Magazine Football

Lyon, la lente abdication

Publié le 19 juin 2009 par Hilarion

Lyon Puel  Lyon logo

C’est en bête blessée mais pas encore à terre que Lyon s’apprête à préparer sa saison 2009/10. Après sept ans de règne incontesté et incontestable, l’OL est subitement revenu à la réalité en mai dernier, quand Marseille et Bordeaux l’ont définitivement écarté de la course au titre. Pas un club ordinaire, loin de là, mais un champion déchu et détrôné presque dans l’indifférence générale. Dans une atmosphère de satisfaction, aussi : la France du foot commençait sérieusement à se lasser d’une pareille hégémonie, ou plutôt était fatiguée de constater qu’aucune équipe ne parvenait à faire vaciller Lyon de son piédestal. Tous, amateurs et médias réunis, s’étaient accrochés au faible espoir que représentaient, il y a un an, les 3 points d’écart entre l’OL et Bordeaux à la veille de la 38e journée. Le sort semblait déjà jeté, mais l’espoir subsistait malgré tout. Comme une preuve que l’Hexagoal ne demandait qu’à changer de main. Ça a finalement mis un an de plus qu’espéré. Bordeaux et Marseille, aux projets de jeu résolument plus offensifs - et donc spectaculaires et appréciés -, ont su redonner à la Ligue 1 un souffle dont elle manquait. Et offert à Lyon l’occasion de se remettre en cause. Parce que les erreurs n’ont pas manqué cette saison.

Il ne l’a jamais clairement affirmé, mais Jean-Michel Aulas a toujours considéré cette saison comme une saison de transition. À l’été 2008, l’OL est auréolé d’un inédit doublé championnat - Coupe de France, mais se sépare d’Alain Perrin. Il ne faut pas voir en le licenciement de l’actuel technicien stéphanois une erreur de JMA : l’atmosphère, à Tola-Vologe, était détestable. Perrin n’avait jamais su se faire adopter par les joueurs et s’était mis son staff technique - Bats et Duverne en tête - à dos. Le changement était inévitable et indispensable. Le choix de se tourner vers Claude Puel a été tout aussi judicieux, en tout cas sur le papier. L’ancien capitaine de l’AS Monaco a fait des miracles avec Lille, qu’il a emmené à deux reprises en Ligue des Champions dont une fois en huitièmes de finale (en 2006/07), et représentait la réussite qui accompagne généralement la stabilité.

Le premier accroc, et pas des moindres, est en fait venu du recrutement. Quand Puel débarque, tout est déjà bouclé : Lloris, Mensah, Makoun, Ederson, Pjanic et Piquionne ont déjà signé et aucun joueur supplémentaire ne viendra garnir l’effectif après l’intronisation du nouveau coach. Rien ne dit, bien sûr, que Puel aurait refusé ces joueurs, et d’ailleurs il a toujours assuré ne pas avoir été perturbé par ces choix. Mais comment bâtir un projet de jeu avec des éléments que l’on n’a pas choisis et, surtout, que l’on ne connaît pas, excepté Makoun ? D’autant que les arrivants sont plutôt jeunes (23 ans de moyenne d’âge) et pas habitués à jouer les premiers rôles en championnat. Lloris est des plus prometteurs, mais l’influence et le poids de Coupet, parti à l’Atletico en raison d’incompatibilité d’humeur avec la jeune garde montante, font alors défaut. Puel constate aussi le manque de de joueurs de couloirs dans son groupe - les “performances” de Kader Keita puis la blessure longue durée de Govou au tendon d’achille en décembre n’arrangeront rien.

Jusque-là impuissant et surtout victime, Claude Puel va pourtant lui aussi contribuer au lent glissement de Lyon vers une médiocrité évidemment relative. Dans la gestion de ses hommes, d’abord. Après le laxisme de Perrin, la rigueur de Puel détonne. Les stages de pré saison sont musclés et dirigés d’une main de fer par un entraîneur qui s’attache en plus à ridiculiser la moitié de ses joueurs en course à pied. Ceux-ci, d’abord rassurés d’être pris en main, vont ensuite rapidement déchanter. Sydney Govou en tête : “Je pense que son discours a été mal perçu par pas mal de joueurs. Sous Perrin, ce n’était pas folklorique mais c’était plus cool dans la vie de tous les jours, et quelque part, ça avait des répercussions dans le jeu. Bon, on n’était pas très bien organisés sur le terrain mais on était libres. Cette rigueur a été mal perçue par quelques joueurs. Certains ont adhéré plus que d’autres et il n’y avait plus d’osmose entre nous. Alors ça ne crée pas de conflits entre les mecs mais ça commence à devenir compliqué… Car à trop vouloir mettre de l’ordre, parfois, on s’égare un peu…” Ou comment confirmer l’adage selon lequel un homme est jugé par rapport à la valeur de son successeur.

