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Collectif Respect: chassé de rétention, il revient hanter les zones d’attente

Publié le 09 juin 2009 par Combatsdh

Au JORF de ce jour, deux nouvelles associations, qui jusqu’à une période récente, ne se souciaient pas de la protection des étrangers aux frontières, sont habilitées par arrêté du ministre de l’Immigration à visiter les zones d’attente.

Je vous laisse les découvrir.

Un topo ci-dessous sur le processus d’habilitation des associations en zone d’attente.

photo_1241948975249-1-0.1244533715.jpgcabines téléphoniques de la Zapi 3 à Roissy (DR)

“Arrêté du 27 mai 2009 fixant la liste des associations humanitaires habilitées à proposer des représentants en vue d’accéder en zone d’attente

NOR: IMIK0912271A
Le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire,
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment ses articles L. 223-1, R. 223-1 à R. 223-14 ;
Vu le décret n° 2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement ;
Vu l’arrêté du 30 mai 2006 fixant la liste des associations humanitaires habilitées à proposer des représentants en vue d’accéder en zone d’attente,
Arrête :
Article 1
Sont habilitées à proposer des représentants en vue d’accéder en zone d’attente les associations humanitaires suivantes :
Accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR) ;
Amnesty International France ;
L’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) ;
La Cimade, service œcuménique d’entraide ;
La Croix-Rouge française ;
France Terre d’asile ;
Forum réfugiés ;
Groupe accueil et solidarité (GAS) ;
Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) ;
La Ligue des droits de l’homme ;
Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) ;
Médecins sans frontières (MSF) ;
Médecins du monde ; (…)

pour découvrir les deux nouveaux venus cliquez:

(…)

“Collectif respect ;
Ordre de Malte, œuvres hospitalières françaises.

Cette habilitation est valable pour une durée de trois ans à compter de la publication du présent arrêté.

Article 2

Le directeur de l’immigration et le directeur central de la police aux frontières sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 27 mai 2009.

Compte tenu du nombre d’associations membres de l’Anafé et des 13 associations qui étaient d’ores et déjà habilitées à visiter la zone d’attente, l’argument du “monopole” et de la “diversité” opposé depuis août 2008 par le ministère de l’Immigration à la présence de la Cimade en rétention ne vaut pas. De même, l’assistance juridique de l’Anafé en Zapi 3 est à titre gratuit. Ce n’est pas une activité économique s’inscrivant dans le cadre d’un marché de prestation d’information juridique passé par l’Etat. L’Anafé réalise sa mission sociale, sur la base d’une convention avec le ministère et est libre d’organiser sa présence en zone d’attente selon ses propres priorités.

Mais en admettant de telles associations dans la liste des personnes morales habilitées, par ailleurs candidates au marché de la rétention en concurrence à la Cimade (seule l’Assfam manque), on construit progressivement à leur égard une légitimité et une crédibilité en la matière au cas où… Car, de la même manière que les rapports annuels de la Cimade agaçaient l’ancien ministre de l’Immigration, ceux de l’Anafé ne plaisent guère à l’actuel et il le fait savoir par communiqué .

— —

Voici un topo sur l’intervention des associations en zone d’attente (à partir de l’étude du dictionnaire permanent droit des étrangers). 

Une zone d’attente est un périmètre se situant aux frontières françaises délimité par l’autorité administrative compétente qui s’étend des points d’embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. Elle peut inclure, sur l’emprise, ou à proximité, de la gare, du port ou de l’aéroport ou à proximité du lieu de débarquement, un ou plusieurs lieux d’hébergement assurant aux étrangers concernés des « prestations de type hôtelier ». La zone d’attente s’étend, sans qu’il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l’étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale (art. L. 221-2, CESEDA ) - par exemple pour les étrangers maintenus dans la zone d’attente des personnes en instance (ZAPI 3) de Roissy, le TGI de Bobigny, le TA de Paris ou encore l’hôpital Ballanger d’Aulnay.

Tout étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l’asile, peut être maintenu dans une zone d’attente, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s’il est demandeur d’asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée (C. étrangers, art. L. 221-1, al. 1er).

Depuis la création des zones d’attente en 1992, suite à différentes procédures judiciaires développées par les associations membres de l’Association nationale d’assistance aux frontières des étrangers (Anafé), le gouvernement a reconnu le droit pour des associations d’effectuer des visites en zone d’attente.

Deux systèmes de présence sont prévus :  le mécanisme conventionnel et les visites réglementaires.

Le système conventionnel d’assistance en Zapi 3.

A titre expérimental, en 2003-2004, à la suite de la fermeture du centre de Sangatte et de diverses affaires s’étant déroulées à Roissy, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a permis à la Croix rouge française et à l’Anafé d’avoir un bureau permanent dans la Zapi 3 (voir le récit d’Anne de Loisy, Bienvenue en france!, Cherche midi, coll. doc., 2005).

Depuis le 6 octobre 2003, la CRF est chargée de l’assistance humanitaire.

