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Il est vrai que tout le personnel de chez Louis Féraud se sentait intimidé à l'apparition de Per Spook, le directeur artistique de la maison de Haute-Couture, personnellement ma réaction n'en n'était pas moins différente.
En effet, dès qu'il arrivait, je me sentais beaucoup plus à l'aise, et en totale harmonie avec lui, alors que le personnel observait une certaine méfiance à son égard, étant donné qu'il gardait ses distances envers tout le staff du studio.
Je me sentais privilégiée, chouchoutée, et cela me rassurait.
Il était toujours présent pour me conseiller dans mes différentes créations.
La petite nouvelle, la provinciale, encadrée par le créateur de la maison, ce grand norvégien, artiste complet, peintre, sculpteur, créateur, et excellent photographe, qui ressemblait étonnemment à cet acteur américain, Anthony Perkins.
Photo de Per Spook à cette époque
Cela gênait terriblement le personnel, et j'avais l'impression de devenir la bête noire de la maison...
Cela se confirma quelques temps plus tard.
Nous sortions fréquemment ensemble, dans des endroits branchés, insolites, voire même huppés, parfois les plus sobres, et cela devenait régulier, quand ce n'était pas chez lui tout simplement.
Un jour même, en qualité de fervente admiratrice de ERTE, le créateur des années folles de chez Paul Poiret, et des costumes du spectacle du Casino, de Zizi Jeanmaire, ce célèbre dessinateur et créateur, qui avait été le déclencheur de mon inspiration artistique, je ne rêvais que d'une seule chose :
le rencontrer.
Quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver un soir, accompagnée de PER SPOOK qui m'avait fait cette surprise, de dîner en compagnie de ERTE, dans ce restaurant fréquenté par le chef de l'état de l'époque M. Giscard d'Estaing (l'Archestrate).
J'aurais pu être impressionnée par ERTE, assis face à moi, mais j'étais sur un petit nuage !
Je n'imaginais pas que j'allais être encore plus chouchoutée, par la gentille attention de ERTE, souhaitant m'inviter chez lui, à Neuilly, après le dîner.
Il m'offrit un oeuf de Pâques en chocolat, puis du champagne servi dans des coupes en argent massif d'époque (des années folles) qu'il avait dessinées pour la Maison Tifany à New-York !!!
Il était un passionné de chats, qu'il me présenta, et finit par me proposer, non pas de signer un livre d'or, mais il avait tout un mur, sur lequel figuraient des noms de personnalités, auxquels j'ajoutais le mien selon son désir, et je laissais ma signature, par ahasard, là où il me restait une petite place pour signer, entre Zizi Jeanmaire et Roland Petit !
Ce fut une soirée inoubliable !
Une photo de ERTE (dans sa jeunesse)
alors qu'il était déjà âgé lorsque je l'ai rencontré
(de son vrai nom Romain de Tirtoff) ERTE est tiré de ses initiales.
Quelques unes de ses réalisations figurent dans les albums photos situés en page d'acueil sur la colonne de droite
Mais également ce diaporama
J'adorais ces soirées qui me faisait découvrir une façade de vie que je ne connaissais pas, inimaginables lorsque je vivais encore en province.
Là c'est la petite provinciale, avant de quitter Roubaix.
La même à Paris, pendant la période Louis Féraud, accompagné de Julio un ami de cette période dorée.
Toujours la même, photographiée par Per Spook, une certaine influence de ERTE.
Le seul qui ne semblait pas se réjouir, était Louis Féraud, auquel j'apportais peu d'attention, le considérant plutôt comme un bon commercial, mais pas créatif du tout à mes yeux, il possédait néanmoins une sensibilité artistique, mais avait le sens des affaires beaucoup plus développé.
La plupart des jeunes stylistes de la maison, se comportaient envers lui comme devant une divinité, ce que je ne supportais pas, et probablement le charisme que je développais inconsciamment vis-à-vis de PER SPOOK, et le peu d'intérêt que j'apportais à Louis Féraud me fit perdre ce job.
En effet, un jour Louis Féraud m'annonça sèchement, qu'il avait sérieusement besoin d'une secrétaire plutôt que d'une styliste, comme prévu lors de mon engagement.
Ce jour-là mon orgueil en prit un sacré coup!
Je préférais donc quitter le studio avec la superbe vue sur la cour du Palais de l'Elysée, plutôt que d'être assise à un bureau, face à une machine à écrire, mais surtout je souhaitais garder mes pinceaux pour réaliser d'autres dessins de tissus !!!
Je quittais donc définitivement la maison Louis Féraud pour d'autres aventures ....................