Paradoxalement, sur le terrain, tout va pour le mieux. Lyon traverse le deuxième semestre 2008 en se qualifiant pour les huitièmes de finale de la C1 et conclut la phase aller du championnat avec trois points d’avance sur son premier poursuivant, Bordeaux. Lyon n’est pas particulièrement offensif, mais quelques renversements de situation (Nice, Lille, Sochaux) et la réussite de Benzema (10 buts à la trêve) laissent espérer une saison encore une fois prometteuse. Puis l’OL perd Govou en route, on l’a dit, et gère mal son mercato hivernal. Le feuilleton Fred s’éternise, Puel se voit refuser trois joueurs par son président, et quand l’attaquant brésilien finit par quitter le Rhône, Benzema se retrouve orphelin d’un joueur avec lequel il s’entendait à merveille. “Fred s’était mis à la disposition du gamin…” regrette alors Bernard Lacombe. Une fois son prodige isolé, l’OL n’a plus le même look. Aulas ira même jusqu’à reconnaître que lui et les supporters lyonnais se font “fais chier” cette saison à Gerland.

Car le plan de jeu de Claude Puel n’a jamais rien eu d’emballant ni même de clair, et Aulas ne peut prétendre aujourd’hui s’être attendu à autre chose vu la façon dont son entraîneur faisait évoluer le LOSC. L’erreur tactique de Puel aura sans doute été de vouloir perpétuer son projet de jeu alors qu’il passait, de Lille à Lyon, d’un outsider à une équipe destinée au premier rôle. Le 4-3-3 traditionnel laisse parfois place à un 4-2-3-1 ou à un 4-4-2, en fonction des joueurs disponibles. Juninho, pour qui le 4-3-3 était fait (l’inverse marche aussi), n’a pas eu la même influence que lors des saisons précédentes, même si le poids des âges n’est pas négligeable chez le Brésilien. Trop seul devant, Benzema a parfois donné l’impression d’errer comme une âme en peine. Les latéraux, quand ils n’étaient pas blessés, n’ont jamais tenu leur rang. La défense centrale, elle aussi ennuyée par les pépins physiques, a attendu le printemps pour se montrer à la hauteur. Et le milieu de terrain était plus destiné à récupérer le ballon plutôt qu’à le faire vivre. La première heure de jeu contre le Barca, à domicile, est une formidable éclaircie dans la grisaille. Mais l’élimination ramène les nuages dans le ciel lyonnais. “La défaite à Barcelone a été suivie d’une dépression collective. C’était terrible. Il faut en tirer les leçons, et renouveler” assène un Aulas forcé d’admettre que son équipe ne répond plus présente lors des grands rendez-vous.

Lyon est aujourd’hui face un défi au moins aussi grand que celui qui consistait jusqu’alors à se maintenir dans l’excellence : la retrouver. Aulas a confiance en son mode de gestion “à l’anglaise” et conforte Puel dans sa position en poussant vers la sortie le préparateur physique historique de l’OL, Robert Duverne. Le technicien lyonnais obtient aussi un droit de regard sur le centre de formation et sur les jeunes classes du club. Il va réduire son groupe de quelques éléments, histoire d’en renforcer la cohésion, et pourra gérer son recrutement. Même si Juninho est parti, Benzema devrait rester et Govou pourrait faire de même. L’avantage de Lyon, cette saison, sera de laisser la pression du champion en titre à Bordeaux. La participation à la C1 permet en outre de maintenir les finances du club dans un état plus que sain, atout non-négligeable dans la perspective du nouveau stade. Lyon ne veut pas ressusciter, non, il veut simplement retrouver sa grandeur. Voire plus.

Vincent Romain



Retour à La Une de Logo Paperblog