obscurci tout le reste.

Si le PS veut avoir une chance de gagner les échéances électorales de 2012, il doit se concentrer sur les idées. C’est uniquement ensuite, au cours de la campagne, qu’un leader devrait naturellement émerger, comme cela a été le cas en 2006 avec Ségolène Royal.

Délits d’Opinion : Europe Ecologie est la grande révélation de ce scrutin. Comment la liste emmenée par Daniel Cohn-Bendit peut-elle profiter de ce succès pour imposer ses idées au niveau national ?

Christophe Barbier : Il risque d’être très compliqué pour Europe Ecologie de transformer l’essai au niveau national. En effet, le parti n’a pas de véritable leader pour incarner son projet : Daniel Cohn-Bendit ne peut pas être candidat à l’élection présidentielle et ni José Bové ni une autre tête de liste Verte ne semblent en mesure de réaliser 16% en 2012. En revanche, les élections régionales de 2010 pourraient être une occasion de faire fructifier l’excellent score des européennes. Europe Ecologie est aujourd’hui en mesure de négocier des accords d’alliance très favorables avec le PS, mais surtout, a la possibilité d’infléchir fortement le programme socialiste pour 2012 en le rendant plus “vert”.

Délits d’Opinion : Le MoDem et son leader, François Bayrou pourront-il se relever après une telle claque électorale ?

Christophe Barbier : En cherchant sans cesse l’opposition homme contre homme, que ce soit contre Nicolas Sarkozy ou Daniel Cohn-Bendit, François Bayrou et le MoDem ont commis une véritable erreur stratégique. Erreur d’autant plus grave qu’elle a été commise par un parti historiquement “européen”.

François Bayrou doit comprendre que pour les Français, les idées, qui doivent améliorer le quotidien des citoyens, sont primordiales au cours d’une élection. Le terrain des principes et des valeurs que n’a cessé de labourer Bayrou ne saurait être suffisant. Il est crucial que le président du MoDem se mette au travail avec ses équipes pour faire émerger un “programme Bayrou” en vue de 2012.

 Propos recueillis par Raphaël Leclerc.


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