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Bonus sans joker

Par Chroniqueur
Je ne descendrai pas dans la rue. Je ne revendiquerai pas. Je ne résisterai pas. Tout au plus, je manifesterai mon désaccord en allant fermer mon compte.
Et puis c'est tout.
Parce que je n'y comprends rien à toutes ces histoires, à ces institutions privées qui fonctionnent comme des administrations publiques. A ces bonus qu'on verse parce que c'est la règle, parce que les objectifs sont atteints. Si, si, vous avez bien lu, les objectifs sont atteints! Des bonus qui sont versés parce qu'il faut que l'entreprise garde ses meilleurs employés. Lesquels? Les as du désastre? Ou les dizaines de milliers d'autres qui souquent ferme au quotidien au sein d'une galère chargée de produits toxiques? Que les commandos de la débâcle aillent sévir ailleurs...
Personne ne demandera rien. Tout le monde dira que c'est normal, si normal. Et je reverrai les images de ces Argentins qui ont tout perdu, des années de labeur, des années d'économie. Mais nous ne dirons rien. Parce que, ici, ce n'est pas aussi grave. Jusqu'au jour où les portes blindées se seront refermées et les canons à eau nettoieront nos dernières réclamations alors que notre capital aura été poutzé. Un nouveau crash en perspective? Y a-t-il encore un pilote dans l'avion?
J'écoute des spécialistes qui m'expliquent des choses que je ne comprends pas. Je m'en offusque car je vois bien qu'on ne veut pas que je comprenne. Il y a aussi des gens à la télévision qui parlent en faisant des grands gestes et qui deviennent tout rouge. Tous ces débats sont censés constituer une catharsis salutaire, un cataplasme sur notre porte-monnaie. Pendant ce temps, les vraies affaires se poursuivent.
Je vois dans les journaux des publicités étonnantes, avec des hommes et des femmes qui disent qu'ils gardent confiance, qu'ils sont contents. Je crois qu'ils ont été payés ou sélectionnés du moins pour leurs vues communes. Parce qu'ils disent tous la même chose. Pourquoi choisir une communication décervelée? Pourquoi ne pas faire une campagne avec des professionnels qui témoigneraient que leur job, c'est de gérer de l'argent, pas des haricots. Que le pognon est une matière hautement inflammable, explosive, et que parfois les civils sautent aussi sur les mines de la guerre du dollar et qu'il en a toujours été ainsi.
Je vois un grand domino vertigineux, avec des pièces immenses, hautes comme des buildings, et je vois le garagiste de mon village, je vois l'artisan, le luthier, ce jeune entrepreneur qui pourraient être aplatis comme des crêpes si l'ensemble s'ébranle. Nous sommes pris en otage. Vive le syndrome de Stockholm!
Enfant, mes parents leur avaient confié ma tirelire. Je ne m'étais jamais posé de questions, je n'avais pas eu de raisons particulières de m'inquiéter. Mais depuis quelques temps, mon cochon s'est transformé en sanglier sauvage, hirsute! J'ai pris peur, craignant que la petite souris ne vienne me piquer les quelques réserves faites pour le jour où je perdrai toutes mes dents. Alors je suis allé fermer mon compte. Une dame charmante - Calypso? - m'a reçu. Elle a pris de gros ciseaux (énormes même), et elle a guillotiné par le milieu mes cartes, rompant le cordon ombifrical de la bande magnétique. Cet acte de rupture n'était pas anodin pour moi. C'était le terme d'une relation fidèle vieille de 24 ans. Pour toute récompense, j'ai eu le droit de payer 9 francs 90 pour la fermeture de mon dossier. La conseillère m'a rendu 10 centimes. Je n'en attendais pas tant.
Il paraît que toute cette polémique sur les bonus est née d'une indiscrétion... Le voile levé sur un secret bancal... Manquer de transparence envers tout un peuple qui vient au secours d'une possible faillite, non! Qu'on arrête de nous entourlouper avec ces salaires dits flexibles comme des tuyaux d'arrosage. Ce smog financier est inacceptable. Bon samaritain, pourquoi pas. Nourrice consentante, non.
D'ailleurs, toute cette histoire me rappelle que Joker s'est tiré en douce... Où est Batman?

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