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Du danger d'écouter Lynda Lemay

Par Chroniqueur
Du danger d'écouter Lynda Lemay
Un homme politique de taille de par chez nous, Monsieur D.* sort une chemise en carton d'un joli vert (il se fait la réflexion: "Quel joli vert") et il note dessus avec un gros feutre rouge (il se fait la réflexion: "Rouge, rouge comme le sang"): FIN DE VIE. C'est samedi après-midi, il fait beau dehors, il se dit:
- Tiens, qu'est-ce que je pourrais faire cet après-midi?
Et voilà que Monsieur D. a une idée: on pourrait faire des économies. Comment? En luttant contre le blanchiment d'argent sale? Ah... non, ça on en a trop parlé. Il passe pour la nième fois son disque préféré de Lynda Lemay (il se fait la réflexion: "Bougre de jolie fille la Lynda!"), il écoute attentivement le morceau "La Centenaire" (je n'invente rien, c'est sur sa page oueb)... Ca y est, il tient son sujet... Il le tourne, le retourne... Ceux qui durent... ceux qui durent trop longtemps, ceux qui durent cent ans! Mais bon sang! Bien sûr! Ceux qui durent trop longtemps coûtent trop cher. Hop, c'est réglé, coût de la santé, tu veux pas te rétablir, t'as pas la santé, t'es une petite nature, t'es incurable ni récurable: à-la-poubelle! (On voit que Monsieur D. à bien compris le sens de la chanson de Lynda - là, c'est une réflexion toute personnelle). Comme l'indique son thème astral, Monsieur D. sait se dévouer pour autrui. Tu souffres trop, grâce à mes idées, moi, Monsieur D., j'abrège tes souffrances et en plus je fais économiser du pognon à la société. Si c'est pas une bonne idée! (Rappelons que Monsieur D. est d'un parti dont on seul des mots évoque quelque chose pour moi: "chrétien", mais je ne dois pas saisir l'esprit du mot en rapport avec les deux premières lettres de l’acronyme ou alors si on tronque celle du centre, mais non alors on pourrait les inverser... ah, c'est pire, c'est même très malheureux, non, décidément je suis une bûche - c'est toujours une réflexion de moi).
Il se dit qu'il faudra qu'il la mette sur son site, son idée du samedi, sous la rubrique "santé" et sous "news" aussi et peut-être ajouter l'Association pour les personnes en fin de vie "Hop loin!" dans les liens (ça crée des liens les liens, c'est très utile, après dans Google on a un bon ranking et c'est très important le référencement, c'est une lutte acharnée même le référencement. T'es pas Googlable, tu claques).
Donc, par un beau dimanche suivant le samedi qui précède, les mourants qui insistent pour mourir apprennent la bonne nouvelle: Monsieur D. va vous aider! Ah... tiens... on va plus investir dans la lutte contre le cancer? Foutaise! On va vous é-li-mi-ner. On va lutter contre ceux qui s'accrochent! Ca, on est sûr que ça réussit. La presse titre que Monsieur D. brise un tabou (le tabou, c'est quoi ? que ceux qui vont mal iront encore plus mal? Merci, ça on le savait, suivant). On apprend sur son site oueb que Monsieur D. travaille 15 heures par jour pour trouver des idées pareilles, parce que "quand on aime, on ne compte pas". Ben il ne doit pas beaucoup les aimer les très très malades Monsieur D. On apprend aussi sur le site de Monsieur D. qu'il est un ancien membre d'une fanfare, "la Persévérante". Mais on ne sait pas s'il la quittée à cause de son nom.
Monsieur D. se dit que son mandat pour la Société des vétérinaires suisses lui a quand même permis de réfléchir à la condition humaine, rien à redire. Il se dit d'ailleurs qu'il va être cohérent avec son action. Pas du tout arbitrairement, il décide que lui et sa famille cesseront de s'alimenter si le prix des aliments devient trop cher (il se fait la réflexion: "Quel engagement quand même"). Il médite une devise à rajouter sur le site: "Je vous promets moins de soin, plus de chagrin et des économies".
Aux dernières nouvelles, Monsieur D. est allé visiter les mourants très mourants pour leur soumettre ses idées, ainsi que leur famille (il se fait la réflexion: "On ne dirait pas que je reviens de vacances sur la photo de mon site oueb") (il se fait aussi la réflexion sur l'interprétation qu'on peut faire de son slogan, "Un engagement de taille", si on le comprend en pixels, en centimètres ou en mètres). Il s'étonne de l'acharnement que les gens ont à tenir à leurs proches. Surtout qu'en posant une grille de lecture non plus émotionnelle, vivante, mais économique, on voit bien ce qu'on pourrait économiser. En plus, celui qui s’acharne à pas mourir coûte, celui qui s’acharne à traiter l’acharné coûte, la famille de celui qui s’acharne et qui ne bosse plus pendant ce temps coûte ! Non, décidément, soyons raisonnables.
Bien sûr que Monsieur D. pourra me dire que je ne connais rien au dossier. Que les coûts de la santé explosent Seulement voilà, la vie, pour moi, n'entre pas dans des dossiers en carton vert. Et que ce que je ne vois pas exploser en tout cas autour de moi, c'est un surplus d'humanité. Peut-être bien que les traitements poursuivis par compassion coûtent cher, bien sûr. Mais n'y a-t-il pas de combats plus profitables à mener. On parle de coût de la santé... Mais Monsieur D., la santé, ça n'a pas de prix. Vous le savez bien. Et je me demande si vous avez brisé un tabou ou un tabu?
[*AVERTISSEMENT VITAL: tout rapprochement avec une actualité existante, de près ou de loin, à l'exception de la fourre de dossier verte est absolument fortuite.]

Image: Pierre-jean G.

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