Les bijoux de famille
Laurent Maréchaux
Le dilettante – 2008
253 pages – 17 €
Tout commence le 16 septembre 1907 dans un train réalisant le trajet Moscou-Paris. A son bord deux jeunes russes partant faire leurs études de médecine : Sacha Ivanov et son meilleur ami Victor Bornstein.
La France va être le creuset de la saga des Ivanov, le berceau des branches ascendantes de cette famille bousculée par les guerres mondiales, et les conflits majeurs de ce début de siècle.
Tout commencera vraiment par l’amour fou de Sacha pour une jeune sud-américaine rencontrée un soir à l’opéra.
« Sa rencontre avec Carmen Roblès et la légende, entretenue année après année pour embellir les origines modestes de sa femme, sont à l’image de sa propre existence, trop belles pour être tout à fait crédibles. »
Le romantisme russe exacerbé de Sacha, sa volonté de vouloir faire briller le blason de sa famille, ses légendes sur des bijoux d’une valeur inestimable caché dans les racines d’un arbre lors de la révolution russe, tout cela va contaminer toutes les branches des Ivanov.
Et avec eux leurs proches. Rien ne leur sera épargné dans la quête des réponses sur un passé inventé de toutes pièces.
Désillusion, perte de repères, fanatismes fous…
Finalement l’arbre se révèlera à la hauteur des racines fumeuses : des vies pleines d’ombres et de poussière aux yeux.
C’est dans un rythme haletant que Laurent Maréchaux nous racontent comment ces bijoux de famille peuvent rendre fous sur plusieurs générations. Et dans bijoux de famille il faut entendre cette légende autour des joyaux russes. Mais également l’image que l’on emploie familièrement pour parler de cette paire propre aux hommes, attributs qui joueront bien des tours à ces messieurs ainsi qu’à leurs compagnes. Sans oublier le fait que chaque Ivanov mâle aura à ses côtés un meilleur ami pour faire-valoir, souffre-douleur et témoin de ses folies.
Les chapitres se succèdent avec chaque fois un titre qui nous montre du doigt lequel des Ivanov va être le plus mis en lumière. Chacun devient père à son tour, puis grand-père tous avec le même désir pesant de pérpétrer un destin à la hauteur de ce que l’on devrait attendre d’un Ivanov. Tous mis en abîme par le miroir des yeux de leur père, fils et grand-père.
Le premier chapitre du livre débute par une citation de Staline nous rappelant que « un mensonge assez souvent répété devient une vérité », le dernier quand à lui nous est raconté par un des pendants des Ivanov. Un des derniers meilleurs amis, qui est le seul à parler à la première personne (si l’on exclue les extraits de journaux intimes), et qui nous dit à l’extrême souffle de la saga Ivanov qu’« il est urgent de vivre. »
Conseil donné au vu du recul pris par cette âme damnée de l’arbre généalogique, que n’aura jamais suivi aucun des Ivanov. Aveuglés qu’ils étaient par leurs bijoux de famille, leurs « apparences trompeuses et [leurs] chatoiements douloureux », comme le met Laurent Maréchaux dans la dédicace de mon exemplaire.
/Un très bon roman français que vous ne terminerez pas sans un pointe de regret à laisser cette famille atypique et ô combien attachante.
Une saga franco-russe savoureuse où chacun pourra retrouver un peu de sa propre famille, dans toute sa complexité et sa simple beauté. /