Depuis le 5 mars 2004, l’Anafé est chargée de l’assistance juridique. Cette dernière bénéficie pour cela d’une convention régulièrement renouvelée depuis.

Il ne s’agit pas d’une activité économique puisqu’il n’y a, pour l’Anafé aucune contre partie financière versée par le ministère et que l’Anafé n’a aucune obligation et ne doit réaliser aucune prestation. Elle bénéficie juste d’un accès permanent en Zapi 3 pour mener ses activités d’assistance des étrangers conformément à son objet social.

L’Anafé a été successivement présidée par François Julien-Laferrière, Hélène Gacon et aujourd’hui Jean-Eric Malabre.

Parallèlement au système d’assistance juridique conventionnel, il existe un système réglementaire de visites par des associations habilitées.

hc_anafe200905_titecouv-a67a8.1244533747.jpg

Le système réglementaire de visites associatives

C’est un décret du 2 mai 1995, complété par les décrets no 98-510 du 17 juin 1998 et no 2005-617 du 30 mai 2005 (codifié aux art. R. 223-1 et R. 223-8 à R. 223-14 du CESEDA) qui organise ce système d’habilitations ministérielles accordées à des associations  pour visiter ponctuellement les zones d’attente sur l’ensemble du territoire français.

Les modalités pour obtenir ces habilitations sont les suivantes:

- existence depuis cinq années au moins,

- objet visant à l’aide ou l’assistance aux étrangers, la défense des droits de l’homme ou l’assistance médicale ou social (Article R223-8).

L’habilitation est conférée par le ministère de l’immigration pour une durée de trois ans renouvelable.

Elle est concrétisée par la délivrance d’une carte nominative à dix membres au plus proposés par chacune des associations (par exemple, je bénéficie d’une carte au titre du Gisti avec le logo du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire…).

Tout refus ou retrait doit être motivé.

Les visites étaient auparavant limitées de telle sorte que les associations ont souvent critiqué le rôle illusoire qui leur était ainsi reconnu : huit visites par an et par zone d’attente, effectuées à chaque fois pas deux représentants au plus, selon une autorisation préalable et entre huit et vingt heures.Depuis le décret du 30 mai 2005, les agréments subsistent mais les conditions de visite se sont très nettement assouplies puisque les associations peuvent accéder à tout moment en zone d’attente sans autorisation préalable (et donc de facto le R223-11 devrait être abrogé).

Au cours des visites, les représentants des associations peuvent s’entretenir confidentiellement avec les étrangers maintenus en zone d’attente, de même qu’avec les représentants de l’Ofpra. Par ailleurs, il est désormais prévu que le droit d’accès des associations « doit s’exercer dans le respect des opinions politiques, philosophiques ou religieuses des étrangers maintenus » (art. R. 223-1 CESEDA ).

Une réunion annuelle portant sur le fonctionnement de la zone d’attente est tenue à l’initiative du ministère de l’immigration, en présence de tous les services présents en zone d’attente (police aux frontières, Ofpra, service médical…). Elle donne lieu à un compte-rendu établi conjointement et rendu public (art. R.223-7 CESEDA ).

Les associations visiteuses n’ont  pas à se substituer aux missions d’assistance juridique et matérielle assurées par l’Anafé, la CRF et l’administration mais elles ont un rôle d’observateur ( CE, 3 oct. 1997, n°170527, Anafé), sans assurer pour autant une présence permanente (CE, 30 juill. 2003, no 247940, Syndicat des avocats de France et n°248084, Ordre des avocats à la cour d’appel de Paris).

Les parlementaires et le HCR ont aussi accès aux zones d’attente, tout comme le CGLPL ou encore, par exemple, le CPT ou le commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Associations habilitées

13 associations étaient habilitées ( Arr. 30 mai 2006, JO, 3 juin) jusqu’à l’intervention de l’arrêté publié ce jour qui porte donc à 15 ce nombre en ajoutant le Collectif Respect et l’Ordre de Malte.

Il s’agit:

- Accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR)

- Amnesty international, section française

- Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé)

- Cimade

- Croix-Rouge française

- France Terre d’asile

- Forum réfugiés

- Groupe accueil et solidarité (GAS)

- Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti)

- Ligue des droits de l’homme

- Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)

- Médecins sans frontières

- Médecins du monde

La majeure partie de ces associations - hormis la Croix rouge française - organisent les visites sous la houlette de l’Anafé (dont elles sont la plupart membres) afin de coordonner leurs visites. Néanmoins, il n’est pas possible d’organiser une visite avec des membres de deux organisations différentes (par exemple avec un membre de l’Anafé et un membre d’une autre association).

De longs contentieux pour obtenir ces habilitations

Mais l’obtention de ces habilitations n’a pas été chose aisée. Ainsi, à la suite de la publication du décret du 2 mai 1995, le ministère de l’Intérieur avait entendu limiter quantitativement le nombre d’associations habilitées. Il avait donc opposé des refus d’habilitation. Le Conseil d’Etat a constamment considéré que le critère quantitatif n’était pas opposable. S

Pourtant, il a fallu près de 10 ans de contentieux au Gisti (demande en 1998), dont il est vrai la crédibilité en droit des étrangers est faible pour certains ministres, pour obtenir son agrément.

