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Paris XIVe, nature, jardins et souvenirs

Publié le 14 juin 2009 par Memoiredeurope @echternach

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Il m’arrive rarement d’avoir le temps, en dehors des périodes de vacances, de redécouvrir Paris. Depuis les chroniques de décembre, où j’avais pris le détour des souvenirs d’enfance dans le XXe, des étonnements de mon temps d’étude et d’enseignement dans les Ve et VIe, en faisant un détour par la Mouff de Varda, sans oublier les Gobelins de mes amours textiles, je n’avais fait que traverser ou survoler la capitale entre deux avions ou deux trains.

Il se trouve que j’ai pu me payer le plaisir d’un arrêt de presque trois journées dont le motif était d’écouter des techniciens des Parcs et Jardins ou des espace verts urbains discuter de la meilleure manière de conduire l’entretien des lieux publics dont ils sont responsables, à Paris ou dans la banlieue parisienne, à Orléans, Bordeaux, Marseille ou Lyon, voire encore dans les villes fleuries ou les villages de loisirs « Pierre et Vacances », en se fondant sur les approches écologiques. 

Un week-end d’élections européennes en France méritait sans doute une introduction sous forme de recyclage sur des approches nouvelles que j’ai perdues de vue depuis quelques années, très exactement depuis que j’ai rédigé le livre « Leçons de Jardins » et que j’ai régulièrement rencontré Gilles Clément et d’autres paysagistes qui m’ont ouvert les portes de nouvelles conceptions plus « sauvage » des espaces jardiniers.

Comme je voudrais faire bientôt un bilan de presque quinze années d’actions dans l’itinéraire des Parcs et Jardins, Paysage du Conseil de l’Europe, il y avait un ensemble de bonnes et de mauvaises raisons d’être là aussi pour se remettre à l’écoute. Et puis l’invitation de Philippe Hirou qui représentait la Fédération Française des Architectes Paysagistes me servait de viatique. 

Je me rends compte après coup que le courant écologique qui soufflait sur la France ce week-end là avait trouvé une manière détournée de me faire venir sur mes terres anciennes. Beaucoup ont pensé que, symboliquement, la défection de Lionel Jospin du 17 avril 2002, trouvait son aboutissement ultime dans le recul – la déroute dit-on ou la fin pourquoi pas ? - du Parti Socialiste derrière une coalition affirmant la diversité de l’écologie théorique, judiciaire, éthique et technique. 

Une écologie, tout de même symbolisée par des jeunes gens de mon âge qui ont tous connu l’Europe, de son utopie, en passant par son ouverture, pour atteindre à son blocage actuel ! Ne parlons donc pas vraiment de renouveau. 

Mais en revoyant la bonne bouille de Cohn-Bendit, marquant peut-être la fin d’un mouvement ouvrier dont la renaissance s’est effectuée dans la majorité d’une classe d’âge dont je fais partie, je n’ai donc pas à me demander pourquoi j’ai consacré la plus grande partie de mes parcours piétonniers ce samedi et ce dimanche là aux traces de nature dans le XIVe arrondissement de Paris. Les expressions de renouveau écologique, de décroissance, d’éthique de la consommation ou du tourisme m’ont encerclé depuis un peu plus d’un an et agissent autant consciemment qu’inconsciemment. 

Et devant ces figures tutélaires dont les médias ont refait leurs couvertures, je me serais presque retrouvé aux pieds des bâtiments de l’Université Jussieu en construction, un soir de mai 1968 où le Daniel le Roux prenait la parole avec son copain Geismar, dans l’ombre médiatique de Serge July. Et où chaque matin, mes collègues islandais me rapportaient les photographies des manifs de la veille quand le sourire insolent du petit juif expulsé défiait une police déboussolée.

