Magazine Politique
La pré-présidentielle bouge. Hier à Lyon, Dominique de Villepin a trouvé une tonalité très fraîche lors de l'émission de JJ Bourdin. Il se définissait par lui-même banalisant ses relations avec Nicolas Sarkozy lui décernant avec indifférence bons et mauvais points. Une nouvelle tonalité de discours commence à se profiler...
" J'aurais souhaité que mes parents puissent partager ce moment : ils s'en sont allés vers le repos éternel ces dernières années mais leur exemple, leur inspiration, le cadeau de leurs yeux ouverts, de leur esprit sur le monde sont plus grands et plus durables que tous les mots….
Ma mère était la pierre angulaire de notre famille comme tant de mères le sont. Elle restait éveillée tard le soir pour m'aider à faire mes devoirs. Elle s'est assise sur mon lit lorsque j'étais malade. Elle a répondu à mes questions d'un enfant qui, comme tous les enfants, a trouvé le monde plein de merveilles et de mystères... "
Cette introduction de discours est celle de John Kerry lorsqu'il est à la tribune de la convention démocrate cet été 2004 quand il va accepter l'investiture de son parti pour la présidentielle américaine.
Cette tonalité personnelle et émotionnelle est-elle concevable dans le discours d'une personnalité politique française qui s'engagerait ainsi dans une élection présidentielle ?
Pendant longtemps, le discours d'un responsable politique français était d'abord marqué par une très forte intellectualisation.
Au 17ème siècle, Descartes remarquait " je pense donc je suis ". L'intelligence et le savoir ont été les qualités suprêmes de l'expression d'un responsable politique.
Avec l'émergence puis l'installation des diverses formes de crises, cette intellectualisation ne recueille plus la même adhésion qu'auparavant. Elle est signe de théorisation, d'abstraction, de déconnection des réalités quotidiennes.
Depuis le début des années 2000, une 1ère correction est intervenue avec l'apparition de mots extraits du " vocabulaire courant ". Celui qui incarne le mieux cette évolution est sans aucun doute Nicolas Sarkozy même si l'histoire récente s'est focalisée sur des expressions polémiques (à l'exemple du mot " racaille " en 2007). Force est de constater qu'il a été le 1er à rompre un choix convenu et codé de vocabulaires au sein de la classe politique.
La question est désormais de savoir si une nouvelle étape peut ou doit être franchie ?
Une étape où le discours parle de la vie de l'orateur pour mieux aider à comprendre l'individu donc ce qu'il est, ce qu'il aime ; bref son tempérament.
Bien au-delà de ce seul sujet, cette question est un enjeu sur l'évolution de l'ensemble de la société française.
Elle a privilégié la conception abstraite à l'application pratique. Aujourd'hui c'est la réalisation concrète qui retient l'attention.
La société française a longtemps accordé une réelle attention à la capacité à " programmer le futur ". Là aussi, les leçons du présent montrent, si besoin était, que cette logique est de moins en moins applicable. Le futur n'est plus programmable, n'est plus planifiable. Par conséquent, il ne faut plus s'en remettre à un discours mais à un tempérament.
Ces deux passages vont s'accompagner d'une évolution de la stature intellectuelle vers la notion de personnalité.
Plus ces évolutions seront effectives, plus le discours politique devra en tirer des conséquences pratiques sur sa structuration comme sur le choix des mots.
Il nous semble qu'un nouveau discours est attendu pour répondre à la nouvelle époque.
Ce nouveau discours va progressivement émerger en respectant deux qualités majeures.
D'une part ce nouveau discours doit permettre d'apprendre à mieux se faire connaître. Dans une période de besoin de proximité et d'authenticité, cette première étape passe par la mise en évidence d'exemples pratiques rencontrés par le responsable politique dans sa propre vie quotidienne. Le film de sa vie doit défiler sous le regard des citoyens : ses épreuves, ses réussites, ses échecs, ses doutes, ses convictions. Qui est-il et non pas que dit-il ?
D'autre part, seconde qualité nouvelle majeure, le discours politique français doit réinventer une éthique des règles.