  • CE, 6 nov. 2000, no 214512, MRAP:

” Considérant que la circonstance que le MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES est membre d’une association - l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers - elle-même habilitée au même titre, invoquée par le ministre de l’intérieur devant le Conseil d’Etat, n’était pas au nombre des motifs mentionnés dans la décision attaquée ; qu’elle ne peut, dès lors, en tout état de cause, être utilement invoquée par le ministre à l’appui de ses conclusions tendant au rejet de la requête ;

Considérant que s’il appartient au ministre de l’intérieur de veiller à ce que l’accès des associations humanitaires habilitées n’entrave pas, selon les termes de l’article 1er du décret précité du 2 mai 1995, “le fonctionnement de la zone d’attente et les activités qu’y exercent les services de l’Etat, les entreprises de transport et les exploitants d’infrastructures”, il ne ressort pas des pièces du dossier que le nombre total de visites qu’aurait permises l’habilitation d’une septième association humanitaire aurait été de nature à compromettre le respect de cette exigence ; que le ministre n’apporte aucune précision de nature à identifier les motifs propres au MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES justifiant que soit écartée la demande de cette association, dont un premier refus d’habilitation en 1995 avait d’ailleurs été annulé pour erreur de droit ; que, dans ces conditions, la décision attaquée doit, dans les circonstances de l’espèce, être regardée comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; que l’association requérante est, dès lors, fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de cette décision”

  • CE, 6 avr. 2001, no 202998, CRARDDA
  • CE, 28 déc. 2001, no 233680, Association Amnesty international, groupe 151
  • CE, 3 juin 2002, no 227020 , Association d’Accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France
  • CE, 30 déc. 2003, no 251005, ACAT.

Un arrêté d’habilitation a été pris en faveur du MRAP et le CRARDDA, devenu depuis lors Forum réfugiés (Arr. 29 janv. 2001, NOR : INTD0100084A : JO, 28 oct.).

  • Dernière vague d’habilitation:

- CE, 28 déc. 2005, no 251504 , APSR

- CE, 28 déc. 2005, no 251790, Assoc. Groupe accueil solidarité

- CE, 28 déc. 2005, no 251422, LDH

- CE, 28 déc. 2005, no 240538, Médecins du monde

- CE, 28 déc. 2005, no 253801, Gisti

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 3 février 2003, l’ordonnance en date du 24 janvier 2003 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée par le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) devant ce tribunal ;

Vu la demande, enregistrée le 18 mars 1999 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, dont le siège est 3 Villa Marcès à Paris (75001), représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; l’association susvisée demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre de l’intérieur en date du 22 septembre 1998 rejetant sa demande d’habilitation en vue d’être autorisée à accéder aux zones d’attente ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le décret n° 95-507 du 2 mai 1995 modifié par le décret n° 98-510 du 17 juin 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
(…)
Considérant que la décision du ministre de l’intérieur en date du 22 septembre 1998, rejetant la demande présentée par l’association requérante en vue d’être habilitée à accéder aux zones d’attente dans les conditions fixées par le décret du 2 mai 1995, est motivée exclusivement par le fait que le nombre de six associations habilitées le 19 août 1998 permet, compte tenu de l’augmentation du nombre de visites autorisées par le décret du 17 juin 1998, une conciliation satisfaisante des exigences de l’ordre public et de l’exercice de leur mission par ces associations et que les six associations habilitées sont celles qui oeuvrent déjà à la frontière depuis plusieurs années ou qui peuvent apporter un éclairage particulier, intéressant le fonctionnement de la zone d’attente et l’accueil des personnes qui y sont maintenues ;

Considérant que, s’il appartient au ministre de l’intérieur de veiller à ce que l’accès des associations humanitaires habilitées n’entrave pas, selon les termes de l’article 1er du décret du 2 mai 1995, « le fonctionnement de la zone d’attente et les activités qu’y exercent les services de l’Etat, les entreprises de transport et les exploitants d’infrastructures », il ne ressort pas des pièces du dossier que le nombre total de visites qu’aurait permises l’habilitation d’une association humanitaire supplémentaire par rapport à celles qu’il a admises, aurait été de nature à compromettre le respect de cette exigence ; que le ministre n’apporte aucune précision de nature à identifier les motifs propres à l’association requérante justifiant que soit écartée la demande de cette association ; que, dans ces conditions, la décision de refus d’admission de l’association requérante doit, dans les circonstances de l’espèce, être regardée comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; que l’association requérante est, dès lors, fondée à en demander l’annulation pour ce motif

Ces associations ont finalement été expressément habilitées en 2006 ( Arr. 30 mai 2006 : JO, 3 juin ).


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