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L'Europe sociale, oubliée au Conseil européen

Publié le 18 juin 2009 par Juan
L'Europe sociale, oubliée au Conseil européen
Les 18 et 19 juin, Nicolas Sarkozy se rend à Bruxelles pour la tenue d'un Conseil Européen. Jeudi matin, il reçoit Daniel Cohn-Bendit et Cécile Duflot, représentant la liste Europe Ecologie. Quel est donc l'agenda présidentiel ? Le président n'a sans doute pas d'autre choix que de tenter de donner une couleur "rose et verte" à son discours politique des prochains mois. L'envolée du chômage, et la faible visibilité sur une éventuelle sortie de crise en France, et en Europe, au printemps 2010, imposent de se montrer à l'écoute de la détresse sociale. Après les déclarations sociales à l'étranger, la perspective du sommet de Copenhague en décembre prochain lui fournit une seconde diversion.
Sarko le gaucho, Sarko l'écolo
Lundi dernier, Nicolas Sarkozy s'est lancé dans un grand discours social ... à Genève, la capitale iconique du secret bancaire. Le président français s'est trouvé sur la même longueur d'ondes que... Lula, son homologue brésilien: «Avons-nous encore le droit d’attendre? Le monde ne peut pas être gouverné que par l’offre et la demande! La mondialisation ne survivra pas à la loi de la jungle, parce qu’il ne peut pas y avoir de liberté sans règles. Il est irresponsable de croire que les peuples subiront sans rien dire les conséquences douloureuses de la crise, qu’ils ne réclameront pas plus de protection. Ou nous aurons la justice ou nous aurons la violence. Il faut tout revoir. Changeons de modèle de croissance!» s'est écrié Sarkozy. La Tribune de Genève s'est amusée de ce rapprochement : "A aligner ainsi quelques perles du discours enflammé prononcé hier à Genève par Nicolas Sarkozy, on croirait entendre un tribun socialiste. Voire un petit-cousin européen de Fidel Castro". En France, qui prendra les vessies internationales du monarque français pour des lanternes sociales ? Nicolas Sarkozy a carrément appelé à une nouvelle "gouvernance mondiale", et défini 5 sujets de préoccupations :  l'élargissement du Conseil de Sécurité des Nations Unies et du G8, la réciprocité dans le libre-échange (un objectif contradictoire avec ses nouvelles intentions sociales et environnementalistes), la "conditionnalité environnementale et conditionnalité sociale" des interventions du FMI, de la Banque mondiale, des banques de développement, du PNUD, et la refonte du système financier international.
Après la défense du droit du travail à l'OIT, Nicolas Sarkozy a trouvé sa nouvelle diversion: l'écologie. La semaine dernière, les proches du chef de l'Etat ont fait assaut d'amabilité en faveur des écologistes. Ainsi, dimanche, Eric Besson a suggéré un dialogue avec le leader des Verts, Daniel Cohn-Bendit, en rappelant que "les questions environnementales sont durables". Fadela Amara le voyait déjà au gouvernement. Lundi devant l'OIT, Sarkozy a réitéré son souhait d'une taxe carbone. Nous avons déjà fait état des malentendus (volontaires ?) au sujet de cette taxe : l'Elysée entend remplacer une partie de la fiscalité existante, comme la taxe professionnelle, par cette taxe verte. De surcroît, il exclut (pour le moment) d'en redistribuer le produit aux ménages les plus modestes et aux entreprises les plus nécessiteuses. En d'autres termes, la taxe carbone s'annonce comme une une nouvelle TVA, mais verte cette fois-ci.
En France, tout le monde sait que l'écologie sarkozyenne a les limites de la raison libérale: le plan français de relance, voté il y a à peine quelques mois, est minimaliste en matière d'environnement (600 millions d'euros sur 26 milliards); les fameuses énergies renouvelables, si vantées par Sarkozy il y a 10 jours en Savoie, ne recueillent que 10% des investissements supplémentaires d'EDF; et le plan contient des mesures "Grenello-incompatibles", comme la construction de 3 nouvelles autoroutes ou la prime à la casse en faveur des voitures polluantes. Mardi, Jean-Louis Borloo a opportunément publié une étude du cabinet BCG prévoyant 600 000 créations (ou maintiens) d'emplois "verts" si les dipositions du Grenelle de l'Environnement à l'étude au Parlement étaient votées.
Les propositions de la Commission Européenne
Pour résumer, le chef de l'Etat a fixé son cap : "Ou nous aurons la raison, ou nous aurons la révolte." L'agenda du Conseil européen semble, à bien des égard, "raisonnable". L'agenda de la rencontre des chefs d'Etat européens à Bruxelles est chargé : institutions, emploi, environnement, régulation financière. Vues de France, les annonces sont décevantes.
