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Mamadou Tandja : Un autre exemple inquiétant pour la démocratie africaine

Publié le 10 juin 2009 par Unmondelibre

Noël Kodia - Le 10 juin 2009. Après deux mandats que lui autorise la Constitution de son pays, Mamadou Tandja qui avait pourtant déclaré qu’il ne modifierait pas la Constitution pour briguer un troisième mandat, vient, une fois de plus, de prouver que la démocratie pluraliste a du mal à s’implanter sur le continent. Et son coup de force contre la Cour constitutionnelle qui l’a poussé à dissoudre le Parlement de son pays, n’augure pas des lendemains meilleurs pour les Nigériens. Une fois de plus, l’Union africaine et la Communauté internationale vont être mises à l’épreuve devant les enjeux de cette nouvelle situation.

Le président Mamadou Tandja vient de dissoudre le Parlement parce que la Cour constitutionnelle venait de contrecarrer ses ambitions en s’opposant à sa volonté. Il pensait prolonger son règne en organisant un referendum avant la fin de l’année pour se permettre de modifier la Constitution. Une nouvelle donne politique et économique risque de se dévoiler au Niger.

Devant cette situation que vient de créer Mamadou Tandja en s’opposant à la Cour constitutionnelle et au Parlement, l’Afrique, une fois de plus, est prise dans son propre piège, celui de la difficulté de réaliser l’alternance politique, gage d’une démocratie pluraliste réelle. La Cour constitutionnelle et le Parlement ont, sans doute, pensé à la tricherie des politiques africains pour ne pas avoir confiance au résultat qui sortirait de ce referendum. Aussi, Alioune Tiné, président de la « Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme » (RADDHO) a raison d’affirmer que cette décision du président nigérien peut être considérée comme un coup d’Etat politique. Malgré la dénonciation de son acte par une partie de son peuple et bien que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest dont est membre le Niger ait décidé de le sanctionner s’il ne respectait pas la Constitution, Mamadou Tandja semble aller jusqu’au bout de sa logique, celle d’avoir la possibilité de briguer un troisième mandat.

Face à cette cacophonie politique dans laquelle est entré le Niger, le risque est grand d’une confrontation entre la majorité présidentielle favorable au referendum et l’opposition qui souhaite le respect strict de la Constitution. Or, les confrontations politiques mènent souvent à des guerres fratricides comme on l’a vu au Kenya et au Zimbabwe, surtout que la formation des partis politiques en Afrique se fonde plus sur l’ethnicité que sur une idéologie politique. La Communauté internationale et l’Union Africaine doivent tout faire pour rappeler à l’ordre Mamadou Tandja qui est en porte-à-faux avec son peuple représenté par le Parlement. Elles ont les armes politiques et économiques pour le punir. Ces deux institutions doivent s’accorder avec la CEDEAO qui a déjà condamné l’attitude de Mamadou Tandja. Sans doute ce dernier voudrait-il encore garder la main sur l’uranium de son pays dont l’achat a été révisé à la hausse par la France.

Les politiques africains doivent comprendre que l’Etat est une continuité qui doit réaliser le bien-être du peuple malgré le changement de ligne politique que peut leur imposer l’alternance par le biais des urnes. Les acteurs politiques passent mais l’Etat demeure. Il faudrait que la Communauté internationale et l’UA agissent vite pour ne pas donner raison aux militaires nigériens de s’initier dans cet imbroglio politique provoqué par leur président. Il risque d’y avoir encore des morts pour rien dans ce pays où déjà la confrontation entre pouvoir et rebelles touaregs fait déjà couler beaucoup d’encre et … beaucoup de sang.

Le respect scrupuleux de la Constitution qui permettrait l’alternance politique de se réaliser après la fin de son mandat sous peine de sanctions politiques telle l’exclusion temporaire du Niger de l’UA et économiques avec la mise en stand by de la commercialisation son uranium, voilà ce que doivent demander l’UA et la Communauté internationale à Mamadou Tandja. Il doit comprendre la maturité de la majorité des politiques nigériens qui veulent expérimenter la démocratie pluraliste en s’imposant l’alternance. Jusqu’aujourd’hui, force est de constater que l’Occident s’occupe plus à l’exploitation des richesses de l’Afrique qu’à la mise en œuvre d’une véritable démocratie qui pourrait résoudre certains problèmes des Africains. Car les grands enjeux économiques qui peuvent faire reculer les dictateurs africains se trouvent du côté de l’Occident dont dépend par exemple le Niger par la monnaie CFA contrôlée par la Banque de France.

Quelques années après de départ d’Alpha Konaré de la tête de l’UA, on peut dire que ce dernier avait raison quand il insistait sur la limitation des mandats après une élection présidentielle. La limitation des mandats, la seule alternative qui pourrait sauver l’implantation de la démocratie sur le continent. Pourquoi ne pas l’expérimenter ? Et les décisions à valeur de sanction économique de la Communauté internationale peuvent faire reculer les tripatouilleurs des Constitutions. Les Africains ne sont pas dupes. Ils savent que leurs dirigeants sont « arrogants » parce qu’ils protégés par les intérêts occidentaux qui travaillent sur le continent. Même si le courage des Nigériens qui s’opposent à leur président qui ne veut pas respecter la Constitution, ne semblerait pas intéresser la Communauté internationale.

Noël KODIA est essayiste et critique littéraire congolais.


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