Là aussi, traditionnellement, les règles reposaient sur des principes susceptibles de changer catégorie par catégorie.
C'est cette fluctuation qui n'est plus tolérée. Le sens de l'équité prend de plus en plus d'importance. Il doit désormais s'interpréter comme le devoir vis-à-vis des autres.
Un nouveau discours va probablement voir le jour. Celui qui osera le 1er peut changer significativement certains repères. La course est lancée : Villepin, Royal, Valls ou ... un nouveau candidat ?
A titre d'illustration sur cette "méthode", nous vous communiquons ci-dessous le discours d'Obama au Caire qui est un "modèle" de cette nouvelle approche.
Il mérite une lecture attentive pour apprécier la différence "d'univers" :
"
Je vous remercie. Bonjour à tous.
C'est pour moi un honneur de me trouver dans cette ville intemporelle qu'est le Caire et d'être reçu par deux institutions remarquables. Depuis plus de mille ans, Al-Azhar est un haut lieu de transmission du savoir dans le monde musulman et, depuis plus d'un siècle, l'université du Caire est une source de progrès pour l'Égypte. Ensemble, vous représentez l'harmonie entre la tradition et le progrès. Je vous suis reconnaissant de votre hospitalité et de celle du peuple égyptien. Je suis fier aussi de vous transmettre la bonne volonté du peuple américain et une salutation de paix de la part des communautés musulmanes de mon pays : "Salamm aleïkoum". (Applaudissements)
Notre rencontre survient à un moment de grande tension entre les États-Unis et les musulmans du monde entier - tension ancrée dans des forces historiques qui dépassent le cadre des débats actuels de politique générale. Les relations entre l'islam et l'Occident se caractérisent par des siècles de co-existence et de coopération, mais aussi par des conflits et des guerres de religion. Dans un passé relativement plus récent, les tensions ont été nourries par le colonialisme qui a privé beaucoup de musulmans de droits et de chances de réussir, ainsi que par une guerre froide qui s'est trop souvent déroulée par acteurs interposés, dans des pays à majorité musulmane et au mépris de leurs propres aspirations. En outre, les mutations de grande envergure qui sont nées de la modernité et de la mondialisation ont poussé beaucoup de musulmans à voir dans l'Occident un élément hostile aux traditions de l'islam.
Des extrémistes violents ont exploité ces tensions auprès d'une minorité de musulmans, qui pour être réduite n'en est pas moins puissante. Les attentats du 11 septembre 2001, conjugués à la poursuite des actions violentes engagées par ces extrémistes contre des civils, ont amené certains dans mon pays à juger l'islam inévitablement hostile non seulement à l'Amérique et aux pays occidentaux, mais aussi aux droits de l'homme. La peur et la méfiance se sont ainsi accentuées.
Tant que notre relation restera définie par nos différences, nous donnerons du pouvoir à ceux qui sèment la haine et non la paix et qui encouragent le conflit au lieu de la coopération qui peut aider nos deux peuples à connaître la justice et la prospérité.
C'est ce cycle de la méfiance et de la discorde qui doit être brisé.
Je suis venu ici au Caire en quête d'un nouveau départ pour les États-Unis et les musulmans du monde entier, un départ fondé sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel, et reposant sur la proposition vraie que l'Amérique et l'islam ne s'excluent pas et qu'ils n'ont pas lieu de se faire concurrence. Bien au contraire, l'Amérique et l'islam se recoupent et se nourrissent de principes communs, à savoir la justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être humain.
Ce faisant, je reconnais que le changement ne se produira pas du jour au lendemain.
Il y a eu beaucoup de publicité à propos de mon discours, mais aucun discours ne peut éradiquer des années de méfiance, et dans l'espace de cet après-midi, je n'ai pas la réponse non plus aux questions complexes qui nous ont menés au point où nous sommes maintenant. Mais je suis convaincu que pour aller de l'avant, nous devons dire ouvertement entre nous ce que nous recelons dans notre coeur et que trop souvent nous n'exprimons qu'à huis clos. Nous devons consentir un effort soutenu afin de nous mettre à l'écoute et d'apprendre les uns des autres ; de nous respecter mutuellement et de rechercher un terrain d'entente. Comme le dit le Saint Coran, "Crains Dieu et dis toujours la vérité". (Applaudissements)
C'est ce que je vais essayer de faire aujourd'hui - de dire la vérité de mon mieux, rendu humble par la tâche qui nous attend et ferme dans ma conviction que les intérêts que nous partageons, parce que nous sommes des êtres humains, sont beaucoup plus puissants que les forces qui nous séparent.
