En Une de ce matin, un article sur l'appel des économistes du Front de gauche, appel que l'on peut lire sur http://www.liberation.fr/economie/0101568110-europe-pour-changer-de-cap
Petite critique, que j'espère constructive.
1) Le contrôle des banques et de la finance, via un pôle de banques publiques.
C'est dans l'air du temps, mais cela n'a d'intérêt que si la banque publique gère également la création monétaire, ce qui est proposé indirectement via la prise de contrôle de la BCE par le politique. Mais ceci implique une direction collégiale européenne, autrement dit rien ne changera vraiment sauf prise de conscience générale du problème monétaire. Dans ces conditions je ne vois pas trop comment une banque nationale pourrait "protéger" une monnaie qu'elle ne contrôle pas. De plus l'effet anti-spéculation risque d'être marginal car les spéculateurs iront simplement spéculer en dollar, livres sterling ou yen. C'est tout le problème de l'euro: pour que quelque chose change dans la manière de gérer la monnaie, il faut que tous les pays membres de la zone euro soient d'accord, il faut donc une approche européenne du problème. Approche inexistante malheureusement.
L'appel à la fin de la domination des entreprises par les seuls actionnaires fleure bon le militantisme gauche de gauche, mais il est évident que ceux qui créent une entreprise en sont les propriétaires, et cela même dans le cadre de l'économie sociale et solidaire, la scoop par exemple au sein de laquelle chaque travailleur est en même temps actionnaire. Il ne fait pas chasser l'actionnariat (au contraire), il faut chasser la spéculation boursière et financière en général, ce qui n'est pas du tout pareil.
2) Relance et planification économique
Si c'est pour emprunter encore plus dans le système monétaire actuel, la relance par l'emprunt est contre-productive car tout gain à court terme sera mangé par la charge fiscale liée au service de la dette. Plutôt que de continuer à creuser sa tombe, il me semble plus efficace de revoir de fin en comble le système de redistribution, avec un objectif essentiel: la protection contre la misère, par exemple via la mise en oeuvre d'un revenu de vie garanti qui remplacerait la grande majorité des prestations sociales actuelles, injustement réparties et toujours soumies à conditions.
L'appel propose également de produire mieux et gérer l'impératif écologique par le biais d'une forme de planification. L'impératif écologique sera géré par la protection et l'extension du bien commun, pas par la planification qui n'est qu'une prise de pouvoir technocratique générallement au détriment de l'ensemble de la population.
3) Réhabiliter services publics et impôt
L'appel pose la quesiton "Quelles activités doivent relever du public, du privé ou bien de l’économie sociale ?" Il faudrait effectivement essayer d'y répondre. D'autant plus que service public et fonctionnarisation ne sont pas synonymes. La fonctionnarisation entraine mécaniquement de nombreux problèmes (inéfficacité, lourdeur, réglementation kafkaïenne, pouvoir arbitraire et j'en passe) dont le "service public" se passerait bien. Il faudrait redéfinir le socle fondamental des besoins qu'un service public est sensé rencontrer, les moyens que la population peut mettre à sa disposition pour fonctionner, et le contrôle que ladite population peut ensuite exercer sur lui.
L'économie sociale n'est jamais qu'une approche collégiale voir communautariste de l'activité économique privée, qui offre un exellent potentiel en termes de responsabilisation et redistribution des richesses et devrait se développer dans le futur.
Pour ce qui est de la défense de l'impôt, l'important n'est pas tellement que l'Etat ponctionne les uns pour ensuite redistribuer aux autres, l'important est que l'argent qui existe au sein d'une économie soit utilisé de manière efficace au bénéfice de l'ensemble, la masse monétaire étant la même dans les deux cas. Il faut de l'impôt certes, mais il n'y a aucune corrélation entre la maximisation de l'impôt et la maximisation du bien commun. De manière générale, plus l'Etat dispose de recettes fiscales, moins bien il s'en sert car il a tendance à l'utiliser à des fins politiciennes voir électoralistes.
4) Plein emploi et droits sociaux
Je suis d'accord avec le constat comme quoi "La mondialisation libérale est une catastrophe pour l’environnement". Par contre la solution préconisée de la réduction du temps de travail démontre une incompréhension totale de la réalité. Ce n'est pas le temps de travail qui importe, c'est la valeur ajoutée, valeur qui d'ailleurs ne devrait pas se définir uniquement en termes de flux monétaire mais également en termes de "'valeur sociale" voir "valeur écologique". Plutôt que légiférer à tous crins et ériger encore plus de normes et de barrières, il faudrait faire en sorte que le calcul des prix de revient de tout bien ou service prenne en compte l'ensemble des coûts, y compris sociaux et écologiques, afin que la concurrence du marché soit vraiment une concurrence à armes égales. Si ce type de calcul était fait, on ne verrait plus les langoustines écossaises faire le tour du monde avant de revenir dans nos assiéttes.
Comme le conclut l'appel, "le débat mérite d’être ouvert".