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La mise en scène de l’accueil marchand en chambre d’hôtes

Publié le 09 juin 2009 par Anonymeses

Christophe Giraud, « Recevoir le touriste en ami. La mise en scène de l'accueil marchand en chambre d'hôtes », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 2007

La relation de service, en laquelle consiste l'accueil en chambre d'hôtes, est une relation marchande d'un type particulier. Telle est la thèse de Christophe Giraud dans son article « Recevoir le touriste en ami. La mise en scène de l'accueil marchand en chambre d'hôtes ». Elle doit prendre la forme « d'une mise en scène marchande de l'intimité familiale » et en cela remet en cause certaines caractéristiques de la relation marchande pure. « L'accueil a pour objectif de créer de la familiarité, une atmosphère qui tranche avec un cadre marchand standardisé et anonyme ». Voyons cela plus en détail

Gîtes de France impose que les touristes soient traités « en amis ». L'accueil en chambres d'hôtes est une relation marchande, dont l'intérêt pour le sociologue, consiste dans ce qu'elle doit être modelée, autour de la dénégation du service marchand rendu. « L'idéologie de ce service paradoxal est exprimée dans le leitmotiv de Gîtes de France, « être reçu en ami ». À travers le service marchand, c'est la famille, dans sa dimension domestique, qui doit être mise en scène. Les normes du label renvoient donc explicitement aux normes de la sociabilité amicale et aux pratiques de l'hospitalité des accueillants. »

A l'accueil marchand qui consiste à louer pour une ou plusieurs nuits des chambres à des touristes, s'ajoute une mise en scène conviviale des rôles et des prestations de service, afin que les touristes deviennent des hôtes qui paient une prestation, des « hôtes payants ». Cette relation marchande est située dans un entre-deux : elle cumule des traits caractéristiques de l'activité de service, en cela la location d'une chambre, la rapproche du service produit dans un hôtel, mais également des caractéristiques spécifiques, qui obligent les accueillants à adopter vis-à-vis des clients un certain comportement. Celui-ci consistant précisément à ne pas les traiter comme tels. Ainsi les petits déjeuners sont « offerts » aux hôtes, ce qui suggère une relation non marchande, mais il s'agit d'une obligation imposée par Gîtes de France, « c'est en fait un cadeau obligé qui fait partie des prestations attendues et annoncées : le petit déjeuner est donc une sorte de geste commercial ».

« La mise en scène d'un univers domestique est nécessaire à la production de l'impression d'un accueil convivial, familial et amical: il permet à des citadins d'avoir une expérience qui se veut authentique avec les autochtones résidents d'une région, une expérience dans une vraie famille. » On sent poindre un soupçon de misérabilisme et d'ethnocentrisme chez les clients potentiels des Gîtes de France, les citadins venant voir comment on peut vivre à la campagne... Comme le remarque l'auteur dans son article, « les accueillants doivent souvent nouer des liens en situation de fortes différences sociales » et « essaient d'éviter d'être assimilés par leurs hôtes à des domestiques corvéables à merci ».

 « Recevoir le touriste en ami » consiste donc à « euphémiser la relation marchande » pour que les touristes puissent se sentir à l'aise. Prévenir la demande de ses hôtes, besoin de se rafraîchir, besoin de serviettes ou de couvertures supplémentaires...pour éviter aux clients d'avoir à le demander au propriétaire et donc à se placer dans la situation du service marchand. « Prévenir les demandes des touristes revient à empêcher que ces rapports soient visibles et renforcés, et à modifier le cadre d'interprétation de la situation. Deux attitudes utilisées systématiquement par les propriétaires semblent remplir cette fonction : mettre à disposition et proposer verbalement aux hôtes payants objets et services. » Une autre modalité de gestion de la relation consiste pour le prestataire de service à offrir des services et des biens non prévus dans la Charte. C'est sur les « à-côtés » de la relation, de l'apéritif offert au linge lavé, à la visite de l'exploitation agricole, etc offerts aux touristes, que les accueillants créent de la familiarité. « Le cadre de l'interaction peut également être transformé par d'autres mises en scène : la présentation de certains aliments ou d'objets régionaux est matière à petits jeux. ». Le moment du règlement est le seul moment où la relation de familiarité construite pendant le séjour est rompue. Il détone par rapport au reste de la relation, car il rappelle le cadre institutionnalisé et marchand de la relation.

Frédérique


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