Cette conviction s'enracine en partie dans mon vécu. Je suis chrétien, mais mon père était issu d'une famille kényane qui compte des générations de musulmans. Enfant, j'ai passé plusieurs années en Indonésie où j'ai entendu l'appel à la prière (azan) à l'aube et au crépuscule. Jeune homme, j'ai travaillé dans des quartiers de Chicago où j'ai côtoyé beaucoup de gens qui trouvaient la dignité et la paix dans leur foi musulmane.
Féru d'histoire, je sais aussi la dette que la civilisation doit à l'islam. C'est l'islam - dans des lieux tels qu'Al-Azhar -, qui a brandi le flambeau du savoir pendant de nombreux siècles et ouvert la voie à la Renaissance et au Siècle des Lumières en Europe. C'est de l'innovation au sein des communautés musulmanes (Applaudissements) - c'est de l'innovation au sein des communautés musulmanes que nous viennent l'algèbre, le compas et les outils de navigation, notre maîtrise de l'écriture et de l'imprimerie, notre compréhension des mécanismes de propagation des maladies et des moyens de les guérir. La culture islamique nous a donné la majesté des arcs et l'élan des flèches de pierre vers le ciel, l'immortalité de la poésie et l'inspiration de la musique, l'élégance de la calligraphie et la sérénité des lieux de contemplation. Et tout au long de l'histoire, l'islam a donné la preuve, en mots et en actes, des possibilités de la tolérance religieuse et de l'égalité raciale. (Applaudissements)
Je sais aussi que l'islam a de tout temps fait partie de l'histoire de l'Amérique. C'est le Maroc qui fut le premier pays à reconnaître mon pays. En signant le traité de Tripoli en 1796, notre deuxième président, John Adams, nota ceci : "Les États-Unis n'ont aucun caractère hostile aux lois, à la religion ou la tranquillité des musulmans."
Depuis notre fondation, les musulmans américains enrichissent les États-Unis. Ils ont combattu dans nos guerres, servi le gouvernement, pris la défense des droits civils, créé des entreprises, enseigné dans nos universités, brillé dans le domaine des sports, remporté des prix Nobel, construit notre plus haut immeuble et allumé le flambeau olympique. Et, récemment, le premier Américain musulman qui a été élu au Congrès a fait le serment de défendre notre Constitution sur le Coran que l'un de nos Pères fondateurs, Thomas Jefferson, conservait dans sa bibliothèque personnelle. (Applaudissements)
J'ai donc connu l'islam sur trois continents avant de venir dans la région où il a été révélé pour la première fois. Cette expérience guide ma conviction que le partenariat entre l'Amérique et l'islam doit se fonder sur ce qu'est l'islam, et non sur ce qu'il n'est pas, et j'estime qu'il est de mon devoir de président des États-Unis de combattre les stéréotypes négatifs de l'islam où qu'ils se manifestent. (Applaudissements)
Or ce même principe doit s'appliquer à la façon dont l'Amérique est perçue par les musulmans. Tout comme les musulmans ne se résument pas à un stéréotype grossier, l'Amérique n'est pas le stéréotype grossier d'un empire qui n'a d'autre intérêt que le sien. Les États-Unis représentent l'une des plus grandes sources de progrès que le monde ait connues. Nous sommes nés d'une révolution contre un empire ; nous sommes fondés sur l'idéal de l'égalité de tous et nous avons versé de notre sang et combattu pendant des siècles pour donner un sens à ces mots - sur notre territoire et à travers le monde. Nous sommes façonnés par chaque culture, issus des quatre coins du monde et acquis à un concept simple : E pluribus unum : "De plusieurs peuples, un seul"