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Mon vélo pour une cité, expériences américaines, perspectives nouméennes

Publié le 17 juin 2009 par Servefa

Dans le temple de l’automobile que représentent les Etats-Unis d’Amérique, et leurs villes toutes entières bâties autour de la belle liberté de l’auto-mobilité privative et motorisée, nous nous sommes amusés à une autre forme d’automobilité par l’intermédiaire de nos valeureux muscles psoas illiaques, ischios, triceps, et autres quadriceps qui n’ont pas manqué d’actionner quelques « célérifères» pour visiter La Nouvelle-Orléans, Louisiane, et Anchorage, Alaska.

Je dois bien avouer ique ma sédentarité naturelle, prolongement spatiale de ma paresse léthargique, m’avait jusqu’ici que peu porté avec la petite reine. Mon enthousiasme pour les villes cyclables s’en trouvait donc plus idéologique que pleinement vécu, mon goût pour la marche à pied ou pour les transports collectifs étant nettement plus marqué dans l’organisation de la mobilité des villes.

Mais, par la persuasion d’une ondine et par le délicieux parfum estival qu’offre la Nouvelle-Orléans, me voilà en ce début de mois de mai sur une selle des plus inconfortables. Ni cet inconfort, ni l’incroyable inadaptation de la ville américaine au cycle, et moins encore quelques faux plats montants que le vice a placé contre le vent, n’ont suffi à amoindrir ma joie de circuler à pédalons dans une ville certes meurtrie par un passé récent, mais tout bonnement magnifique et resplendissante de musique. Bien-sûr, j’ai pesté comme un français râleur à la traversée des autoroutes urbaines et de leurs échangeurs inférieurs, car ne croyons pas qu’une autoroute surélevée, ou un autopont, suffise à régler les conflits entre modes doux et voitures : les rampes d’échanges entre les deux sont autant de dangers pour les lenteurs nues des modes actifs bravant les déboulements des automobiles trop pressées. Finalement, sous une chaleur écrasante, j’ai été surpris de constater que je pouvais rapidement traverser la ville et relier le quartier français au lac Pontchartrain en un gros quart d’heure, en profitant qui plus est des senteurs magiques des magnolias en fleur, et en circulant tranquillement, sans stress, sans tension, et avec la belle impression de l’effort et de vivre au rythme de mon corps.

A Anchorage, rebelote, mais avec deux changements cette fois-ci. Le premier de taille, puisque la ville, sportive et jouant la carte nature et, malgré une organisation globale pleinement américaine et centrée sur l’utilisation de l’automobile, offre un très beau réseau de vélo-loisir longeant ici le bord de mer, là un creek réputé pour sa fréquentation d’ours noirs, et parfois longeant d’immenses avenues boudées par les piétons et où on ne sait jamais si on roule sur une piste cyclable ou sur un trottoir. Aussi, dans un parcours utile et non ludique, ne nous sommes-nous pas retrouvés à contre-sens sur l’échangeur d’une autoroute. Une situation d’autant plus impressionnante que, second changement, nous affrontions cette fois-ci la terrible épreuve du tandem (qu’on pourrait appeler « vélo sans quiétude » (peut-être que cette appellation dépend du passager arrière) même si, finalement, l’expérience fut des plus amusantes et plaisantes).

De la Louisiane à l’Alaska, j’ai donc découvert un nouveau mode de déplacement. Certes la Nouvelle-Orléans et Anchorage sont à mille lieues des exemples mondiaux pour les cyclistes que sont Copenhague, Strasbourg, Ferrara ou Fribourg, mais justement, Nouméa n’est pas non plus à proprement parler un exemple de ville cyclable. D’apprécier ces expériences cyclables américaines, dans des villes soit un peu fraîche, soit très chaude, et non sans relief, et bien-sûr plutôt inadaptées au vélo citadin, m’a ouvert les yeux sur le potentiel de ce mode de déplacement en milieu urbain. Car dans le rayon d’action du cycle, entre 5 et 10 kilomètres, la ville, même peu dense, offre de nombreuses fonctions, de nombreux services, et bien souvent, son propre emploi (je n’ai habité qu’une fois à plus de 10 km de mon lieu de travail). A Nouméa, dans ce billet , j’avais noté les distances de certains quartiers au centre-ville, en ne notant que celles à peu près inférieures à 5km :

Voilà une belle indication de l’importance que peut prendre le cycle dans le transport urbain à Nouméa pour peu que chacun daigne abandonner son petit confort quotidien pour un mode de transport plus actif et plus propre, en particulier à Nouméa qui jouit de près de 2500 heures de soleil annuel (ce qui fait baver bien d’autres villes). Pour ma part, j’ai été si convaincu par ce mode de transport que j’ai décidé de m’y essayer quotidiennement à mon retour à Nouméa (voire à l’automne et au printemps à Montréal). Mais au-delà, je me suis pris de la belle ambition des villes cyclables, de ces villes qui se delestent des automobiles pour un moyen de transport finalement moderne (la bicyclette moderne n'est pas plus vieille que l'automobile) et qui permet d'envisager une autre compacité que celle de la ville piétonne, notamment avec le développement de l'intermodalité et du vélopartage (comme le vélib' parisien). Ainsi, par exemple, les bus d'Anchorage étaient tous munis de dispositifs spéciaux permettant de fixer son vélo à l'avant du camion.

Le cocktail cycle - marche à pied - transport collectif, s'il est dûment accompagnépar des politiques volontaires, peut constituer, pour une très large partie de la population, et surtout dans un pays jeune comme la Nouvelle-Calédonie, un choix gagnant pour construire des villes viables. Il serait temps que le Grand Nouméa prenne sérieusement ce parti, pour faire le pari d'être enfin une collectivité durable.

François SERVE


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