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La laitière de Jean

Par Chroniqueur
La laitière de Jean
La fable de La Fontaine, La laitière et le pot au lait, conte les misères de Perrette qui, imaginant tant et si bien le profit qu'elle pourrait tirer de la vente de son lait, tressaille de joie et fait tomber le pot qu'elle portait sur la tête.
La morale de l’histoire ? Il ne sert à rien de bâtir des édifices mentaux qui risquent de s'effondrer au contact de la réalité en moins de temps qu'il ne faut pour les énoncer (c’est faux et archi-faux, je n’en pense pas un mot ! Au contraire, rêvons, tombons, relevons-nous et continuons à rêver). Remarquons le pot de lait brisé, qui matérialise la matière grise de Perrette qui phosphorait répandue sur le sol avec ses projets et ses espoirs. Bien. L’explication de texte format baccalauréat étant faite, entrons dans le vif du sujet.
Avec le mari qu'elle a, Perrette, (elle risque de récolter des coups pour sa mésaventure), on comprend qu'elle veuille s'évader, songer éveillée à un bonheur bien mérité: une étable prospère. D'autant qu'elle ne désire pas de parures de bijoux, de carrosses, de prince charmant, que nenni! Ce n’est pas une bourgeoise rutilante notre Perrette. Elle a des plaisirs simples. Elle rêve d'avoir des poulets, un cochon, un veau qui s'ébaudit dans les prés.
Et puis, Perrette, c'est un de ces bouts de femme à la Brassens. Elle est printanière, « légère et court vêtue » dit la fable. On l'imagine avec son petit jupon (son cotillon), allant d'un pas joyeux vers la ville, le lait sur la tête et la poitrine relevée, un peu naïve et inconsciente du doux spectacle qu'elle offre. L'ami Jean esquisse en quelques traits, quelques gorgées, la douce laitière « ainsi troussée ». Les rimes nous font de grands signes: « troussée », « pensée », « couvée »: on irait bien l’aider à porter son trésor, à Perrette.
Le commentateur de mon édition note très sérieusement que Perrette est « ... habitée par un désir de pouvoir, comme la Mouche puis le Curé ». Quel désir de pouvoir? Perrette n'est pas une trader dans une salle de bourse en train de négocier le prix du lait à la hausse. Elle ne cherche à tromper personne. Elle ne veut qu’une chose: que Renard le rusé laisse ses poules tranquilles afin de pouvoir acheter un cochon. C'est le critique qui joue la mouche du coche avec sa lecture triste de la fable. A croire que la morale serait le code-barre qui validerait le poème.
La laitière de Jean, c'est un peu la brave Margot de Georges qui dégrafe son corsage pour donner la goutoutte à son chat ou la laitière de Vermeer qui s’encanaille, malgré son front trop grand, beaucoup trop grand.
Je soupçonne le moraliste d'avoir bâclé les deux tiers du poème pour le simple plaisir de décrire Perrette qui va à la ville, son pot de lait sur la tête. Car c'est évident, ce n'est pas Perrette qui bâtit des châteaux en Espagne, mais bel et bien le poète qui se rêve dans les bras de la laitière.
-Un pas de plus –
La Laitière et le pot de Lait.
Image: La laitière, Vermeer.

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