En matière de régulation sociale et d'emploi, le Conseil Européen des 18 et 19 juin devrait en effet approuver une "communication" de 17 pages préparée par la Commission intitulée : "Un engagement commun en faveur de l'emploi". Qu'y trouve-t-on ? Un florilège d'annonces parfois minimalistes et souvent incomplètes :
- Préserver l'emploi existant, en renforçant les dispositifs de chômage partiel et en facilitant les procédures de restructuration par des "partenariats sectoriels". Sans plus de précisions.
- Stimuler la création d'emploi, en diminuant les "coûts salariaux indirects" (par exemple en favorisant les éxonérations fiscales) et en aidant la création d'entreprises par les chômeurs
 - Faciliter la mobilité en lançant une campagne d'information sur les dispositifs européens.
- Développer les compétences par une analyse sectorielle des besoins émergents en matière de compétence réalisée par la Commission; et le développement de l'apprentissage et de la formation professionnelle (avec un objectif minimaliste de 15% des travailleurs en formation à l'horizon 2020.
- Soutenir les jeunes, en se fixant des objectifs communs d'envoyer 5 millions de jeunes Européens en apprentissage, de limiter à 10% le taux d'abandon scolaire lors du deuxième cycle d'enseignement secondaire (correspondant aux niveaux de 1ère et terminale en France); et d'une formation obligatoire pour tout jeune au chômage à l'issue de son premier mois sans emploi.
- Faciliter l'accès à l'emploi, en développant la formation pour les chômeurs dès le 3ème mois de sans-emploi; en réduisant des charges sociales pour l'emploi de chômeurs de longue durée et des salariés peu qualifiés; en freinant les départs en préretraite (on voit ce que cela signifie en France) et ensubventionnant l'embauche des "groupes vulnérables";
- Réorganiser les aides européennes : le Fonds Social Européen prévoit d'allouer 1,2 milliards d'euros aux actions conjointes, et ciblera ses actions sur les thèmes précédemment évoqués. Les Etats seraient également exonérés de co-financement des fonds structurels en 2009 et en 2010 (le temps de les laisser se consacrer à leurs propres plans de relance).
En conclusion, le schéma proposé revient essentiellement à (1) favoriser les exonérations de charges (sans se soucier de la gestion des déficits) et (2) développer la formation sous toutes ses formes. Le plus frappant est l'absence totale de propositions en matière de sécurité sociale et d'harmonisation européenne : primo, en période de crise, et face à la montée de la précarité (un terme absent du document), on pouvait attendre quelques mesures ou engagements pour soutenir la demande, et plus précisément les revenus des plus fragiles. Que nenni ! Au mieux, la Commission se félicite des "compensations financières pour la perte de revenus" (page 6) et des revenus minimums en place dans l'Union qui joueraient leurs rôles de "stabilisateurs" (page 11). Mais le projet de la Commission ne propose aucun engagement en la matière. Secundo, rien n'est dit des écarts de salaires et de régimes sociaux au sein même de l'Union. Bref, le projet social reste minimaliste.
L'Europe minorée ?
On oublie également un peu vite que le fonctionnement institutionnel de l'UE est toujours défaillant. Le Conseil tente de trouver un compromis à l'échec du Traité de Lisbonne qui ressemble à une belle tartufferie : "les garanties accordées à l’Irlande doivent être suffisamment solides aux yeux des citoyens irlandais sans pour autant en même temps donner de raison pour un nouveau processus de ratification dans quelqu’autre pays de l’UE que ce soit" a expliqué le premier ministre tchèque Jan Fischer. Deuxième point, les dirigeants européens devraient valider la création de deux nouvelles institutions, un conseil européen du risque systémique (CERS), en charge d'une veille "systémique" des marchés, et un "système européen de surveillance financière".
Enfin, qu'on ne s'y trompe pas, la Commission sera toujours dirigée par le libéral-passif  Barroso pour 5 années supplémentaires: le journaliste Jean Quatremer confirme que les Vingt-sept vont reconduire José Manuel Barroso à la présidence de la Commission pour un nouveau mandat de cinq ans lors du Conseil européen. Il ne fait guère de doute que Barroso dispose de tous les soutiens nécessaires : la droite dirige 21 des 27 gouvernements de l'Union, et elle a conforté sa majorité au Parlement européen. Au mieux, certains dirigeants européens ont laissé entendre qu'ils souhaitaient que le futur élu définisse son programme politique...
Une Europe sociale à minima, des promesses écolos non tenues, un fonctionnement institutionnel bloqué... La réalité est bien éloignée des discours sarkozyens.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?
PS: merci à  Louison et ses crayons pour l'excellent dessin !
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