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La notion du temps au Népal, où j’apprends que le « pas très long » est très relatif

Publié le 12 juin 2009 par Legrandvillage

« Les occidentaux ont la montre, les autres ont le temps .» En quelques jours de moto j’apprendrai que  c'est LA clef de l’Asie, prendre son temps ouvre les portes de ce qui n’apparaitra jamais à un touriste en short et chaussettes, l’énorme Canon autour du cou, qui doit retourner dans le bus dans 5mn. Tant mieux, car « l’authentique » est fragile au point que je ne souhaite pas le partager. Ainsi, un peu de piste à moto se transformera en deux journées de calvaire qui m’offriront l’un de mes meilleurs souvenir de Népal.

A 7 heures je suis toujours dans mon lit ! Je devrai pourtant être au rendez-vous avec mon ami Raju. Je saute alors mon déjeuner et je le retrouve. Depuis hier qu’il sait que nous partons dans son village, il porte ses plus beaux vêtements. On quitte Pokhara en direction de Tansen, nous voilà sur la route de mon premier accident, je suis un peu crispé. On s’arrête pour déjeuner dans une gargote près du premier col, à quelques centaines de mètres à peine du lieu où je me suis jeté sur le bas-côté pour éviter deux bus qui se doublaient en venant sur moi. Il n’auraient bien sûr pas bougé, ce fut donc à moi de finir sur la fine bande qui sépare la route du précipice. La vallée profonde s’ouvre devant nous, baignée par le soleil qui ne m’était pas encore apparu. Derrière, le lac et la ville, une grande crête plongeant jusqu’aux davy falls nous en masque la vue.

Après environs 50km nous bifurquons sur une piste qui part entre deux cabanes de bois posées au bord de la route. Même si je ne suis pas complètement à l’aise pour piloter ma moto sur piste, je suis beaucoup plus assuré, même avec un passager (c’est toujours mieux que 3, mon record !). La piste qui part devant nous est un défi, j’espère qu’aucun enfant ne va traverser devant moi (ce qui a causé mon second accident près de Bardia). La piste est pierreuse et descend en pente raide, je met un quart d’heure pour parcourir les deux km jusqu’à la rivière. Je suis déjà en nage mais je ne sais pas encore que ce que nous venons de faire est le plus facile. Devant moi un torrent, de taille respectable. Je vois bien le gué mais il y a beaucoup d’eau et le courant est rapide. Avec deux personnes et deux sacs à dos,j ’estime « très faibles » les chances de passer sans nous mouiller. Une jeep délabrée passe le gué et nous croise, je me décide. Il ne faut pas s’arrêter pour ne pas glisser sur les pierres ou être entrainé par notre poids et le courant, malheureusement la moto cale au milieu de la rivière, l’eau à mi-moteur. On se relève et je pousse la moto sur l’autre rive où elle démarre du premier coup, mektoub. La piste, empruntée régulièrement par un bus quelques, jeeps taxi et des motos, est complètement défoncée. Entre les pierres et le sable, mon cœur balance.

Je suis rapidement à bout de forces, la piste ondule devant nous sur le flanc d’une petite chaine montagneuse, le plus haut sommet est à 2200m mais je n’arrive pas à regarder le paysage, j’ai les yeux posés 40cm devant ma roue avant. Nous traversons plusieurs rivières, je mets souvent pied à terre. Quand Raju commence à me donner des cours de conduite je m’énerve, je ne dis rien mais il le voit et se tait. Il nous faut un peu plus de deux pénibles heures pour atteindre le col. Après ces 10km éreintants je suis lessivé et je ne sens plus mes bras. Un petit bourg est perché là, sur la crête, chargé d’échoppes qui approvisionnent les villages environnants non desservis par quoi que ce soit de carrossable. La piste que nous avons suivie est l’ancienne route qui rejoignait Tansen à Baglung, elle n’a jamais connu le goudron, et quand la route fut construite par le détour de Pokhara celle-ci  a perdu son importance.

Raju achète 25kg de riz et quelques autres denrées pour sa mère. Nous laissons la moto là, confiée à un commerçant qui nous sert des noodles accompagnées d’une bonne bière rafraichissante qui me redonne des forces et du baume au cœur. Nous partons enfin sur un petit sentier en direction du sud, il a chargé le riz, comme tous à l’aide d’une sangle posée sur sont front. Pour ma part, mon sac à dos est juste lesté de deux kg de sucres et de quelques condiments. Sur le chemin nous rencontrons la sœur de Raju qui parcourt les 4 km quotidiens pour rentrer de l’école. Le paysage est superbe. Quel magnifique chemin buissonnier qui leur paraît si banal et qui moi me transporte. La sœur de Raju lui prend sa charge et entame la route, elle n’a pourtant pas 15 ans, lui se retrouve à porter le casque ! Le décor est somptueux, la gorge encaissée. Les champs en terrasse sculptent les flancs de la montagne, les petits villages s’accrochent, les terrasses dans le vide. Ces villages se composent de quelques maisons à l’ombre de rares arbres. Des bois poussent dans les plis de la montagne mais les rivières y sont dangereuses pour installer une maison. Elles sont construites de boue séchée, rondes, avec un toit de chaume.

Nous sommes arrivés chez Raju et sa famille, nous nous arrêtons pour prendre notre souffle sur le seuil de bouse séchée d’une maison. Un petit garçon et sa mère, âgée en sorte, c’est le frère et la mère de mon compagnon. Ils se retrouvent et nous parlons longuement, moi avec mes quelques phrases népalaises puisque bien sûr personne sauf Raju et moi ne parle anglais. Puis Raju m’entraine vers une maison derrière celle de sa mère, très jolie mais semblable aux autres. C’est la sienne, quand il reviendra avec une femme il pourra s’y installer. Celle-ci est vide mais sera parfaite pour nos deux nuits dans ce village. Même si j’aime la proximité de vie dans la maison familiale, j’apprécie ma tranquillité, je suis donc heureux d’avoir une maison pour dormir et une autre pour vivre et manger avec sa famille. Certes les maisons sont minuscules, mais elles sont magnifiques et leurs terrasses s’ouvrent sur le vide de la vallée sans aucun vis à vis !


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