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Thon rouge : pour quelques millions d’euros de plus…

Publié le 19 juin 2009 par Greenpeacefrance

rw19901101w01Quelque part en Méditerranée centrale
Depuis une semaine le Rainbow Warrior est en Méditerranée centrale pour documenter les activités de pêche au thon rouge à l’articulation de la fin de la saison de pêche. En effet alors que la clôture de la saison de pêche devait avoir lieu le 15 juin à minuit, on joue les prolongations. Dans le cadre de la réglementation de l’ICCAT, il est possible de prolonger de 5 jours la saison si le temps a été mauvais. La plupart des pays pêcheurs ont fait valoir cette clause et la saison a donc été prolongée jusqu’au 18 pour la plupart des pays et jusqu’au 20 juin pour la Tunisie.
Il semble que la saison n’est pas été très bonne et par ailleurs que de vrais efforts en matière de surveillance aient été accomplis. Nous avons pendant quelques jours été “accompagné ” par la frégate de la marine de guerre française, le Surcouf, chargée des opérations de police de pêche sur le thon rouge. Les équipes de Greenpeace ont inspecté et interrogé plusieurs navires de pêche, dont un français et plusieurs remorqueurs tractant des cages pleines de thon rouge remontant des eaux lybiennes vers le nord, d’autres vides à destination du Sud pour les remplir. Nous avons également recueilli de nombreux témoignages, souvent poignant de la situation : surpêche, diminution des stocks… Humainement, un petit concentré de la globalisation.

Quel avenir pour ces petits pêcheurs ?

Comme cet homme, capitaine maltais d’un petit palangrier qui après avoir eu ses lignes coupées l’année dernière par un bateau de pêche industrielle se retrouve maintenant condamné à travailler pour ces mêmes armateurs industriels au thon rouge comme navire de soutien au transport de cages. Il nous a affirmé pêcher depuis 16 ans et que maintenant le poisson se fait trop rare, que le gouvernement maltais incite ces petits pêcheurs à mettre leurs bateaux à la casse, à emprunter et investir dans des bateaux plus gros, plus puissants, “Mais pourquoi” nous demande-t-il “s’il n’y a plus de poisson ?”

Hier en fin de journée, nous avons inspecté un remorqueur tunisien tractant une cage avec plus de 2 800 thons rouge, soit plus de 180 tonnes. Un beau pactole, dans une cage toute neuve, plus d’un million d’euros sous forme de poisson, tiré par un vieux chalutier, totalement rouillé, servant de remorqueur. Le capitaine de ce vieux chalutier qui “arrondi”  ses fins de mois en faisant le remorqueur pendant la saison de pêche au thon rouge n’est pas le bénéficiaire de cette fortune en cage. En revanche, les industriels de l’engraissement du thon rouge, qu’ils soient espagnols, maltais ou tunisiens, les importateurs japonais ou à l’autre bout de la chaîne les grands armateurs comme les français, ont gagné beaucoup d’argent et pour certains, continuent à gagner des fortunes…Et à mener le stock de thon rouge au bord de l’effondrement.

L’inspection de ce chalutier a été très instructive : outre l’accueil chaleureux, le capitaine tunisien nous a montré tous les papiers administratifs de l’ICCAT en règle, nous a expliqué que le thon qu’il transportait avait été pêché par des algériens et que le reste de l’année il faisait du chalutage de fond pour la pêche à la crevette, aux céphalopodes ou aux poissons de roche, toutes ces espèces étant également victime de la surpêche. Conditions de vie à bord on ne peut plus précaires ; un tas de rouille de 25 mètres de long, une odeur lancinante de chicha (tabac à narguilé), bassines d’eau et nourriture dans les coursives et les membres de l’équipage qui se reposent sur des couchettes disposées sur le sol…Voila les conditions de vie des marins, qui en l’occurrence sont en mer depuis 66 jours, soit toute la saison de pêche au thon rouge. Sans le moindre doute, le million d’euros qu’ils tirent n’est pas pour eux, à peine quelques miettes peut-être d’un commerce international parmi les plus rentables au monde. Tellement rentable que cette avidité participe activement à la disparition du thon rouge de la Méditerranée après avoir été pêché depuis plus de 7 000 ans par tous les peuples de cette mare nostrum.

Dernier espoir

Il est temps que l’ICCAT, au service des intérêts les plus à court terme de l’industrie, revoie sa copie, mette en place un moratoire, jusqu’à ce que la surcapacité soit réduite, qu’un plan de gestion respectant les recommandations scientifiques en matière de niveau de captures soit adopté et que les zones de reproduction soient protégées par des réserves marines.
Mais il est aussi temps de réguler ce commerce international qui a conduit cette espèce emblématique de la Méditerranée au bord de la disparition. L’année prochaine se réunit la CITES en charge de la protection et de la réglementation du commerce des espèces en danger : Une occasion à ne pas manquer pour inscrire le thon rouge sur la liste.

Enfin, en Méditerranée on ne fait pas que pêcher. Hier nous avons appris qu’à une trentaine de miles nautiques du Rainbow Warrior naviguait une petite embarcation vers le Nord…à bord, une cinquantaine de réfugiés cherchant à atteindre les côtes de l’Eldorado européen… Eux non plus ne seront pas les bénéficiaires des millions d’euros sous forme de thons rouge présents dans ces cages qui forment une véritable autoroute Nord-Sud, qui suivent la même route que les réfugiés.
La libre circulation n’est pas pour tous…

photo-web
François Chartier

Chargé de campagne Océans


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