Est-ce de la nostalgie d’un retour arrière de deux mouvements de gauche aux destins entremêlés dont les Français aux idéologies flottantes se sont mêlés, pour remettre à leur place des petits chevaux traînant vers la ligne d’arrivée l’un à côté de l’autre ? Est-ce un jeu de société, ou une manière de faire une pause avant une véritable révolte civile ? Ou encore un signe de lassitude extrême de la chose politique ?Ou de l’oubli foncier par les Français de la diversité et de l’importance quotidienne d’une Europe où ils vivent en paix, mais dont ils n’ont pas les clefs, ce qui serait le pire de tout !

Derrière les planches qui accueillaient les affiches électorales, dont les plus honteusement stupides étaient heureusement graffitées, j’ai regardé les jasmins ou les rosiers fleurir, j’ai respiré l’effluve des glycines fanées cascadant sur le fer forgé. J’ai caressé les grilles des jardins ouvrant des fentes et des échappées sur des allées, Villa d’Alésia ou Villa Brune, Impasse du Chemin-Vert, Villa des Plantes, Villa Moderne, toutes regroupées sur la dorsale de la rue des Plantes, elle-même coupée par la ligne de la petite ceinture qui, si elle n’a finalement pas servi à la ligne du tram, reste là comme une sorte de belle endormie qui nous invite à découvrir Paris sous les acacias et les érables envahissants.

Mais, pris dans le plaisir de revoir d’un côté le boulevard Brune et le tramway à la station Jean Moulin, tramway qui constitue chaque fois une surprise puisqu’il a pris sa place dans un espace et dans un temps où j’étais loin de la capitale et beaucoup plus fasciné par celui de Strasbourg, et de l’autre, en empruntant justement l’avenue Jean Moulin, pour explorer, de l’autre côté la rue d’Alésia et ses boutiques de marques…démarquées, j’ai voulu continuer sur l’autre rive de l’avenue du Général Leclerc. 

Les rues Sophie-Germain ou Rémy Dumoncel et la petite rue Hallé, autre coin pavillonnaire d’une étrangeté sauvage encore aujourd’hui, m’attirent comme un aimant dans le souvenir des fêtes et des expositions qu’y préparait la « Boutique Sentimentale » où j’ai exposé une fois mes deux passions : les tissus de la “Rue du Caire” et les tubes de culture des tissus végétaux “In Vitro” qui constituaient dans les années quatre-vingt les deux face de mes passions. 

Comment aurais-je oublié la rue Daguerre, en revenant sur l’autre rive. De la lente remontée de la partie fromagère et fruitière, vers l’espace des cafés, des restaurants et des librairies, où se niche l’atelier et la boutique d’Agnès Varda, jusqu’à la limite du cimetière Montaparnasse vers lequel je suis revenu ces deux jours comme dans un îlot volé à la ville par de riches familles parisiennes où les dynasties de l’argent, du pouvoir et de la politique côtoient les artistes, pour le meilleur et le pire de l’art mortuaire. J’y reviendrai.

On me parle en me présentant la Villa d’Alésia, de Matisse, Picasso, Léger, Braque, Tobey ou Balthus et je recherche cette photographie de Brassaï où le doux vieillard qui découpe des papiers, prend un grand plaisir à examiner un modèle d’un air gourmand, peut-être finalement pour le revêtir d’une blouse fleurie et faire oublier sa nudité attirante. 

Je me souviens de ce que me redit régulièrement Denise Majorel qui avait rendez-vous avec lui pour examiner, je crois, le carton d’une future tapisserie. Déshabillez-vous lui a t-il dit tandis qu’elle entrait. Si elle ne l’a pas obéi, lui faisant comprendre qu’elle ne venait pas poser, elle a eu peut-être tort. Nous aurions sans doute aujourd’hui une blouse française, à côté de la blouse roumaine !

Photographies : l’atelier de Matisse Villa d’Alésia par Brassaï, la rue Hallé, le chemin de fer de la petite ceinture, une liste anti-sioniste et le souvenir bâti de Matisse, Villa d’Alésia. 


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