Le morphing consiste à passer d'une figure à une autre. Comme vous. Je veux dire comme vous qui vieillissez constamment. Morphe ou crève. Pas pour rien que Kafka s'y soit collé en une brillante nouvelle : la métamorphose. Voici donc une hallucinante succession de formes qui ne laisse pas le temps de respirer. Du coq à l'âne passe-t-on ainsi dans les bras hydreux de Morphée la morfale. Vous étiez tous polymorphes au début, bande de petits pervers, incapables de vous cristalliser en un être aux contours précis, comme vous croyez être maintenant. Votre vision de votre être, celle d'avant le narcissisme, devait être cahoutchouteuse et instable. Métamorphique. Une vision, quoi, come ici : seule l'instabilité est stable. Nommez ça le devenir et vous obtenez : soit une rhapsodie, un Arlequin qui n'est jamais lui-même, fuyant comme un damné son image, soit une épopée sartrienne ou votre existence insensée va précéder ce que vous devez être réellement. Mais je m'éloigne de mon sujet qui a perdu toute forme, comme un chapeau sur lequel on se serait assis. Mon sujet : l'informe. Vous allez le déformer, j'en suis sûr. Anamorphoser mon propos à votre sauce. Et pan ! Le propos, passant de l'un à l'autre, c'est ça. Vous avez trouvé : la métamorphose épileptique, le retournement de veste, la caméléonite, est-ce un mode de vie viable ? Viable oui, vous me répondrez, mais enviable ?