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Devenir un citoyen numérique

Publié le 09 juin 2009 par Futurhebdo

Dans quinze ans, le citoyen sera probablement un techno-citoyen ou un cyber-citoyen. Mais sera-t-il esclave de la technologie ou bien sera-t-il un utilisateur responsable et efficace d’une technologie soumise au progrès social, politique et éthique autant qu’économique ?

Quinze ans nous séparent des premières connexions Internet grand public, du premier navigateur web (Mosaic), des premiers « sites web », des premiers Power Macintosh et de l’incontournable Windows 95... En regardant le chemin parcouru par ces technologies, leur diffusion auprès du public et l’impact qu’elles ont sur le monde occidental en particulier et la planète en général, il est possible d’anticiper les progrès et les transformations que vont impliquer les ordinateurs de poche, le WiFi, les puces RFID, les smart phones, les véhicules électriques, les écrans tactiles, la transmission numérique terrestre ou la fibre optique étendue à l’ensemble de l’Europe, pour ne citer que ceux qui sont déjà là.

Dans les années 70 et 80, il fallait dix ans pour installer une marque, quelque soit le produit. En ce début de 21e siècle, il ne faut pas plus de deux ans pour faire le « break ». Les réussites sont retentissantes et les échecs cuisants. Mais cela n’entrave en rien la progression de la part de technologie dans la vie de M. Lambda ou de sa famille de plus en plus recomposée. L’individu s’entoure toujours davantage d’équipements, de plus en plus mobiles, qui lui permettent de se libérer d’un nombre de contraintes toujours plus nombreuses. Ces mêmes contraintes opéraient autrefois comme des sélecteurs naturels et procédaient à une catégorisation sociale selon des facteurs de capacité de communication, de mobilité, d’accès à l’information, de possibilités d’instruction ou de formation. Bien que ces facteurs soient complètement caduques, on continue de les croire vivants et efficaces.

Dès à présent, le citoyen numérique, pour autant qu’il dispose d’un peu de bon sens et d’une forte motivation, peut, armé de son téléphone multifonctions, de son ordinateur portable et de sa carte de crédit, accomplir un nombre de missions sans précédent, exécuter ou faire exécuter des ordres sans obstacles de distance ou de temps de parcours, anticiper des mouvements de fonds, de marchandises, de personnes sur des délais des plus courts au plus longs et sur des distances à l’échelle de la planète. Il peut rester informé de l’ensemble de l’actualité mondiale, disposer d’une foule d’outils de sélection, de lecture, d’analyse et d’aide à la décision pour presque toutes les activités humaines qu’il peut entreprendre dans le cours de sa vie professionnelle comme personnelle. Ses limites ne sont pas celles de ses parents et encore moins celles de ses grands-parents.

Ce dont il a besoin : d’une prise de courant et d’une connexion téléphonique avec ou sans fil. Ses limites sont donc la couverture électrique, la couverture réseau et sa propre ligne de crédit bancaire. Tout le reste est accessoire. Et par reste, j’entend tout le reste : les déplacements, les bureaux, les horaires, les congés... mais aussi la famille, les amis, les contacts humains, les rencontres, les loisirs...

La technologie occupe de plus en plus d’espace mais qu'en est-il du facteur humain ? Car la technologie peut remplacer la plupart des activités humaines élémentaires. Ce remplacement se fait au travers de mondes virtuels, de jeux vidéos en ligne et de l’univers du divertissement audiovisuel qui proposent des simulacres de la vie sociale et même de vie intérieure. Les produits actuels de la technologie manifestent quantité de mirages et d’illusions qui handicapent la pertinence, le jugement, la décision...

Pourtant, le citoyen numérique de 2025 sera, sans aucun doute, amené à prendre des décisions et à faire des choix déterminants dans un enchevêtrement de systèmes, de réglementations et de champs d’applications qui dépassent de très loin les paramètres de la citoyenneté actuelle. Des nouveautés qui ne transforment pas les racines de la citoyenneté : adhésion à une communauté de valeurs, protection et le développement de cette communauté, transmission de ces valeurs à ses proches et aux générations suivantes.

Ce qui changera dans les quinze prochaines années, c’est le rapport que nous entretenons avec la technologie et ses produits. Et il va nous falloir, aux jeunes comme aux moins jeunes, apprendre à domestiquer la technologie quotidienne, à la dresser comme on dresse un chien ou un cheval, afin de ne pas en être esclaves mais seulement utilisateurs responsables. Nous devrons également apprendre à accepter l’omniprésence des machines, et des programmes qui les animent, non comme des prothèses externes mais bel et bien comme des extensions de nos capacités intellectuelles et physiques.

Ce travail pédagogique doit se faire aussi bien à l’école que dans l’entreprise, aussi bien dans le cercle familial que dans des campagnes de sensibilisation massives à une échelle sans précédent. Les individus doivent forger non des avis ou des opinions sur les choses qui les entourent, mais des rapports avec ces dernières. Le téléphone mobile n’est pas un jouet, un gadget ou un simple objet de consommation. Pas plus qu’un ordinateur portable, un écran tactile, un baladeur numérique, une caméra HDV ou appareil photo numérique... Leurs composants, leurs chaînes de production, leurs fonctions, leurs caractéristiques en font des instruments, notion encore faible dans les esprits. En tant qu’instruments, leurs usages peuvent être bénéfiques ou malveillants. Ainsi la technologie ne peut être considérée ni comme un moteur de divertissement, ni comme l’objet d’une phobie irrationnelle et superstitieuse.

Le citoyen numérique

Le citoyen numérique de 2025 est probablement un techno-citoyen. Son environnement est constitué de sphères d’informations dématérialisées, de mondes virtuels, d’identités multiples et de couches complexes de programmation destinées à optimiser ses interactions avec l’environnement naturel et humain. Il est entouré de machines miniaturisées à l’extrême, voire implantées sous sa peau et/ou dans son organisme, qui interagissent avec les individus et assurent un monitoring constant d’une foule de fonctions. Se posera alors la question de l’humanité de ce citoyen numérique.

Il ne s’agit donc pas de dresser des constats édifiants pour obtenir des mesures incantatoires. Et il ne s’agit pas non plus de se préoccuper de progrès techniques qui n’en sont encore qu’au stade expérimental et qui ne verront d’effets marquants que dans trente ou quarante ans. La technologie présente aujourd’hui pose déjà des problèmes réels de société, d’éthique, de politique. Autant de défis dont les solutions s’articulent sur le facteur humain. Il dépend du travail effectué dès maintenant que cette question de l’humanité soit encore d’actualité en 2025 ou qu’elle ne soit plus qu’un luxe réservé à quelques esthètes désintéressés par les performances et les indigences de la voie empruntée par le reste de la planète.


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