Magazine Beauté
(suite de l'épisode 1) La maîtresse de Kenny est à bout de nerfs. Dans la classe plus personne ne travaille vraiment, sauf sporadiquement. Ce soir, la maîtresse a craqué, elle a forcé Kenny à se rasseoir un peu brutalement. Elle est maintenant morte de honte et pense à ce que ses élèves doivent penser d'elle. Elle commence à se demander comment elle va finir l'année, comment elle va tenir jusqu'à Toussaint, comment elle va tenir jusqu'à la fin de la semaine. Pourtant, l'année dernière elle travaillait dans un institut spécialisé pour enfants en rupture de banc avec la société, victimes de violences ou de carence éducative aggravées. Bref, elle se croyait blindée. Elle est trop jeune pour savoir qu'on ne l'est jamais. Comme on n'est à l'abri de rien avec des enfants. Elle souffre. Il souffre. Les autres rient. Tout le monde perd son temps. La maîtresse a écrit un mot dans le cahier, en rouge. La maman de Kenny l'a signé. Mais elle ne sait pas lire. Elle n'a donc pas vu qu'on lui demandait de venir. Apparemment, le papa de Kenny n'est pas au courant. Kenny ne dit rien. Le soir, il sort avec ses copains, il se sent libre. Il ne sent plus les limites qui devraient le tenir sur le droit chemin. Il ne se rappelle plus que l'autre fois son petit frère a manqué mourrir sous un pare-choc parce qu'il faisait du vélo seul sur un boulevard. Du vélo à roulettes. Le psychologue scolaire a donné une lettre d'autorisation à signer : il ne peut papoter avec Kenny qu'avec l'aval des parents. Le directeur a dit qu'il faudrait peut-être qu'on appelle la famille. Un jour. Pas le temps. Qu'on perd. Comme sa sérénité. URGENT est pourtant écrit en gros sur le front de l'enfant. (à suivre)